Lettre ouverte au président Denis Sassou Nguesso, à Brazzaville, au Congo

Excellence Monsieur le Président,

Puisque l’honneur vous échoit de diriger aux destinées de notre nation, le 29 Décembre 2018 vous tiendrez un discours sur l’état de la nation devant le parlement et le sénat réunis en congrès. Le peuple congolais, suspendu à votre écoute bien que désabusé, espère un tournant sincère et des annonces décisives lors de ce message.

Au-delà de nos antagonismes politiques, m’ayant valu une incarcération arbitraire de trois mois pour m’être opposé au changement de la constitution en octobre 2015; et une traque non justifiée pour avoir soutenu une candidature autre que la vôtre à l’élection présidentielle de Mars 2016, sans aucune rancune, dans un esprit patriotique et dans l’intérêt commun de la république, le devoir républicain m’exige, ce jour, de ne pas rester indifférent à la fatale trajectoire que prend notre pays. Le Congo, cet héritage précieux que nous avons trouvé et laisserons certainement, nous impose beaucoup de responsabilité, pour contribuer à son essor et travailler à son développement, chacun selon l’opportunité qui est la sienne.

Mémorandum et sans vouloir rien vous enseigner, la république du Congo a aujourd’hui soixante ans: un âge mûr et, pour les scientifiques, c’est l’âge achevé d’un cycle économique ou politique. Pendant ces six décennies, notre pays devenu jeune démocratie depuis trente ans maintenant, a oscillé entre des temps de privation et des temps d’abondance.

Aujourd’hui, le pays est frappé de plein fouet par une crise multidimensionnelle avec un accent particulier sur les volets politique, financier, économique et social. Il est donc impérieux de capitaliser ces importantes expériences de la vie de la nation. A l’instar de la crise financière des années 80 qui avait conduit notre pays à un plan de réajustement structurel de 1992 avec le FMI, couplé à une dévaluation du franc CFA, sans hausse de pouvoir d’achat, aujourd’hui encore notre pays est confronté au même schéma, alors que de l’an 2004 à l’an 2012, le Congo a connu la plus fleurissante période de son histoire, avec une rente pétrolière sans précédent couplée à des excédents budgétaires. Malheureusement dans le quotidien des congolais et des congolaises, les marques de redistribution et de justice sociale sont insuffisantes et inégalitaires.

Aujourd’hui, Le peuple a besoin de réponse, le peuple a besoin d’être situé et il demande tout simplement des repères. Quand parlerez-vous au coeur des congolais et des congolaises ? Quand allez-vous enfin décider d’entendre le cri du Congo profond ? Quand allez-vous répondre véritablement aux cris de détresse du peuple que vous dirigez?

Monsieur le président,

Je vous adresse cette lettre ouverte, pour vous sensibiliser au sujet de votre discours prochain. Cette date, je l’espère, restera dans les annales de la république puisque votre discours ne devrait pas ressembler au vieux rituel évocatoire auquel vous nous avez habitués. Ce discours, à mi-mandat, pendant que le pays est frappé de plein fouet par la plus grande crise de son histoire, se doit d’être à la hauteur des attentes de tout un peuple dont le rêve s’est estompé dans le doute et le désespoir. Oui! Le peuple est désemparé, il se sent délaissé et livré à son sort.

Je viens donc vous appeler à être à la hauteur de ce grand rendez-vous. Ce discours ne doit pas être comme les autres car il est une opportunité pour fixer un cap nouveau à tout un peuple, pour donner un nouvel élan à toute la nation. L’ossature de vos discours habituels est connue. Il peut se résumer en trois points majeurs:

Dans un premier temps, vous félicitez l’amélioration de la situation financière et économique, alors que ce sont des mouvements insignifiants pour relancer le pays; vous tentez de justifier les contre-performances de l’État par l’alibi de la crise mondiale alors qu’un diagnostique spécifique et objectif s’impose pour le Congo en vue d’un véritable palliatif; vous fustigez les anti-valeurs alors que vous savez bien qu’aucune action pertinente ne s’en suivra: pour preuve, les slogans brandis à cet effet font l’objet de raillerie tant dans la salle pendant que vous vous exprimez, que dans la société dans le quotidien des populations.

En suite, vos discours portent sur les questions internationales, beaucoup de réalisations diplomatiques et communautaires mais sans véritable profil perceptible pour notre pays. A cela s’ajoute les grands sujets de la conjoncture internationale et au passage les actions menées avec le FMI.

Et enfin, vous pérorez sur la vie politique du pays, en passant par des prouesses en terme d’établissement des institutions de la Nouvelle République. Vous couronnez le tout avec des félicitations à la force publique pour l’excellent travail accompli avec à la clé une apologétique de la paix. Mais que dite vous de la paix sociale ?

Vos discours sont anticipés et plus personne n’y croit, combien même dans un désespoir silencieux ils soient toujours attendus.

Les vrais problèmes du quotidien des congolais ne sont jamais indexés, leurs réalités de vie ne sont jamais abordées. D’Impfondo à Pointe-Noire, une unité nationale a réussi à s’imposer: ce qui nous unit plus que tout, c’est la pauvreté et la précarité. Que direz-vous à cet effet ?

Le chômage, les maladies, les questions du genre et de la jeunesse, sont autant de sujets qui nécessitent des réponses pragmatiques, des annonces lucides et des mesures fortes. La jeunesse n’est certes pas un projet politique, mais elle est un engagement politique. Que dites-vous à la jeunesse, Cette jeunesse qui représente aujourd’hui plus de 67% de la population? Est-elle pour vous un simple instrument d’activisme, de militantisme et de réalisation de vos ambitions, comme on se sert d’un escabeau? Quand on voit que même à la Force Montante Congolaise (FMC) qui est la jeunesse du parti au pouvoir (le PCT), les jeunes ne sont aucunement valorisés, que faut-il en déduire?

Monsieur le président,

Je vous exhorte à un effort de dépassement de vos convenances habituelles. Le discours politicien n’est plus approprié face à l’urgence des solutions apportées, la démagogie non plus. Dans tous les peuples, les générations évoluent au rythme du monde, un monde de plus en plus connecté et globalisant. Et le jeune congolais « écoute en marchant, dans ce mouvement rapide qui emporte le monde », pour paraphraser Le Duc de Lamennais. C’est pourquoi nous devenons plus exigeants: exigeants dans la gouvernance, mais aussi dans les discours et les actes.

Sur les questions politiques, je vous appelle au triomphe modeste et à l’humilité du partage. La république n’est pas une cohabitation de vainqueurs et de vaincus. Elle est un sacré héritage qu’on partage ensemble. On ne dirige pas sans partage. A cet effet, je vous exhorte à prendre de la hauteur, à dépasser vos positions intrinsèques pour aller magnanimement vers la décrispation du jeu politique. Cela passe au préalable par la libération des acteurs politiques incarcérés pour des raisons qui ne sont plus à discuter. Cela passe aussi par un dialogue sincère sans exclusion aucune. Nous attendons de vous des réponses à cet effet.

Enfin de compte, je vous demande de nous révéler, ce 29 Décembre 2018, l’Homme d’État que vous êtes pour que ce discours et ce moment soient à la hauteur d’une leçon d’histoire: ce que nous et la postérité retiendrons de vous.

Que vive la République !

Que Vive le Congo !

Que l’intérêt supérieur de la nation soit au coeur des patriotes !

Marc Alain MANTOT,

Vice-Président du MIKALE, Adjoint au Directeur national de campagne, chargé de suivi, du contrôle et de l’évaluation pour le candidat Jean-Marie Michel MOKOKO.

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