TRIBUNE. Je me demande pourquoi les marocains refusent farouchement la décision de l’horaire actuel ? Pourquoi plus exactement ce sont les préjeunes et les élèves qui sont sortis dans la rue pour manifester contre cette décision ?
J’ai essayé d’analyser ce phénomène d’opposition et j’ai relevé différents mécanismes, voici ci-dessous les plus importants :
- Le temps est une propriété privée
Du point de vue psychanalytique le temps fait parti de l’intégration de la psyché de chaque individu et chacun le gère comme bon lui semble sur le plan privé. Par contre dans la vie sociale, le temps est géré selon un consensus général après une consultation entre toutes les parties de la société. Dans le contexte actuel, les marocains se sont sentis dépossédés de leur bien (le temps) et exclus de la consultation. Ainsi ils se sont sentis bafoués dans leurs droits en tant que citoyens et frappés dans leur dignité, sachant qu’ils souffrent déjà psychiquologiquement, économiquement, socialement et juridiquement depuis belle lurette.
- La goutte qui a fait déborder le vase
Ces manifestations contre cette décision concernant le changement d’heure peuvent être le révélateur d’un ras le bol général. Lorsque le marocain sent que sa dignité est bafouée à un certain degré, il va préférer mourir plutôt que vivre avec ce sentiment de honte, il a alors la conviction qu’il n’a plus rien à perdre puisqu’il ne jouit plus de ses droits de citoyen et d’être humain.
- Le sentiment de trahison
Alors que les marocains attendaient fin octobre pour revenir à l’heure d’hiver, quelques heures avant la date prévue, ils ont appris, dans un communiqué officiel que l’heure d’été serait maintenue pour toujours. Ils se sont alors sentis trahis d’où le refus de cette décision brutale et sans préavis et ils souffrent maintenant d’un véritable traumatisme psychique.
- Le désespoir des jeunes
Les préjeunes et les jeunes ont un sens très développé de la justice et de l’équité. Avec cette décision qui est arrivée comme le tonnerre dans un ciel serein, ils ont ressenti de l’injustice et de l’indignité, ainsi leur sens de l’équité s’est révolté et ils s’opposent à cette décision. De plus, ils ont l’impression de lire des messages cachés dans cette décision, du genre « vous n’êtes rien, vous devez obéir et vous taire, cessez de rêver votre avenir est sombre, de surcroit vous avez voté pour nous »
- Sentiment d’esclavage
Les marocains ont l’impression qu’ils sont une marchandise et qu’ils n’ont pas de mot à dire dans la gestion de leur vie. Ce brusque changement d’heure a provoqué chez les marocains un sentiment d’inutilité, et le sentiment que leurs avis et leurs besoins n’ont aucune considération, sachant que la gestion de l’heure est d’une importance vitale pour eux d’autant plus que chacun a des conditions très personnelles (moyens de transport, distance entre la maison et le lieu de travail, l’école, le nombre d’enfants, le temps nécessaire pour arriver à l’heure à l’école….)
- L’impression d’être des aiguilles de temps
Avec la brutalité de cette décision d’heure, les marocains ont eu l’impression qu’ils ne sont que des aiguilles d’une montre qui avancent ou reculent selon l’humeur des décideurs. Ainsi les marocains ont senti une indignation qui à son tour leur a rappelé leur vécu quotidien, qu’ils ne sont rien et à la merci de leurs élus.
- Absence de consultation avec les citoyens
Les marocains espéraient arriver un jour à une vie totalement démocratique et équitable, d’ailleurs c’est pour cette raison qu’ils se sont déplacés aux urnes afin de voter pour des gens en qui ils ont eu confiance. Mais suite à cette décision d’heure sans les avoir consulté, la douleur de la hogra encore là, dans les rues, les administrations, les écoles, les hôpitaux, les transports, s’est réactivée !
Docteur Jaouad MABROUKI
Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe