Côte d’Ivoire. Message du Président Soro Kigbafori Guillaume aux obsèques du Président Henri Konan Bédié

• Mme Henriette Konan Bédié, chère Maman

• M. le Président du PDCI-RDA Cheikh Tidiane Thiam, cher frère

Chers membres de la grande famille Bédié,

• Chers militants et militantes du PDCI-RDA,

Chers parents,

• Mesdames et Messieurs,

Je ne peux être présent en personne aujourd’hui pour des raisons indépendantes de ma volonté, mais mon cœur et mon esprit sont ici, avec vous, pour rendre hommage à cet illustre homme d’État qu’a été notre bien-aimé Président Henri Konan Bédié. C’est un devoir sacré que je dois à cet homme exceptionnel, qui a tant compté dans ma vie et dans celle de notre nation. Son décès, alors que je suis en exil, laisse en moi un goût amer d’inachevé, un vide profond que rien ne pourra combler.

Henri Konan Bédié était finalement devenu un mentor en qui j’avais la plus grande confiance et pour qui j’avais la plus grande estime. Il m’a apporté un soutien indéfectible, et je ne l’oublierai jamais, lors des moments les plus cruciaux de ma carrière politique, surtout lorsque l’horizon semblait particulièrement compromis.

Comment ne pas me souvenir, lorsque nous étions injustement qualifiés de rebelles, que c’est lui qui a proposé le nom de « Forces Nouvelles », donnant ainsi une légitimité et une reconnaissance à notre lutte pour la justice et la réconciliation, lors des négociations de Marcoussis.

En 2007, lorsque je suis devenu Premier ministre, c’est en parfaite entente avec lui que j’ai finalisé ma première équipe gouvernementale. Nos discussions en sa résidence de Cocody ont jeté les bases du processus de réconciliation nationale, et j’en garde un merveilleux souvenir.

De même, en 2012, en accédant à la présidence de l’Assemblée nationale, je suis allé le voir pour apprendre de son expérience incomparable en la matière. Pendant près de 13 ans, il avait dirigé cette institution avec tact. Et à cette occasion, il m’avait dit : « Guillaume, le tact, tu en auras bien besoin à l’Assemblée nationale ». Et cela n’a pas manqué.

Avant mon départ de la Côte d’Ivoire en 2019, nous avons eu une longue conversation, où il m’a une fois de plus prodigué ses conseils avisés. Quand les soubresauts et les turbulences pointaient à l’horizon en 2018, alors que de soutien j’avais grand besoin, c’est encore lui, Bédié, qui publiquement affirma : « Guillaume Soro est mon protégé. Il a beaucoup de mérite. Je lui fais confiance ». En cette période particulièrement difficile, un tel soutien, si rare, valait son pesant d’or.

Notons qu’après ma démission de la présidence de l’Assemblée nationale en février 2019, il m’a accueilli chaleureusement en ses domaines de Daoukro avec chaleur et affection. Lui, si disert devant ses parents, déclara : « Guillaume Soro est mon fils, brave et courageux. Il n’a jamais été soldat, mais il a dirigé une armée et gagné la guerre. Maintenant, il cherche la paix par le dialogue et la réconciliation. » Ces mots, prononcés avec tant de sincérité, résonnent encore en moi aujourd’hui.

En 2021, lorsque j’ai été injustement condamné à la prison à perpétuité lors du procès politique que vous savez, Henri Konan Bédié fut le premier à exprimer son indignation et à réclamer un retour à la raison ainsi qu’un dialogue national inclusif.

J’ai partagé avec lui de nombreux moments précieux, dont je réserve certains pour mes mémoires. Mais il me plaît de citer ici la signature de l’Accord de Daoukro, où j’étais à ses côtés, et nos nombreuses rencontres à Daoukro, Abidjan, Ouaga, Accra, Pretoria, Paris, New York… L’affection qu’il me portait était palpable, évidente. Je me souviendrai toujours de ces vacances que j’avais choisi de passer avec lui, à Daoukro. C’est avec plaisir que nous avons parcouru ses plantations. Il me racontait, expliquant avec passion l’histoire de chaque parcelle, de chaque type de culture, de chaque élevage et de chaque étang de poisson. Ces moments de proximité et de convivialité m’ont permis de mieux comprendre ses racines et sa vision pour la Côte d’Ivoire.

Notre passion commune pour un dialogue inclusif, la nécessité de renforcer nos institutions démocratiques et la promotion d’un leadership participatif et éthique ont marqué nos nombreuses discussions. Il croyait fermement en l’importance de diversifier notre économie et de promouvoir la participation citoyenne dans les décisions politiques. Pour lui, comme pour moi, l’intégrité, la responsabilité et la transparence étaient au cœur de la gouvernance. Il m’a toujours encouragé à les mettre en pratique.

En cette circonstance douloureuse, comment ne pas adresser un mot à son épouse, notre maman Henriette Konan Bédié, qui, je le sais, doit souffrir de ne point me voir à ses côtés. Maman Henriette, je connais ta peine, car ma place est à tes côtés, mais le destin en a décidé autrement. Trouve dans ces quelques mots simples mes condoléances les plus attristées.

Henri Konan Bédié était un grand homme, un homme d’État peut-être incompris, mais profond et foncièrement bon. Pour saisir ses dimensions, il fallait l’approcher, gagner sa confiance pour en bénéficier. Sa sagesse et son affection ont été des guides constants dans ma vie. Je suis profondément meurtri par cette immense perte et encore plus par mon absence lors de cet ultime au revoir.

Le jour où la divine fortune me portera en Côte d’Ivoire, j’irai déposer ma robe de deuil et lui ferai mes adieux en tant que fils.

Ma reconnaissance envers le Président Bédié est infinie. Son héritage vivra à travers tous ceux qui ont eu la chance de le connaître.

Repose en paix, cher Président. Tu resteras à jamais dans nos cœurs et dans nos mémoires.

SORO Kigbafori Guillaume

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