RDC : Pourquoi cette coutume de refus d’inhumation aux anciens dignitaires ???

PARLONS-EN. Une des constantes de l’histoire politique de la RDC depuis son indépendance, c’est le refus de réserver des funérailles dignes aux précédents dirigeants. Et les exemples sont légion : – Mobutu et ses successeurs refuseront d’offrir une tombe digne aux deux Premiers Ministres Patrice-Emery Lumumba et Moïse Tshombe; – Mzee Kabila et son successeur de “fils” refuseront mordicus le retour du corps de Mobutu dans son pays qu’il a servi avec tant de zèle; – Joseph Kabila s’entêtera jusqu’à la fin de son mandat à laisser poireauter à Bruxelles le corps de l’emblématique opposant et ancien PM Étienne Tshisekedi. Bref le deux seuls dignitaires qui ont bénéficié des funérailles dignes sont ceux-là dont les rejetons ont accédé à la magistrature suprême. Il est temps qu’on se pose la douloureuse question suivante : POURQUOI??? Deux raisons à cela. Primo : la rivalité politique ne se fait pas seulement du vivant de l’adversaire politique. En RDC, le successeur commence par faire table rase de tout ce qu’a accompli son prédécesseur. Il passe son temps à effacer sa mémoire pour reprendre à zéro jusqu’à ce que le peuple se rendra compte que le nouveau président n’a pas fait mieux que son prédécesseur. Constat qui va exacerber la rivalité politique qui ne visera plus seulement de modalités de gestion de la res publica mais ira jusqu’à toucher à sa vie privée: refus de sépulture; refus de lui reconnaître un bien meuble ou immeuble; confiscation de ses propriétés; refus de voir sa famille biologique sur le territoire national; refus même d’entendre prononcer son simple nom en bien. C’est cette peur posthume et pathologique de son adversaire défunt et du succès politique que peuvent lui faire engranger des obsèques populaires qui sont la principale cause politique de ce blocage. Sans ignorer que celui qui occupe le trône soupçonne ces cadavres-là de détenir un pouvoir fédérateur sur tous les déçus et les marginalisés du nouveau régime qui feront de sa tombe un lieu de pèlerinage et de ressourcement politique. Mais il y a aussi à signaler une autre raison spirituelle. En RDC comme en Afrique, un cadavre détient plus de pouvoir qu’un vivant. Son esprit est plus redoutable dans la tombe qu’au bureau présidentiel. Pour éloigner le spectres de ses fantômes, Mobutu et successeurs ont jugé mieux de tenir loin, très loin du pays, ces cadavres dérangeants avec un possible pouvoir d’envoûtement contre lesquels tous les marabouts invités au palais présidentiel ne peuvent guère faire grand-chose. Ces présidents congolais qui nous prêchent la politique de l’authenticité ont tort d’oublier que les coutumes africaines ne pardonnent guère une famille ou un peuple qui n’a pas fait le deuil de son ancêtre, peu importe que celui-ci ait été bon ou méchant. Refuser de faire son deuil c’est se faire mal à soi-même, c’est en d’autres termes laisser son esprit errer dans les forêts, les savanes sinon au milieu des vivants et porter une succession de malheurs sur les habitants. Ceci dit, tant que les restes de ces grands personnages ayant marqué l’histoire congolaise, à savoir : Lumumba (Bruxelles), Tshombe (Alger) et Mobutu (Rabat) n’auront pas de sépulture digne dans la terre de leurs ancêtres, tant que nous peuple congolais nous refuserons de faire leur deuil, leurs cadavres continueront à nous hanter et à générer des cauchemars à des générations et des générations. Quoi qu’on dise, ces hauts dignitaires, parmi lesquels le Maréchal Mobutu décédé un certain 7 septembre 1997, ont beaucoup donné de leur vie pour le bien de ce ce pays et leur refuser l’enterrement dans leur terre natale ne peut porter bénédiction à personne. Car aux yeux de Dieu et de nos ancêtres, on leur refuse injustement le DROIT le plus élémentaire reconnu à tout être humain, grand ou petit, bon ou mauvais, quel que soit le bilan de sa vie. Seule une LOI votée au parlement et imposable à tous peut mettre fin à cette paranoïa devenue légendaire et réserver ce droit fondamental à TOUS nos morts. Une loi qui lèvera la décision irrévocable sur le rapatriement et la sépulture en terre ancestrale de tous les cadavres de nos dignitaires enterrés à l’étranger et sur la construction d’un cimetière commun digne de ce nom en honneur de tous nos chefs d’état défunts , de nos premiers ministres et présidents de parlement en vue de sauvegarder pour des siècles la mémoire de tout un peuple. Par Germain Nzinga
