PARLONS-EN. Une des constantes de l’histoire politique de la RDC depuis son indépendance, c’est le refus de réserver des funérailles dignes aux précédents dirigeants. Et les exemples sont légion :
– Mobutu et ses successeurs refuseront d’offrir une tombe digne aux deux Premiers Ministres Patrice-Emery Lumumba et Moïse Tshombe;
– Mzee Kabila et son successeur de “fils” refuseront mordicus le retour du corps de Mobutu dans son pays qu’il a servi avec tant de zèle;
– Joseph Kabila s’entêtera jusqu’à la fin de son mandat à laisser poireauter à Bruxelles le corps de l’emblématique opposant et ancien PM Étienne Tshisekedi.
Bref le deux seuls dignitaires qui ont bénéficié des funérailles dignes sont ceux-là dont les rejetons ont accédé à la magistrature suprême. Il est temps qu’on se pose la douloureuse question suivante : POURQUOI??? Deux raisons à cela.
Primo : la rivalité politique ne se fait pas seulement du vivant de l’adversaire politique. En RDC, le successeur commence par faire table rase de tout ce qu’a accompli son prédécesseur. Il passe son temps à effacer sa mémoire pour reprendre à zéro jusqu’à ce que le peuple se rendra compte que le nouveau président n’a pas fait mieux que son prédécesseur.
Constat qui va exacerber la rivalité politique qui ne visera plus seulement de modalités de gestion de la res publica mais ira jusqu’à toucher à sa vie privée: refus de sépulture; refus de lui reconnaître un bien meuble ou immeuble; confiscation de ses propriétés; refus de voir sa famille biologique sur le territoire national; refus même d’entendre prononcer son simple nom en bien.
C’est cette peur posthume et pathologique de son adversaire défunt et du succès politique que peuvent lui faire engranger des obsèques populaires qui sont la principale cause politique de ce blocage. Sans ignorer que celui qui occupe le trône soupçonne ces cadavres-là de détenir un pouvoir fédérateur sur tous les déçus et les marginalisés du nouveau régime qui feront de sa tombe un lieu de pèlerinage et de ressourcement politique.
Mais il y a aussi à signaler une autre raison spirituelle. En RDC comme en Afrique, un cadavre détient plus de pouvoir qu’un vivant. Son esprit est plus redoutable dans la tombe qu’au bureau présidentiel. Pour éloigner le spectres de ses fantômes, Mobutu et successeurs ont jugé mieux de tenir loin, très loin du pays, ces cadavres dérangeants avec un possible pouvoir d’envoûtement contre lesquels tous les marabouts invités au palais présidentiel ne peuvent guère faire grand-chose.
Ces présidents congolais qui nous prêchent la politique de l’authenticité ont tort d’oublier que les coutumes africaines ne pardonnent guère une famille ou un peuple qui n’a pas fait le deuil de son ancêtre, peu importe que celui-ci ait été bon ou méchant. Refuser de faire son deuil c’est se faire mal à soi-même, c’est en d’autres termes laisser son esprit errer dans les forêts, les savanes sinon au milieu des vivants et porter une succession de malheurs sur les habitants.
Ceci dit, tant que les restes de ces grands personnages ayant marqué l’histoire congolaise, à savoir : Lumumba (Bruxelles), Tshombe (Alger) et Mobutu (Rabat) n’auront pas de sépulture digne dans la terre de leurs ancêtres, tant que nous peuple congolais nous refuserons de faire leur deuil, leurs cadavres continueront à nous hanter et à générer des cauchemars à des générations et des générations.
Quoi qu’on dise, ces hauts dignitaires, parmi lesquels le Maréchal Mobutu décédé un certain 7 septembre 1997, ont beaucoup donné de leur vie pour le bien de ce ce pays et leur refuser l’enterrement dans leur terre natale ne peut porter bénédiction à personne. Car aux yeux de Dieu et de nos ancêtres, on leur refuse injustement le DROIT le plus élémentaire reconnu à tout être humain, grand ou petit, bon ou mauvais, quel que soit le bilan de sa vie.
Seule une LOI votée au parlement et imposable à tous peut mettre fin à cette paranoïa devenue légendaire et réserver ce droit fondamental à TOUS nos morts. Une loi qui lèvera la décision irrévocable sur le rapatriement et la sépulture en terre ancestrale de tous les cadavres de nos dignitaires enterrés à l’étranger et sur la construction d’un cimetière commun digne de ce nom en honneur de tous nos chefs d’état défunts , de nos premiers ministres et présidents de parlement en vue de sauvegarder pour des siècles la mémoire de tout un peuple.
Par Germain Nzinga