Maroc: Les besoins de financement débouchent fatalement sur un endettement accru
Le Royaume devrait profiter du contexte mondial actuel et à venir « pour mieux valoriser ses atouts et lever ses contraintes de gestion et ses déficits structurels avérés et latents », a estimé le Haut-commissaire Ahmed Lahlimi Alami lors d’une rencontre tenue mardi 10 à Casablanca et au cours de laquelle il a livré son analyse de la situation macro-économique nationale en 2018 et exposé les perspectives pour l’année 2019.
Abordant justement la situation économique nationale, le responsable a annoncé que l’économie marocaine devrait enregistrer un taux de croissance de 3,1% en 2018 et baisser à 2,9% en 2019.
« Le PIB devrait s’accroitre en volume de 3,1% en 2018 et 2,9% en 2019, après 4,1% réalisé en 2017, dans un contexte où le taux de chômage ne devrait guère connaître d’amélioration et où l’inflation intérieure serait, avec 1,7% en 2018 et 1,3% en 2019, le double de ce qu’elle était en 2017 », a-t-il indiqué.
Après s’être accrues de 13,2% en 2017, les prévisions du CHP laissent penser que la valeur ajoutée du secteur primaire devrait connaître une progression modérée de 3,1% en 2018 et un recul de 0,3% en 2019, soulignant que sa contribution au PIB serait nulle en 2019, au lieu de 0,4 point en 2018.
De leur côté, les activités non-agricoles devraient poursuivre leur tendance haussière à 3,1% en 2018 et 3,2% en 2019, a affirmé le Haut-commissaire rappelant qu’elles avaient crû de 2,8% en 2017.
Selon les explications du patron du HCP, cette évolution bénéficierait des activités traditionnelles du secteur secondaire, notamment industrielles et minières, et d’un secteur tertiaire, dont la croissance devrait passer de 2,7% en 2017 à 3,1% en 2018 et 2019, profitant en particulier d’un renouveau du dynamisme du secteur touristique.
Si la période 2018-2019 devrait globalement connaître une croissance mondiale soutenue, dont la demande adressée en particulier au Maroc, tout porte à croire que la demande extérieure nette devrait à nouveau contribuer négativement à la croissance du PIB de 0,7 point en 2018 et de 0,3 point en 2019. L’année dernière, elle avait enregistré une contribution positive de 0,5 point.
Les estimations du Haut-commissariat laissent apparaître que les exportations de biens et services devraient s’accroître en volume de 6,9% en 2018 et 2019, en ralentissement par rapport à 10,9% affiché en 2017. Tandis que les importations devraient enregistrer une baisse du rythme de croissance en volume, passant de 7,4% en 2017 à 7,1% en 2018 et 6,2% en 2019.
Analysant la demande intérieure, Ahmed Lahlimi Alami a annoncé qu’elle devrait continuer à tirer la croissance économique et enregistrer « un accroissement de 3,5% en 2018 et 2,9% en 2019, avec une contribution à la croissance respectivement de 3,8 points en 2018 et 3,2 points en 2019 ».
Avec une croissance de 3,3% et 3,4%, respectivement en 2018 et 2019, la consommation finale des ménages continuerait à s’améliorer au cours de cette période. Elle bénéficierait de l’amélioration des revenus agricoles et la consolidation de la croissance des activités non-agricoles, a-t-il précisé.
Les prévisions du HCP font également ressortir que la consommation des administrations publiques devrait s’accroître entre les deux années de 1,8%, après 1,5% en 2017, alors que la formation brute du capital fixe continuerait d’être soutenue par la poursuite des programmes d’infrastructure et la reprise relative des activités industrielles.
S’agissant du financement de l’économie nationale, l’analyse du Haut-commissariat au plan soutient qu’elle continuerait à connaître une accentuation des besoins en financement.
Soulignons que l’épargne intérieure serait de l’ordre de 22,8% du PIB en 2018 et 22,6% en 2019, après 23,1% en 2017 ; alors que l’épargne nationale serait de 28,7% du PIB en 2018 et en 2019, après 28,9% en 2017.
Selon l’organisme public, l’effort d’investissement représenterait 32,8% du PIB en 2018 au lieu 32,6% l’année précédente. Il devrait baisser légèrement à 32,5% en 2019.
Commentant ces données, Ahmed Lahlimi Alami a, en conséquence, estimé que « le besoin de financement sera de 3,9% en 2018 et 3,6% en 2019, que notre pays doit couvrir par le recours à l’endettement », soulignant que, dans ces conditions, « l’endettement public global de l’économie serait de 82,6% du PIB en 2018 et 82,9% en 2019, au lieu de 82% en 2017 ».
Globalement, le Haut-commissaire a relevé qu’au plan des équilibres macroéconomiques, le Maroc a accompli d’incontestables efforts au cours des dernières années, même si la vigilance devrait rester de rigueur.
Selon lui, l’investissement a renoué avec la vigueur qu’il a connue depuis les années 2000. La consommation des ménages a maintenu une relative stabilité de son taux de croissance de l’après crise de 2008. Le taux d’inflation est resté plutôt faible, après une période où s’exprimaient des craintes d’une menace déflationniste.
« Le déficit budgétaire a baissé de 6,8% du PIB en 2012 à près de 3,4% en 2017, même s’il devrait connaître une légère hausse en 2018 et 2019. Le déficit du compte courant de la balance des paiements a, de son côté, baissé de 9,5% du PIB en 2012 à 3,6% en 2017 et 4,1% en 2018. L’endettement public, après une augmentation alarmante entre 2010 et 2014, s’est relativement stabilisé au cours de la période 2015-2018 », a-t-il noté.
Cependant, qu’elles soient réelles et positives, Ahmed Lahlimi Alami a attiré l’attention sur le fait que ces performances « s’inscrivent dans le cadre d’une croissance économique plutôt faible soumise encore, même avec un degré moindre, aux aléas pluviométriques avec une offre à faible contenu en technologie et en capacité d’exportation, peu créatrice d’emplois qualifiés et peu contributive à la réduction des inégalités sociales et territoriales ».
Quoi qu’il en soit, il a estimé que les réformes des structures ne peuvent être évaluées ou encore moins justifiées, par référence aux seules performances macro-économiques de conjoncture.
A l’entendre, « seule une analyse, dans une démarche prospective, des données structurelles de la réalité économique et sociale nationale d’une part et celles géoéconomiques et géopolitiques internationales d’autre part, devrait fonder la pertinence et la sécurisation des effets de toute décision de réforme à caractère structurel ».
Alain Bouithy

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