RDC/Prof Lohata Tambwe : l’Udps sombre dans la jouissance, dans les injures et dans le fanatisme

TRIBUNE. « Ce parti d’Etienne devient aujourd’hui méconnaissable : il sombre dans la jouissance, dans les injures et dans le fanatisme en oubliant l’objectif développementaliste de ses pères fondateurs », constate le Professeur Lohata Tambwe Okitokosa Paul-René dans une tribune à Pagesafrik. 63 ans de gâchis ! Lorsque les congolais sous PE Lumumba et autres Martyrs de l’indépendance se battaient, personne ne croyait que nous pourrions vivre socialement, économiquement et politiquement parfois pire qu’à l’époque des colonisateurs. Cela ne veut pas dire que Lumumba avait tort de s’être battu pour l’indépendance, car nous naissons libres et égaux; aucun peuple n’est supérieur à l’autre pour justifier la prétendue œuvre civilisatrice. Lumumba a eu raison de se battre pour promouvoir notre dignité, identité de l’homme au nom de l’humanisme et s’il faut recommencer, il le ferait à nouveau si c’était possible. Le problème est la prédation perpétrée par les régimes successifs de Mobutu, de J Kabila et aujourd’hui de Fatshi. Ces trois régimes pourtant congolais et post – coloniaux n’ont malheureusement pas de leçon à administrer à Léopold 2. C’est dommage qu’aucun secteur n’émerge . Plus grave, l’espoir qui a porté sur la lutte de l’Udps a volé en éclats. Ce parti d’Etienne devient aujourd’hui méconnaissable : il sombre dans la jouissance, dans les injures et dans le fanatisme en oubliant l’objectif développementaliste de ses pères fondateurs. Je pleure la fronde parlementaire ( j f Bayart ) dont la critique contenue dans les 52 pages adressées à Mobutu furent enseignées même dans les universités occidentales. Le pouvoir ivre et corrompt. L’échec de l’udps aujourd’hui a cultivé l’empathie vis-à-vis de la politique. Cette dernière perd son sens noble lié à la paix, au bonheur et à l’ordre (Aristote,) pour devenir totalement péjoratif. Les congolais ne doivent pas désespérer car il y a des personnalités qui inspirent confiance et crédibilité capables de redonner espoir au pays de Lumumba. A titre posthume, Franck Fanon, W E. B. Dubois, Mandela, Lumumba , Etienne etc. en souffrent énormément !!! Ce n’est pas la tombée qui est grave , c’est de rester à terre , écrivait un contemporain. Professeur Lohata Tambwe Okitokosa Paul-René
RDC/Semaine de Joseph KASA-VUBU. Vrai-faux coup d’État du 24 novembre 1965

RETRO. Dans nos investigations au musée de Tervuren, on est tombé sur des articles des journaux et de revues qui commentent l’événement du coup d’état de Mobutu contre Kasa Vubu. L’article « J.-M. L., « Coup d’État au Congo Léopoldville » dans la Revue nouvelle (Belgique), février 1966 en sa 175 e page nous fournit des détails insolites. «…On pouvait s’attendre à des difficultés dès le moment ou Tschombé était pratiquement « déposé » par le président Kasavubu. Quels que soient les reproches que l’on puisse faire à l’ancien chef du gouvernement congolais après l’avoir été du gouvernement sécessionniste du Katanga, on peut difficilement contester son habileté et l’alliance chez lui de la souplesse et de la fermeté. Il avait en quelque sorte fait entrer le Congo dans la période de convalescence. Son limogeage a ranimé l’inquiétude; le successeur désigné Kimba ne put obtenir la confiance du Parlement. Kasavubu s’obstina dans son choix et pria Kimba de solliciter de nouveau l’investiture du Parlement, après avoir modifié son cabinet initial. Ce vide politique devait favoriser dans le pays les rumeurs les plus diverses, donner naissance à des accusations de complots, vrais ou faux. Ils foisonnent en Afrique. Inquiéter l’étranger et peser, même sur les relations belgo congolaises normalisées par Tschombé. C’est dans ces circonstances, et pour éviter le pire prétend-il, que le général Mobutu a été amené à s’emparer du pouvoir. » Mais c’est un second article S.A., « The Congo : a New Five-Year government publié en anglais dans la revue Le Devoir (Québec, Canada), 26 novembre 1965, p. 4. qui nous fournit force détails plus précis. Moïse Tshombe y est presenté comme le grand gagnant des élections parlementaires et par conséquent lui et Kasa Vubu étaient devenus de rivaux dans la course aux présidentielles de 1965. Ils entreront dans une grande hostilité qui poussera Kasa Vubu à déposer le Premier ministre élu et à le remplacer par Evaristo Kimba. Les deux rivaux avaient commis l’imprudence d’oublier qu’il y avait trois personnes sur le devant de la scène : Kasa Vubu, Tshombe et le général major Mobutu âgé de 35 ans et commandant de l’armée nationale, le seul congolais qui pouvait faire le poids et jouer à l’arbitre dans ce conflit. La semaine avant la date du coup d’état, c’est ce militaire qui va siffler la fin de la partie et va s’autoproclamer vainqueur et nouveau président de la république du Congo. Entretemps il va déposer Kasa Vubu, supprimer les élections présidentielles programmées pour les mois suivants et décréter un « état d’exception » sur une période cinq ans. Fort curieusement ce coup d’état du 24 novembre 1965 est assez atypique. Il se fait sans aucun coup de fusil ni aucune effusion de sang. Le président Kasa Vubu qui est écarté du pouvoir reste encore trois semaines au palais présidentiel avant de plier bagages et de voyager pour Boma. Pas de chars de combat dans les rues, pas de patrouille, aucun coup de feu ni aucune arrestation. Mobutu ordonnera à la direction de la station Radio nationale à Leopoldville de diffuser sa proclamation. Il enverra une simple lettre au président Joseph Kasa Vubu de faire ses valises et lui offrira un siège permanent au Sénat en tant que président honoraire. Faustin Bosenge dans son récent ouvrage « Le vrai Mobutu : mythes et réalités de l’homme et de son système » a raison de parler d’un faux-vrai coup d’Etat du Général Mobutu contre le Président Kasa-Vubu. Vrai parce que Kasa Vubu quitte le pouvoir. Faux de par des indices assez troublants qui accompagneront ce coup d’état. Les archives belges mentionnent autant de bizarreries : cuisinier, chauffeur, coiffeur jardinier qui étaient commis au service de Kasa Vubu, passeront directement au service du nouveau président. Ils continueront à travailler pour Mobutu. Le capitaine Mayindu qui conduisait la voiture de Mobutu était pendant des années le chauffeur de Kasa Vubu. Et puis cet acte de grande signification politique posé par le président sortant en élevant le colonel Mobutu au rang de général major juste quelques temps avant l’événement, en ignorait-il la portée et les conséquences. Hélas ! Il n’est plus là pour nous en donner des explications… Le lendemain de sa prise de pouvoir lorsque Mobutu déclarera : « La course au sommet du pouvoir est terminée » et que nous assisterons au départ vers Boma du désormais ex-président congolais, on en déduira que nous congolais nous ignorons la véritable histoire de notre pays. Nous voyons celle apparente se dérouler devant nos yeux mais nous ignorons les acteurs majeurs de l’histoire invisible qui est la vraie. Par Germain Nzinga
RD Congo. Page d’histoire: Le 15 février 1982 naissait l’UDPS

RETRO. Le 1er novembre 1980, 13 parlementaires membres actifs du parti unique, le Mouvement populaire de la Révolution (MPR) publient une lettre ouverte adressée au président Mobutu. Cette lettre est, depuis le coup d’État militaire du 24 novembre 1965 par lequel le régime Mobutu s’est installé au pouvoir, la toute première contestation non-violente du système politique du Maréchal Mobutu. La Lettre se termine par dix propositions invitant Mobutu à démocratiser le système politique conformément au Manifeste de la Nsele, document fondateur du MPR qui, dans sa conception, faisait du MPR un parti politique démocratique à côté d’un deuxième parti politique dont la création était prévue à l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1967. Les 13 parlementaires sont rapidement arrêtés et amnistiés par Mobutu peu après. Toutefois, Mobutu décide de l’exil de certains de leurs dans leurs provinces respectives et de la déchéance de leur mandat de commissaire du peuple. À leur retour à Kinshasa en 1981, les signataires sont rejoints par d’autres Zaïrois et l’Union pour la Démocratie et le Progrès social ( UDPS) est fondée le 15 février 1982 par Ngalula Pandajila, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, Makanda Mpinga Shambuyi, Kapita Shabani, Kyungu wa Kumwanza, Lumbu Maloba, Kanana Tshiongo, Lusanga Ngiele, Kasala Kalamba, Biringanine Mugaruka, Dia Onken Ambel, Ngoyi Mukendi et Mbombo Lona. Le 24 janvier 2019, après 37 ans de lutte acharnée, la fille aînée de l’opposition congolaise a conquis le pouvoir en République Démocratique du Congo. 2023 qui se veut le 41 e anniversaire du parti et la dernière année de son premier quinquennat sonne comme l’heure de BILAN à l’interne du parti pour évaluer la manière dont le parti une fois au pouvoir a pu appliquer son idéologie de démocratie et de PROGRÈS SOCIAL. L’heure du bilan également de la part du peuple souverain qui observe attentivement sa gouvernance et veut se fixer pour savoir en quoi l’UDPS a fait mieux que le MPR, l’AFDL et le PPRD. Par Germain Nzinga
Le Mobutu des Colette Braeckman et celui des Congolais jaloux de leur Histoire

OPINION. « Avant d’aller au lit, il (le Maréchal Mobutu) s’assurait que tout le pays est en sécurité, sinon il ne dormait pas. Il n’allait jamais au lit sans s’enquérir de la situation aux frontières. […] Il tenait toujours à s’entretenir avec les Redoc (chef de la sûreté provinciale) responsables des neuf frontières avant d’aller au lit » Mama Bobi Ladawa, ancienne première dame de la RD Congo. Voilà pourquoi des millions de Congolais regrettent aujourd’hui le Maréchal Mobutu. Malgré ses défauts, il avait à coeur la sécurité du Zaïre et des Zaïrois. «Kufa nzala mais zala na kimya»disait -il souvent. Les 25 dernières années le prouvent. Il y a le Mobutu que nous avons connu à travers les écrits des Colette Braeckman de ce monde et celui que nous découvrons à travers nos propres investigations. Oui, ce second Mobutu n’était pas saint, loin de là, mais il n’avait rien à voir avec le Mobutu de Colette, Thierry Michel et autres. Certes, il n’y avait pas que des mensonges dans ce que ces derniers disaient sur le Maréchal. Mais il n’en demeure pas moins que les faits n’étaient pas toujours au rendez-vous et la caricature était souvent présente dans leurs reportages. « L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies » dixit Patrice Emery Lumumba dans sa lettre testament. Une prophétie qui est en train de se réaliser devant nous… Par Patrick Mbeko
RDC : La valse des présidents

TRIBUNE. En mai 1997, le peuple congolais vit les Américains, sous la casquette de la troïka, propulser Laurent-Désiré Kabila contre Mobutu tout comme jadis ils avaient poussé Joseph-Désiré Mobutu contre Lumumba en 1960 et contre Kasavubu en 1965. Quatre ans plus tard, plus précisément en janvier 2001, les mêmes américains vont assassiner leur nouveau coopté pour le remplacer par un jeune homme que Mzee aurait porté dans ses valises et protégé comme un fils. Par son parricide, il prendra la place de Mzee et sera adoubé par toutes les puissances occidentales. Ces noces connaîtront un premier couac en 2009 lorsque le nouveau nègre de service va se mettre à flirter avec les chinois (ennemis jurés des Yankees). Il se trouvera vilipendé et bloqué par ceux-là mêmes qui lui avaient déroulé le tapis rouge aux premiers mois de son parricide. Ils feront échec à son plan de glisser au-delà des limités fixées par la constitution au mandat présidentiel et au final il ne lui restera qu’une seule solution de survie, à savoir signer un deal politique avec son successeur “nommé” par lui contre le verdict des urnes en vue d’assurer ses arrières, d’échapper à toute poursuite judiciaire pour les crimes commis mais surtout d’espérer pouvoir revenir aux affaires. Les américains vont fermer les yeux sur les “arrangements à l’africaine” ( formule choc de Yves Le Drian) caractérisant l’intronisation du nouveau venu tant que leurs intérêts géostratégiques semblaient être assurés. Les fanfaronnades de l’ambassadeur Nzita à Kinshasa en sont la preuve éloquente jusqu’à ce qu’éclate la guerre de l’Ukraine suivie de sanctions contre la Fédération russe auxquelles souscrit dans un premier temps le président congolais avant sa brusque bascule, demandant à la Monusco de dégager et aux