RDC : Le secret du coup d’État se cache à Kinshasa et à Brazzaville…

ACTUALITE. 1. Par quelles frontières est entré ce commando atypique?

Christian Malanga, l’homme qui a été en tête des assaillants qui ont pris d’assaut la maison de Vital Kamerhe et du Palais de la Nation n’est pas arrivé cette semaine sur Kinshasa.

Il y séjourne depuis six mois et des photos existent où en tant que businessman et investisseur économique, il est reçu au palais de la Nation en compagnie d’une dizaine des sujets américains. Une autre photo le montre en séjour dans la ville de Brazzaville par où, selon beaucoup de sources crédibles, sont passées les armes dont ils se sont servis. La même voie de transit utilisée en 2017 par le même Malanda lorsqu’il combattait le régime de Joseph Kabila.

Très connu des services de sécurité congolais qui l’avaient fiché depuis 2010 pour son activisme politique et surtout pour ses messages hostiles au régime de Kinshasa, Christian Malanga a pourtant pris l’avion de Kenyan Airways à partir de Nairobi, soit descendu à Brazzaville lui et quelques-uns de ses lieutenants, qu’ils soient reçus à Kinshasa comme étant des investisseurs par plusieurs responsables et des représentations diplomatiques qui savaient bien le dessus des cartes.

L’étude minutieuse de cet itinéraire ( USA-Nairobi-Brazzaville-Kinshasa) devient intéressante quand l’on sait que le Kenya demeure le parrain du couple politique au pouvoir ( Tshisekedi et Kamerhe) car c’est à Nairobi qu’a été signé l’Accord qui les lie jusqu’à ce jour. Mais c’est également ce pays qui est le co-parrain de la rébellion Alliance du Fleuve Congo (AFC) car c’est de là que Corneille Nanga a lancé son mouvement rebelle allié de M23 et du FPR rwandais.

Son passage par Brazzaville avant de rejoindre Kinshasa en dit long de flirts politiques de longue date que Malanga entretient avec le pouvoir de Sassou depuis 2017. Ceci expliquant cela.

2. L’étrange communiqué du gouvernement congolais

Pendant que les congolaises et les congolais se perdent en conjectures sur la signification profonde de cette tentative de coup d’état, ils ont tort de ne pas voir l’enchaînement des événements de ce temps dernier : la visite du président Tshisekedi à Paris pour demander le soutien face à l’agression de Kigali suivie, à l’opposé, d’une deuxième réunion des armées française et rwandaise de la Commission Militaire Conjointe, signant une feuille de route guida t la coopération bilatérale jusqu’en 2025. Puis cette visite dite amicale de Fatshi au village natal de Sassou Nguesso qui a non seulement qualifié publiquement son hôte de “président itinérant” mais en plus n’a pas renoncé pour autant à intensifier sa coopération militaire et économique avec le Rwanda, ce coriace ennemi de la RDC depuis trois décennies.

Au lendemain du putsch manqué de Kinshasa, grande a été la surprise des analystes de lire un communiqué officiel du gouvernement BRAZZAVILLOIS affirmant signalé “un obus en provenance de Kinshasa s’est malencontreusement abattu sur Brazzaville, d’à s l’arrondissement 2 Bacongo, précisément au quartier Mpissa dans la zone dite de Trois Francs.” Le communiqué a été lu à la télévision dans la matinée même du dimanche 19 mai 2024, au moment même où la situation sécuritaire était confuse au Palais de la Nation et à Kinshasa.

Lorsque les soldats qui ont pris part à cette intervention racontent : “des troupes stationnées à Brazzaville étaient sur le point de venir en appui”, il faille ne pas prendre ces indices à la légère. Car les alliances contre-nature du gouvernement avec le Rwanda, l’emplacement stratégique de la base militaire rwandaise à Mindouli juste en face de la frontière avec la RDC fait du Congo Brazzaville, la présence des éléments américains, ougandais, kenyans et rwandais parmi les assaillants d’hier qui tentaient de fuir vers Brazzaville après la tuerie de leur chef de bande, tout cela démontre à suffisance combien Brazzaville est devenue une dangereuse base-arrière des armées ennemies du Congo décidées de monter et de téléguider des opérations de destabilisation contre le pouvoir de Kinshasa.

3. Qui a tiré les obus sur Brazzaville?

Selon les témoignages des familles victimes de ces obus venus de Kinshasa, ils ont tirés et sont tombés sur Brazzaville à 5:00 du matin. La question de fond : qui a tiré ces obus? Et pour quel motif? Est-ce le groupe des assaillants ou l’armée congolaise?

