L’oublié Bernard Massamba « Lebel »

Nous n’avions jamais pu trouver une seule photo de cet illustre musicien. Il est pourtant un des tous premiers précurseurs de la musique congolaise moderne sur les deux rives du fleuve Congo en 1939.

– Peu avant lui et en 1935, naissance à Brazzaville du groupe « Bonne Espérance » d’Albert Loboko, groupe dans lequel Paul Kamba a fait ses premiers pas.

– 1938, à Brazzaville voit la création par le martiniquais Jean Réal du premier orchestre congolais « Congo Rumba » dont la contexture s’inspirait quelque peu de la technique des premières chansons afro-caribéennes.

– 1939, fondation à Brazzaville du groupe « La Bohême » de Bernard Massamba « Lebel »

– 1941, création par Paul Kamba de son propre groupe « Victoria Brazza ».

– 1943, Antoine Kolosoy Wendo donne naissance au groupe « Victoria Kin ».

– 1944, chanteur d’origine angolaise Paul Mwanga s’installe à Kinshasa, avant de mettre sur pied le groupe « Pastoria Kin ».

– Pour ne citer que ceux-là, juste pour situer le rang qu’a occupé Bernard Massamba « Lebel » dans les années 35 à 43. –

Qui est donc, Bernard Massamba « Lebel » ?

En effet, parmi les hommes célèbres de l’histoire de la musique congolaise, Bernard Massamba « Lebel » peut-être considéré comme le meilleur représentant d’une tendance proche de la « Polka Piké ».

Il manifeste, tout jeune, en 1930, un goût pour la musique. A l’école chrétienne où il est élevé, il aborde avec enthousiasme la guitare, s’essaie déjà à la composition et s’intéresse à la musique vocale. Pendant que s’amorce en 1939, la dissolution du groupe « Bonne Espérance » du brillant guitariste Albert Loboko, surgit de l’ombre un jeune homme. Pour inscrire son nom au palmarès de musiciens individuels, il possède, à la fois les qualités de bon chanteur, et de bon guitariste.

Bernard Massamba « Lebel » est né à Ngangwoni (Pool) vers 1920. Après de brillantes études à l’école Edouard Renard de Brazzaville, il en sort cadre supérieur des SAF (Services Administratifs et Financiers). Il est affecté à la direction générale des finances de l’AEF (Afrique Equatoriale Française).

Liant l’utile à l’agréable, Massamba « Lebel » fonde, en 1939, au domicile de Raphael Mapwata « Baudoin » (69, rue Augagneur à Bacongo) le groupe La Bohème (ou Jazz Bohème) avec la collaboration des musiciens François Bamanadio et Jean Makanga. La première représentation du groupe, qui a lieu dans la rue Montaigne, chez Alphonse Samba, est une date de l’histoire de la musique congolaise par la nouveauté qu’elle révèle.

Avec des instruments rudimentaires, il crée un langage musical singulièrement clair et qui s’épanouit par la suite avec l’introduction de guitares performantes, de l’accordéon et des percussions. Appuyée sur des thèmes de chansons traditionnelles, l’œuvre de « Lebel » fourmille d’une vie, d’une audace certaine.

Entre 1939 et 1953, le groupe La Bohème a vu passer de nombreux musiciens qui ont composé dans tous les genres parmi lesquels : Laurent Bwanga « Ma bureau », Victor Lwamba, Emmanuel Makitu, Maurice Keke, Joachim Loko, Daniel Bikuta « Mayimoto », Rigobert Mafuta, Samuel Batantu, Henri Massamba « Henri malheur », et « Matricule ».

A ses nombreux musiciens à la technique variée, La Bohème révèle un grand élan rythmique et s’impose comme le leader d’une école composée des formations comme « Bois de fer », « Mannequin de la jeunesse », « La Feya », « La JD » (Jeunesse dahoméenne) d’Edouard Bemba dit « Menard », « Le Libéria » (Bata) d’Ernest Salabanzi, dont Jean Andour fut l’animateur principal, « L’Amérique, etc… qui ont vu le jour entre 1941 et 1952 au quartier « Dahomey » du chef Kitenge à Bacongo.

Massamba « Lebel », classé parmi les grands chanteurs musicaux du Congo, a réalisé dans les années 40 à 50, de belles œuvres sur des thèmes populaires, malheureusement non gravées sur disque.

Son œuvre laissait espérer de grandes réalisations que sa mort prématurée a empêché de conduire à son terme.

En 1953, alors qu’il rentre, après la nuit de concert, Bernard Massamba « Lebel » trouve la mort dans un accident de la route au rond point « Bifwiti », à Makelekele (Brazzaville). Trois ans après Paul Kamba, en 1950.

Comme Paul Kamba, Massamba « Lebel » est un des pionniers les plus représentatifs de la musique congolaise des années 40 à 50.

Clément Ossinondé

Une réponse

  1. Très ému par cet hommage qui sonne comme la reconnaissance de ce grand musicien.
    Tout compte fait, il fonde à 19 ans son groupe musical  » La Bohème », avant « le Victoria Brazza » de Paul Kamba, à ce jour présenté comme l’unique père de la rumba congolaise….

    Pour ceux que ça intéresse, je suis en possession des photos de ce génie précoce de la musique.

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