Russes ( seconds ennemis jurés des yankees) une aide militaire en munitions et en formateurs militaires pour sécuriser l’Est congolais. Entre-temps le délai butoir du deal CACH-FCC signé en 2019 semble toucher à sa fin et aucun congolais ne sait dire de quoi sera faite la nouvelle valse présidentielle en 2023. Les congolais s’obstinent à rester amnésiques et continuent de croire mordicus à l’illusion des élections libres et démocratiques alors que depuis 1960, le peuple de ce pays sait pertinemment bien qu’il n’a jamais réussi à voter souverainement pour un président sorti des urnes. Depuis les heures de l’indépendance nationale jusqu’à ce jour, un seul ACTEUR majeur a été et reste déterminant à toutes les transitions politiques. C’est lui qui a toujours décidé unilatéralement de tous les changements à la tête de l’Etat congolais. Un seul, disais-je, et son nom n’a jamais changé durant 64 ans d’indépendance nominale de ce vaste pays. Si à ce mercredi 7 septembre 2022 qui équivaut au 25 e anniversaire du décès du Maréchal Mobutu, les congolais arrivent un tantinet à relire leur douloureuse histoire pour en tirer des leçons utiles, ils auront accompli un pas de géant pour pouvoir changer la donne politique de leur destin. Par Germain Nzinga
RDC et le culte du chef…

TRIBUNE. Je viens de visionner un documentaire qui m’a fait froid au dos. Mobutu est assis comme un chef coutumier sur une chaise aux allures du trône et ses pieds posés sur la peau du léopard. Il regarde d’en haut toute la foule de ses affidés que sont les membres du gouvernement, les commissaires du peuple, membres du bureau politique et des citoyens lambda. Après avoir chanté à la vie éternelle ( mokako sua) du guide, le maître de cérémonie entonne dans la solennité mprienne ce slogan repris deux fois : « NOUS CHANTERONS ET DANSERONS» Réponse enflammée de l’Assemblée : « POUR HONORER NOTRE GUIDE ET LUI EXPRIMER NOTRE AMOUR » Mais bon sang! Pourquoi devons-nous CHANTER et DANSER pour quelqu’un qui est mis à ce poste de président par le peuple SOUVERAIN. Le plus grand ce n’est pas le Chef mais le peuple qui seul détient le pouvoir de le placer là avec un mandat déterminé et à SON service. Le peuple se sachant au-dessus de tout le monde – même du président de la République – ne doit ni chanter ni danser à la gloire de son obligé. Il doit constamment lui demander des comptes et c’est cette pression continuelle qui est de nature à le pousser à donner le meilleur de lui-même pour le bien-être du peuple qui est et demeure le vrai PATRON. Honorer et exprimer l’amour au chef ne se réalise jamais dans les flatteries et les attitudes hypocrites. L’honorer revient à lui rappeler constamment ses promesses électorales et le cap pour lequel il a reçu mandat du peuple. Lui exprimer l’amour revient à travailler chacun dans la sphère de ses attributions pour porter de l’avant les réformes qu’il lève. S’il y a un côté sombre dans nos cultures africaines et congolaises, c’est entre autres cette triste réalité du culte de personnalité du chef qui pourrit une nation dans un double sens : soit celui du Chef qui se laisse aveugler par les flagorneries de ses thuriféraires et tombe dans l’incapacité de se remettre en question pour mieux faire. Soit celui du peuple qui renonce à ses prérogatives de demander des comptes à son mandataire pour devenir piteusement complice des dérives du pouvoir pour lesquelles il est le premier à payer le prix fort. Hier comme aujourd’hui, en politique tout comme dans les pans entiers de la société, ce culte de personnalité colle à la peau des congolais et pervertit l’essentiel même de toute charge sociale qui devrait d’abord et avant tout être orientée à la promotion du bien-être collectif. Depuis des lustres, les congolais cultivent la triste coutume de créer eux-mêmes « le monstre » qui, lui, finit toujours par dévorer leur destin et celui de tout leur pays. Pour changer le cours de l’histoire au Congo, il faut commencer par changer la mentalité du peuple, reprogrammer ce logiciel traditionnel africain très porté à prendre un poste de l’état moins pour les services à rendre que pour le vain prestige individuel à engranger. Qu’on se le dise! Par Germain Nzinga
RD Congo. Indépendance cha cha!