Ces questions sont fondamentales. Et aucune hypothèse n’est à exclure d’un revers de la main .

Pourtant le mode de ravissement des véhicules des particuliers avant de lancer l’attaque contre le palais de la Nation prouve que le groupe des insurgés ne détenait ni la logistique minimale pour leur déplacement ni des engins lourds capables de lancer des obus sur un pays étranger. L’hypothèse d’attribuer la responsabilité aux putschistes est donc à éliminer.

Reste alors de regarder du côté des FARDC demeurées aphones sur les accusations du gouvernement brazzavillois. L’attaque contre la maison de Vital Kamerhe est lancée vers 4:00 du matin et une heure plus tard, l’armée zaïroise lance des obus sur un pays voisin? Elle doit avoir des motifs pour vite lever l’option d’une pareille attaque contre une capitale limitrophe. Lesquels ces motifs? Seule la personne de Christian Malanga devrait détenir ce secret dans la mesure où il jouait sur deux claviers sécuritaires.

D’abord sur le clavier de la politique interne en République Démocratique du Congo où ce bouillant congolais de la diaspora a pu être instrumentalisé dans un conflit qui déchire l’Union Sacrée de la Nation depuis que Vital Kamerhe a été pressenti à la tête du bureau de l’Assemblee Nationale et que la famille politique présidentielle conconcte un autre schéma de modification de la constitution à laquelle son allié politique ( successeur logique de Fatshi conformément à l’accord de Nairobi) ne peut ni ne pourra adhérer au risque de son propre suicide politique. Christian Malanda peut avoir été utilisé par un camp pour éliminer physiquement physiquement celui qui est plus considéré désormais comme un coriace adversaire et un rival à abattre pour parvenir à ses fins politiques en 2028.

Christian Malanga a en même temps joué sur un deuxième clavier géopolitique, croyant naïvement utiliser deux gouvernements pour pousser ses avantages et ses desseins politiques mais en réalité Kinshasa et Brazzaville l’ont UTILISÉ pour se régler des comptes. Il a été lui-même utilisé par l’un et par l’autre comme un taupe pour jauger les plans secrets de l’ennemi en face. Selon le témoignage d’un GR qui a assisté à son agonie, les dernières paroles de Christian Balanga sont : « Nani apesi bino ordre bo tirer ngai. Bring me to hospital. Bobenga bakonzi na bino ». Il rendra le dernier souffle sans jamais avoir de réponse à ses questions ni à être secouru à l’hôpital…

Son assassinat pourrait bien être étroitement lié à l’opération militaire consistant à effacer des dangereuses traces dès lors que ce militaire “missionné” a raté sa mission première d’éliminer ce haut dignitaire du régime actuel. Le soldat Malanga est mort avec des secrets d’état et, dans ce sens, le nettoyage systématique de la chambre où il logeait tout comme la confiscation de tous les biens présents sont à comprendre comme une opération policière d’effacer toute trace compromettante contre le pouvoir.

4. Christian Malanga, le manipulateur manipulé

En effet, lors d’une réunion très importante convoquée aux States par Christian Malanga, ce dernier a rendu un grand service aux chercheurs en levant les pans de voile l’identité de ses invités qu’il a nommément présentés devant les caméras présentes et qui se veulent être ses partenaires internationaux venus d’Italie, de Grande-Bretagne, puis son conseiller en stratégie militaire nommé Sir Douglas venu de Londres et des représentants des confréries internationales aux allures des loges. Il a également présenté une importante délégation des hommes d’affaires venus de Grande-Bretagne et censés accompagner les réformes économiques que Malanga entendait mettre en place pour le nouveau projet de société de News Zaïre.

Et pour revenir à l’analyse approfondie de ce communiqué du gouvernement, souvenons-nous de la réaction militaire immédiate de Mzee Kabila aux obus tirés de Brazzaville le mercredi 7 octobre 2017 lors des affrontements sanglants opposant les partisans du président Pascal Lisouba à ceux de son rival Dénis Sassou Nguesso. Le président Kabila avait fait tiré quelques heures plus tard sur la ville de Brazzaville le même nombre d’obus en signe de riposte. E i dit, le communiqué du 19 mai 2024 doit être compris comme une préparation psychologique et une quête de justification devant l’opinion tant nationale qu’internationale des provocations de Kinshasa mais aussi de l’attaque militaire imminente qui se peaufinait à partir de Brazzaville pour venir en appui aux insurgés de Kinshasa.

