TRIBUNE. Un mois après le début de l’opération spéciale russe en Ukraine, j’échange avec un ancien ambassadeur canadien et lui pose la question de savoir ce qu’il pense de tout ça. Sa réponse : « Pour être honnête, je crois que Poutine a été très patient avec nous quand même… »
Aujourd’hui, une partie de l’« Ukraine utile » fait désormais partie de la Fédération de Russie. Le prix d’une politique occidentale arrogante inutile, le résultat d’une gouvernance ukrainienne pilotée par un ancien comique qui n’a jamais cessé de faire de la comédie, alors que son peuple souffrait et que son pays courait le risque de perdre une partie importante de son territoire.
Les chantres de la bonne conscience m’accuseront sûrement de « soutenir la Russie de Vladimir Poutine ». Non. Je ne suis ni pro russe ni pro-occidental. J’examine tout simplement les faits. La géopolitique est trop complexe pour se contenter des approximations distillées par une presse et des experts au service de l’idéologie dominante. En effet, plusieurs études montrent que, en temps de conflit ou de crise internationale grave, les journalistes et les universitaires ont tendance à défendre, à soutenir ou à se ranger dans le camp idéologique auquel ils appartiennent. Le conflit en Ukraine ne fait pas exception. J’y reviendrai prochainement.
Pour le reste, il suffit de lire la plupart des grands stratèges de la politique étrangère étasunienne pour comprendre que la crise ukrainienne aurait pu être évitée si Washington et ses valets européens s’étaient gardés de provoquer l’Ours russe. Le professeur Ted G. Carpenter du Think Tank américain Cato Institute écrit à ce propos : « L’histoire montrera que la façon dont Washington a traité la Russie au cours des décennies qui ont suivi la disparition de l’Union soviétique a été une erreur politique aux proportions épiques. Il était tout à fait prévisible que l’expansion de l’OTAN conduirait finalement à une rupture tragique, voire violente, des relations avec Moscou. Des analystes perspicaces ont mis en garde contre les conséquences probables, mais ces avertissements n’ont pas été entendus. Nous payons aujourd’hui le prix de la myopie et de l’arrogance de l’establishment de la politique étrangère américaine. » Le professeur John J. Mearsheimer ne dit pas autre chose.
Depuis 2015, il n’a cessé d’attirer sur l’attention sur le risque que courait l’Ukraine en jouant le jeu des États-Unis.
Pauvre Ukraine !
Par Patrick Mbeko