TRIBUNE. Dans une interview accordée à son ami François Soudan de «Jeune Afrique», Paul Kagame déclare que Félix Tshisekedi lui a clairement dit que les membres du M23 sont des Congolais.
Le chef de l’État rwandais dit ceci en substance : « Lors d’un sommet, en 2022, j’ai posé au président Félix Tshisekedi la question suivante : “Ne perdons pas notre temps à tourner autour du pot. Considérez-vous les membres du M23, leurs familles et les dizaines de milliers de réfugiés issus de la même communauté qu’eux, comme des Congolais ou comme des Rwandais ?” Il m’a répondu, en présence des autres chefs d’État : “Ce sont des Congolais”. Dont acte. »
Cette affirmation n’est pas dénuée de fondement. Je suis même porté à accorder le bénéfice du doute à Kagame à ce propos. Félix Tshisekedi n’a-t-il pas déclaré plus d’une fois que « les Banyamulenge sont des Congolais » ? Or les fameux terroristes du M23 affirment, entre autres, défendre leurs « frères » Banyamulenge qui seraient marginalisés en RD Congo.
Je suis persuadé que Paul Kagame ne ment pas quand il déclare que Félix Tshisekedi a affirmé que les terroristes rwandais du M23 sont des Congolais. Bien que des Congolais fassent partie de ce groupe armé barbare, il n’en demeure pas moins que la plupart d’entre eux sont des faire-valoir des Tutsis rwandais, véritables patrons du mouvement.
Ce qui est intéressant dans les propos de Paul Kagame, c’est qu’il précise que son échange avec Félix Tshisekedi s’est déroulé devant d’autres chefs d’État. Ce qui permet de comprendre la posture assez étrange de ceux-ci face à la crise rwando-congolaise. Comme je n’ai cessé de le souligner, la plupart des chefs d’État et des diplomates sont en possession du dossier relatif aux discussions entre le régime de Félix Tshisekedi, le Rwanda et le M23. La diplomatie rwandaise a été particulièrement entreprenante à ce propos. Quand on ajoute à cela le fait que Tshisekedi avait lui-même déclaré que ces terroristes sont Congolais, on comprend la posture ambiguë des pays impliqués dans la résolution de la crise. En clair, personne n’a envie de se mouiller inutilement.
Pour la plupart des chefs d’État en effet, difficile de voler au secours d’une RDC aux positions plus qu’ambiguës. Pire, celui qui joue le rôle de président dans ce pays a une réputation si sulfureuse que les gens préfèrent ne pas traiter avec lui de manière sérieuse. On fait semblant de discuter avec lui et de l’écouter alors qu’on n’a pas trop envie de traiter avec lui.
Aussi, le fait que Félix Tshisekedi se rende souvent à l’étranger, alors que son pays est confronté à de graves problèmes sur le plan sécuritaire, ne laisse pas indifférent ses homologues africains et non africains. En fait, personne n’arrive vraiment à comprendre celui qui joue le rôle de président en RDC…
Par Patrick Mbeko