La pénurie d’eau dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) peut constituer un facteur de déstabilisation ou un motif qui lie les communautés, ont estimé l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Banque mondiale.
Dans un nouveau rapport conjoint, «Gestion de l’eau dans les systèmes fragiles: renforcer la résilience aux chocs et aux crises prolongées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord», l’agence onusienne et l’institution de Bretton Woods ont affirmé qu’une gestion efficace des ressources en eau dans le monde arabe est la clé de la croissance et de la stabilité futures dans cette région.
Selon le document, qui décrit les risques associés aux défis de l’eau de la région et les politiques nécessaires pour y faire face, «l’instabilité combinée à une faible gestion de l’eau peut devenir un cercle vicieux qui exacerbe davantage les tensions sociales».
Le rapport estime néanmoins que «les actions nécessaires pour rompre le cycle peuvent également être des éléments essentiels pour le rétablissement et la consolidation de la stabilité», indique-t-on dans un communiqué publié sur le site Internet officiel de la FAO.
Soulignons qu’en marge de la conférence de la Semaine mondiale de l’eau, qui se tient du 26 au 31 août courant à Stockholm, en Suède, un appel avait été lancé pour «abandonner les politiques actuelles axées sur l’augmentation des approvisionnements vers une gestion à long terme des ressources en eau», indique la même source.
«Des politiques inefficaces ont laissé les populations et les communautés de la région exposées aux conséquences de la pénurie d’eau, devenant de plus en plus sévères en raison de la demande croissante en eau et du changement climatique », a-t-on relevé lors d’une session spéciale consacrée à la région MENA.
Au cours de cette session tenue mardi 28 courant, il avait été aussi rappelé que plus de 60% de la population de la région est concentrée dans des zones affectées par un stress hydrique de surface élevé ou très élevé, par rapport à une moyenne mondiale d’environ 35%.
La situation est telle que «si rien n’est fait, la pénurie d’eau liée au climat devrait entraîner des pertes économiques estimées entre 6 et 14% du produit intérieur brut d’ici 2050 ; le taux le plus élevé au monde», a-t-on prévenu.
Comme l’a si bien relevé Pasquale Steduto, coordinateur du programme régional de la FAO pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord «les pertes économiques entraînent la hausse du chômage, aggravée par l’impact de la pénurie d’eau sur les moyens de subsistance traditionnels tels que l’agriculture».
Ainsi, il estime que la dégradation de la situation peut entraîner «une insécurité alimentaire et des déplacements forcés de populations, ainsi que des frustrations croissantes liées à l’incapacité des gouvernements de garantir les services de base, ce qui pourrait aussi contribuer à l’instabilité généralisée dans la région».
Co-auteur principal du rapport, il reste néanmoins optimiste en soutenant que «des mesures peuvent être prises pour empêcher que la pénurie d’eau et l’instabilité ne deviennent un cercle vicieux, en mettant l’accent sur la gestion durable, efficace et équitable des ressources en eau et la prestation de services».
Pour sa part, Anders Jagerskog, spécialiste principal de la gestion des ressources en eau à la Banque mondiale et co-auteur principal du rapport, estime que «la rareté de l’eau a toujours une double dimension : locale, car elle affecte directement les communautés et régionale, du fait que les ressources en eau traversent les frontières».
Ainsi, soutient-il, «s’attaquer à la réduction de la pénurie d’eau est une opportunité pour donner aux communautés locales les moyens de développer leur propre consensus local sur les stratégies permettant de relever le défi. Dans le même temps, c’est une motivation pour renforcer la coopération régionale face à un problème commun».
Quoi qu’il en soit, «une approche équilibrée sera nécessaire pour aborder les impacts à court terme de la pénurie d’eau tout en investissant dans des solutions à plus long terme, y compris l’adoption de nouvelles technologies, comme base d’une croissance durable», assure la FAO dans son communiqué indiquant qu’en Égypte, 10% de l’eau agricole provient d’eau de drainage recyclée et qu’il est prévu d’installer au Maroc plus de 100.000 pompes solaires pour l’irrigation d’ici 2020.
Alain Bouithy