Le dialogue du chasseur et de la gazelle

TRIBUNE. On imagine mal comment conçoit-on un dialogue avec des gens qui vous menacent armes au poing, utilisant la prison comme argument, distribuant au gré les droits de circuler, de se réunir ou de voyager selon le degré d’allégeance à leur pouvoir, qui changent les textes quand ça les dérange ou n’appliquent simplement pas ceux qui les contraignent.

Est-il possible d’accorder le moindre crédit à un gouvernement de la république qui est payé au noir mais qui vous appelle à l’examen de la situation économique du pays ? Quand le chef de la police est retraité depuis des années mais poursuit ses fonctions illégalement sous prétexte qu’il a combattu pour prendre ce pouvoir et que c’est à la même personne que la sécurisation de la démocratie est confiée, à quoi peut-on s’attendre comme conclusion de droit de ce dialogue? Lorsqu’une guerre intérieure décidée par l’Etat assassine et déplace des milliers de congolais, qu’on annonce son arrêt un beau matin après avoir traité le terroriste de partenaire de paix, sans réparation pour les victimes, sans lumière sur les faits, de quel sujet majeur encore ce gouvernement peut-il se sentir obligé de rendre des comptes ou d’exécuter vos recommandations ?
A-t-on besoin de dialoguer pour régler des questions aussi logiques et simples, prévues par les textes, et qui sont d’une importance majeure pour un Etat qui se veut de droit et un gouvernement qui souhaite susciter la confiance des toutes les forces vives appelées à dialoguer?

Il n’y a en réalité aucun besoin de théâtraliser un dialogue qui visiblement ne servira que de vitrine à un régime qui brille par sa volonté de gouverner hors des convenances. Les attentes des populations, des organisations d’intérêts politiques, civiles et internationales sont connues et figurent dans les lois du pays, réitérés par une ribambelle de mémorandums et de recommandations très précises. Quand même les mieux intentionnés souhaiteraient dialoguer au moins pour nettoyer le dispositif électoral, faut-il leur rappeler que toutes les critiques à cet effet ont également déjà été formulées à plusieurs reprises depuis 17 ans, en vain ? C’est dans une salle réunissant 10 opposants réels ou supposés face à 100 ou 200 supporters du régime qui tiendront la présidence et le secrétariat de la mascarade, qu’ils se feront enfin entendre? Soyons sérieux!

L’intérêt d’une certaine opposition est de rester dans les bonnes grâces du régime en jouant consciemment leur rôle de faire-valoir. Soit. La médiocrité est de ce monde, il faut faire avec. Mais on peut encore croire qu’au fond de nombreux d’entre eux persiste ce besoin de modifier le rapport de force. Une occasion en or vous est donnée de dire clairement non à une mascarade de dialogue, face à ce manque de volonté du pouvoir de régler les problèmes les plus simples, qui sont à sa portée, tant de fois soulignés sans même être contestés par ceux d’en face. Il ne tient qu’à vous de faire bloc pour grandir enfin, et refuser de servir une fois de plus d’amuseurs de service.

Ô, nous entendons également et assez distinctement les soupires de nombreux d’entre vous qui rêvent de récupérer le capital populaire des opposants exclus de la vie politique, certains emprisonnés et particulièrement le plus populaire d’entre eux, j’ai cité Jean Marie Michel Mokoko.

En se précipitant à un dialogue sans lui, ils espèrent conclure rapidement des accords avec le régime et pourquoi pas des élections rapides avant toute libération. Vous avez pourtant déjà joué cette carte en 2017, et vous n’êtes toujours pas plus populaires, toujours pas plus influents, toujours pas plus indépendants, toujours pas plus dans le partage du gâteau avec le régime.

Recommencez, vous buterez toujours sur la double barrière d’un peuple qui sait reconnaître dans l’isoloir ceux qui se battent pour lui, et d’un autocrate qui ne partage pas. Si vous passez à table avec lui, il mangera qui il veut, comme il veut, quand il veut. Si vous lui résistez, il sera bredouille et à nu. S’il vous faut aller aux élections parce que vous y tenez tant, allez y. Sans accord de dialogue vous y serez plus influents qu’avec un accord qui n’engagera – et ne liera – que vous et pas lui.

Que la présente interpellation soit retenue comme témoignage pour la mémoire collective, afin que ces opposants ne reviennent pas faire semblant de ne pas avoir été entendu à la suite d’un hypothétique dialogue léonin. Nous savons tous que vous saviez ce qui vous attendait. Rien, si non, pire.

Hervé Mahicka

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