Mais bien curieusement, les tirs de réciprocité n’ont pas eu lieu. Le général Dénis Sassou n’a pas voulu tomber dans le piège tendu par Kinshasa car il a compris que son pion était double c’est-à-dire manipulé et instrumentalisé dans l’un et l’autre camp adverse et que l’obus tiré et la réaction de réciprocité de Brazzaville souhaitée par Kinshasa visait juste à créer la diversion et à détourner l’attention de l’opinion publique. Tout au plus, Kinshasa a voulu en profiter pour montrer ses griffes et ses dents de léopard au Congo voisin qui traite avec ses ennemis de l’Afrique interlacustre.

Que conclure de tout ce qui précède?

À mon humble avis, le coup d’état annoncé dimanche matin à Kinshasa n’en est pas un. Les véritables putschistes d’un coup d’état s’en prendraient à la personne du Chef de l’Etat qui incarne l’Etat et non à des responsables politiques sans fonction officielle ou encore moins au bureau du chef de l’Etat où l’on sait qu’il ne peut être présent à 4:00 du matin. Un coup d’état sérieux commence par l’occupation de l’aéroport où est annoncée la suspension des vols entrants et sortants et également la prise du contrôle de la radio-télévision pour pouvoir filtrer l’information et informer le peuple de l’identité du nouvel homme fort et de sa nouvelle politique pour redresser le pays.

Rien de tout cela ne s’est vérifié le dimanche 19 mai 2024 matin. De là il n’ y a plus qu’un petit pas pour comprendre que Christian Malanga n’a pas été la pièce maîtresse du coup fourré de dimanche dernier. Il a été utilisé comme une simple pièce dans le grand puzzle de rivalités politiques au sein de l’ union sacrée tout comme un fusible potentiel entre Kinshasa et Brazzaville pour se régler des comptes. Bref la véritable menace contre la sécurité de Kinshasa et contre ses institutions provient bel et bien alternativement de Kinshasa et de Brazzaville.

De Kinshasa de par le chaos entretenu sciemment au sein de la majorité présidentielle et le vide institutionnel qui en découle depuis voici cinq mois réveillant tous les démons, y compris celui d’un putsch ou encore de la peur noire d’être attaqué par n’importe qui et plus probablement à partir de Brazzaville devenue le nid des espions contre la RDC. Le pouvoir de Kinshasa a donc agi par anticipation pour décourager toute initiative dans ce sens. Tous ces fretins tués ou neutralisés hier matin dans la capitale kinoise sont très insignifiants par rapport au plan plus large de leurs commanditaires africains et internationaux .

En tout état de cause, deux pistes prévalent : soit celle de Kinshasa qui aura utilisé Christian Malanga autant pour éliminer l’allié devenu un rival coriace que pour prouver son invincibilité devant son opinion nationale tout comme pour provoquer un climat de terreur et d’intimidation en vue de dissuader quiconque nourrirait de velléités d’un coup de force.

La piste de Brazzaville en tant que nid des espions anti-congolais a voulu tester ce dimanche matin le degré de vigilance des services d’intelligence et de sécurité congolais. Le fait que les assaillants aient alors pu entrer à l’intérieur du Palais présidentiel a été pour lui la preuve par neuf qui démontre les failles du système et à ce propos, l’ennemi a pris bonne note. Dans ces conditions, le fait qu’il n’ait pas appliqué le principe de réciprocité militaire en lançant à son tour des obus sur Kinshasa n’est point du tout un signe de faiblesse militaire. Le moment n’était tout simplement pas propice. Mais rien ne prouve qu’il ait renoncé pour autant à son plan de déstabilisation de la RDC voisine.

Pour parer au pire dans l’avenir, il revient à l’Etat congolais de ne pas faire perdurer la crise au sein de l’Union sacrée et le vide institutionnel synonyme de source d’angoisse sociale généralisée et générateur possible d’implosion sociale. Il lui revient également de ne jamais croire béatement à la bonne foi ni de ses ressortissants congolais de la diaspora, ni du président français qui souffle le chaud et le froid en gavant Fatshi de promesses fallacieuses ni de l’homme fort de Brazzaville dont les faits et gestes démontrent abondamment qu’il travaille en intelligence avec les agresseurs de la RDC.

Croyez-moi : la clef d’une bonne lecture du putsch raté au palais de la Nation se cache dans les rivalités politiques au sein de la majorité présidentielle et dans le jeu de ping pong entre Kinshasa et l’autre côté du fleuve Congo. Les deux indicateurs , s’ils ne sont pas pris en compte, peuvent devenir des facteurs anxiogènes et conflictogenes en Afrique centrale. Qu’on se le dise !

Germain Nzinga

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