TRIBUNE. Joe Biden a effectué du 2 au 4 décembre 2024 sa première visite diplomatique de son mandat sur le continent africain, plus précisément en Angola, quelques semaines seulement avant de quitter la Maison-Blanche. Au menu de sa rencontre avec les présidents angolais, rdcongolais, zambien et namibien, la mise en place d’un corridor économique dit Corridor de Lobito. Le président américain a mis sur table 600 millions de dollars pour moderniser le chemin de fer censé relier l’Atlantique à l’océan Indien.
Derrière ce vaste projet régional si alléchant, se cachent cependant beaucoup de pièges défavorables à l’émergence de la RD Congo.
Le premier piège c’est de faire de la Rd Congo, le théâtre de la violente guerre économique qui oppose les USA contre la Chine dans le contrôle des métaux rares (Cobalt, Coltan, lithium) en très grande quantité au Congo et sur lesquels toutes les puissances mondiales ont le regard pour le développement de leur technologie de pointe.
Ainsi donc en investissant dans cet immense chantier, les États-Unis ( et derrière eux beaucoup de ses partenaires occidentaux) veulent se présenter comme une solution alternative à la Chine.
Annoncé en effet dans une déclaration conjointe UE-États-Unis en marge de l’événement du partenariat pour les infrastructures et les investissements mondiaux au G20 en Inde en septembre 2023, le corridor de Lobito est une priorité clé du G7.
L’UE et les États-Unis codirigent le soutien au développement du corridor, y compris les investissements dans les infrastructures, les mesures non contraignantes pour la facilitation du commerce et du transit, les investissements dans les secteurs connexes pour favoriser une croissance durable et inclusive le long du corridor en Angola, en RDC et en Zambie. Un protocole d’accord a déjà été signé depuis octobre 2023 entre d’un côté USA- UE et de l’autre l’Angola, la RDC, la Zambie, la Banque Africaine de Développement ( BAD) et l’Africa Finance Corporation ( AFC) en vue de définir les rôles et les objectifs de l’expansion du corridor.
La Chine qui contrôle les minerais de Katanga et les achemine via le port tanzanien de Dar-es-Salam se trouve en confrontation directe avec les USA-UE qui ont décidé de contrôler les deux océans atlantique et indien en vue de s’assurer aujourd’hui et demain, le monopole de l’exploitation des richesses du Congo. Le corridor de Lobito est ce qui leur manquait pour avoir le dessus sur l’adversaire chinois mais aussi pour mieux asphyxier sur le long terme, toutes velléités d’indépendance économique du Congo.
Le deuxième piège a trait à l’extraversion même de l’économie rdcongolaise. N’oublions point l’importance du grand projet d’un port international en eau profonde de Banana pour avoir l’ouverture sur l’océan Atlantique et rendre autonome et compétitive l’économie congolaise à l’import et à l’export. Il faut donc rendre efficiente la convention de collaboration signée avec le Groupe émirati DP WORLD en 2018 puis revue en 2021 car ce projet du port de Banana revêt une importance stratégique pour le pays, en termes d’accès direct aux marchés internationaux et de renforcement de sa souveraineté commerciale La dépendance du Congo des ports de Lobito, de Dar-se-Salaam et de Pointe-Noire affaiblira à coup sûr toute ambition d’émergence de l’économie congolaise qui sera à la traîne des puissances régionales et internationales.
Pour échapper à ce double piège, le gouvernement congolais doit privilégier la construction d’une voie ferrée nationale et interprovinciale reliant le Grand Katanga et le grand Kivu au Kongo Central par Banana. La dépendance aux infrastructures des pays voisins ne fera que mettre en grand péril la souveraineté économique de la RDC et sa capacité à contrôler ses ressources stratégiques. Qu’on se le dise!
Germain Nzinga