RETRO. A Bruxelles, la plus importante décision concernait le calendrier électoral. Rien ne paraissait vraiment important aux yeux des négociateurs congolais une fois l’indépendance convenue. « Le reste nous regarde » lança hagard à la presse belge, Albert Kalondji un des représentants du MNC, le parti dirigé par Lumumba dont il provoquera une scission juste au retour de cette concertation, souhaitant l’indépendance de son pays baluba au sud-Kasaï, où il se proclamera empereur (Molupwe). Ca c’est une autre histoire. En attendant, les préalables pour bricoler un pays étaient colossaux. Il fallait créer une constitution, monter une administration et ses règles de fonctionnement, ses corps d’inspecteurs, de diplomates, des magistrats, de militaires, construire des ministères, des bureaux provinciaux, créer un cadastre, sortir des pièces d’identités, des permis de conduire, une monnaie, un régime fiscal différent du régime colonial, imprimer des timbres postes… Il ne restait plus que 4 mois jusqu’à l’indépendance et il leur semblait logique, apparemment, que c’était à la Belgique de s’en occuper. L’idée d’un gouvernement autonome de transition vers l’indépendance ayant été rejetée. Et que dire du transfert du portefeuille industriel et économique ? Les héros de la table ronde n’avaient plus le temps. Il fallait rentrer battre campagne pour les élections nationales et provinciales à venir. Cette question fut laissée pour une seconde table-ronde, dite économique, fixée pour avril. Aucun des leaders ne fit le déplacement. Ils envoyèrent des seconds couteaux appuyés par des étudiants qui se trouvaient déjà en Belgique. Lumumba y envoya Mobutu le représenter. Le futur guide zaïrois en gardera toute sa vie un souvenir amer. « Ni moi, ni aucun de mes compagnons n’y comprenions rien en finance, en fiscalité, en droit commercial, ou en économie », écrira t-il 20 ans après. « Nous étions comme nos ancêtres face aux explorateurs et devions signer des accords sur des formules que nous entendions pour la première fois. » Les entreprises belges se donnèrent le droit de choisir s’ils voulaient appliquer le droit belge ou congolais après l’indépendance. Le parlement belge votait au même moment des lois qui empêcheraient toute mainmise du nouvel Etat sur les actifs belges au Congo. Les mécanismes qui permettaient la prospérité de la colonie étaient confisqués sous des yeux innocents. C’était ni plus ni moins qu’un braquage. Cette expérience forgera beaucoup le nationalisme économique du maréchal et justifiera la politique de zaïrianisation un peu plus tard. A l’indépendance la RDC avait des équipements de poids. Plus de 14.000 km de voies ferrées, pas moins de 300 centres de santé, une centaine de ports, des industries minières parmi les plus modernes au monde, environ 150 centrales de production d’électricité, thermiques ou hydrauliques… Mais personne pour les faire marcher côté congolais. Le pays n’avait aucun ingénieur noir, pas un seul médecin, pas un juriste, pas un économiste, pas un officier de la force publique, pour 15 millions d’habitants. Durant son exil après la prise de pouvoir de Mobutu, Tshombe confia au président algérien que « si nous avions pris 5 ans pour préparer la succession, il y aurait eu des officiers congolais dans la force publique, et la mutinerie du lendemain de l’indépendance n’aurait probablement jamais eu lieu ». Pendant ce temps les leaders faisaient le beau dans leurs fiefs, diffusant des tracts les plus insensés pour leur campagne. Si vous votez notre parti, les belges seront parti des le 1 juillet et tout nous appartiendra. Les usines, les plantations, leurs voitures, leurs maisons et leurs femmes. Lançait l’Abako. Le pays dansait dans l’ignorance au rythme d’ « indépendance tcha tcha » qui venait de sortir, comme des fêtards ivres à bord d’un train fou qui file vers les abimes. Par Hervé Mahicka