RDC/Semaine de Joseph KASA-VUBU. Vrai-faux coup d’État du 24 novembre 1965

RETRO. Dans nos investigations au musée de Tervuren, on est tombé sur des articles des journaux et de revues qui commentent l’événement du coup d’état de Mobutu contre Kasa Vubu.

L’article « J.-M. L., « Coup d’État au Congo Léopoldville » dans la Revue nouvelle (Belgique), février 1966 en sa 175 e page nous fournit des détails insolites.

«…On pouvait s’attendre à des difficultés dès le moment ou Tschombé était pratiquement « déposé » par le président Kasavubu. Quels que soient les reproches que l’on puisse faire à l’ancien chef du gouvernement congolais après l’avoir été du gouvernement sécessionniste du Katanga, on peut difficilement contester son habileté et l’alliance chez lui de la souplesse et de la fermeté. Il avait en quelque sorte fait entrer le Congo dans la période de convalescence. Son limogeage a ranimé l’inquiétude; le successeur désigné Kimba ne put obtenir la confiance du Parlement. Kasavubu s’obstina dans son choix et pria Kimba de solliciter de nouveau l’investiture du Parlement, après avoir modifié son cabinet initial. Ce vide politique devait favoriser dans le pays les rumeurs les plus diverses, donner naissance à des accusations de complots, vrais ou faux. Ils foisonnent en Afrique. Inquiéter l’étranger et peser, même sur les relations belgo congolaises normalisées par Tschombé. C’est dans ces circonstances, et pour éviter le pire prétend-il, que le général Mobutu a été amené à s’emparer du pouvoir. »

Mais c’est un second article S.A., « The Congo : a New Five-Year government publié en anglais dans la revue Le Devoir (Québec, Canada), 26 novembre 1965, p. 4. qui nous fournit force détails plus précis.

Moïse Tshombe y est presenté comme le grand gagnant des élections parlementaires et par conséquent lui et Kasa Vubu étaient devenus de rivaux dans la course aux présidentielles de 1965. Ils entreront dans une grande hostilité qui poussera Kasa Vubu à déposer le Premier ministre élu et à le remplacer par Evaristo Kimba.

Les deux rivaux avaient commis l’imprudence d’oublier qu’il y avait trois personnes sur le devant de la scène : Kasa Vubu, Tshombe et le général major Mobutu âgé de 35 ans et commandant de l’armée nationale, le seul congolais qui pouvait faire le poids et jouer à l’arbitre dans ce conflit.

La semaine avant la date du coup d’état, c’est ce militaire qui va siffler la fin de la partie et va s’autoproclamer vainqueur et nouveau président de la république du Congo.

Entretemps il va déposer Kasa Vubu, supprimer les élections présidentielles programmées pour les mois suivants et décréter un « état d’exception » sur une période cinq ans.

Fort curieusement ce coup d’état du 24 novembre 1965 est assez atypique. Il se fait sans aucun coup de fusil ni aucune effusion de sang. Le président Kasa Vubu qui est écarté du pouvoir reste encore trois semaines au palais présidentiel avant de plier bagages et de voyager pour Boma. Pas de chars de combat dans les rues, pas de patrouille, aucun coup de feu ni aucune arrestation.

Mobutu ordonnera à la direction de la station Radio nationale à Leopoldville de diffuser sa proclamation. Il enverra une simple lettre au président Joseph Kasa Vubu de faire ses valises et lui offrira un siège permanent au Sénat en tant que président honoraire.

Faustin Bosenge dans son récent ouvrage « Le vrai Mobutu : mythes et réalités de l’homme et de son système » a raison de parler d’un faux-vrai coup d’Etat du Général Mobutu contre le Président Kasa-Vubu.

Vrai parce que Kasa Vubu quitte le pouvoir. Faux de par des indices assez troublants qui accompagneront ce coup d’état. Les archives belges mentionnent autant de bizarreries : cuisinier, chauffeur, coiffeur jardinier qui étaient commis au service de Kasa Vubu, passeront directement au service du nouveau président. Ils continueront à travailler pour Mobutu. Le capitaine Mayindu qui conduisait la voiture de Mobutu était pendant des années le chauffeur de Kasa Vubu.

Et puis cet acte de grande signification politique posé par le président sortant en élevant le colonel Mobutu au rang de général major juste quelques temps avant l’événement, en ignorait-il la portée et les conséquences. Hélas ! Il n’est plus là pour nous en donner des explications…

Le lendemain de sa prise de pouvoir lorsque Mobutu déclarera : « La course au sommet du pouvoir est terminée » et que nous assisterons au départ vers Boma du désormais ex-président congolais, on en déduira que nous congolais nous ignorons la véritable histoire de notre pays. Nous voyons celle apparente se dérouler devant nos yeux mais nous ignorons les acteurs majeurs de l’histoire invisible qui est la vraie.

Par Germain Nzinga

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