Sur les pas du Vénéré Pasteur : Entretien spirituel avec Emile Cardinal Biayenda

Le Congo-Brazzaville est sur le point de vivre un grand événement électoral tenant au choix d’un nouveau président de la République. Compte tenu de l’importance d’un tel événement, TAATA N’DWENGA directeur de publication du journal imaginaire du MUUNTU s’est, une fois de plus, rapproché du Vénéré Pasteur pour obtenir son soutien et ses conseils sur la manière d’être et de faire pour mieux construire le « vivre ensemble » qui, n’est toujours pas visible dans les faits et gestes des hommes politiques en dépit de leur discours sur ce point.


LE CARDINAL EMILE BIAYENDA
: [ Mes pensées et surtout mes prières sont tournées vers le Congo-Brazzaville en l’exhortant au courage, et à la confiance pour son avenir d’autant plus que la lumière est proche. A part ça, je vais bien car la paix et la joie du Christ envahissent tout mon être avec les anges et les saints du monde céleste.]LE JOURNAL DU MUUNTU : Comme vous le savez, vénéré père, les Congolaises et les Congolais implorent souvent votre bonté pour la paix dans leur pays. Aujourd’hui, ils sont sur le point de vivre quelque chose d’événementiel, c’est-à-dire un scrutin pour l’élection d’un président de la république. Que pouvez-vous nous dire à propos d’un tel événement lequel, dans des pays comme le nôtre, peut engendrer de terribles conséquences sur les plans humain et social ?

LE CARDINAL EMILE BIAYENDA : [ Eh bein ! mon enfant nous devons, pour cela, beaucoup prier notamment], en nous penchant sur l’enseignement du Christ, en examinant son comportement et en réfléchissant sur son agir. Nous demanderons à l’Esprit de «pénétrer nos intelligences, de nous enraciner dans la foi, de nous rendre capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur…(du cœur de Jésus, foyer de cet amour) qui surpasse tout ce qu’on peut connaître » (Eph 3, 18-19),….[ Cardinal Emile Biayenda Extrait de son exposé au congrès international des prêtres Paray-le-Monial, 12-18 septembre 1974.]

Avec Jésus, la loi d’amour prend des nouvelles dimensions ; elle s’élargit et s’épure en même temps. Elevé aux dimensions de son propre cœur, l’amour sort des limites claniques, tribales, régionales, voire nationales, et devient universel ; surnaturel sans borne à l’exemple de l’amour de Dieu lui-même. [ Cardinal Emile Biayenda ibidem.]

LE JOURNAL DU MUUNTU : Mais vénéré père, beaucoup des nôtres Congolais ou Africains deviennent sceptiques face à l’évolution du monde des inégalités considérant à ce titre les Saintes Ecritures comme étant culturellement trop éloignées de nos réalités. Qu’en pensez-vous ?

LE CARDINAL EMILE BIAYENDA : N’eut été la concision des limites de notre « relation », nous nous serions longuement attardés sur la symbolique du cœur dans l’Ecriture Sainte et dans la tradition congolaise. Toutefois nous tenons, avant de poursuivre notre réflexion, à souligner qu’à la source de toutes nos actions et de tous nos actes, se trouve le « cœur ». Et sur ce point, la pensée juive et la pensée africaine se rejoignent et se complètent d’une façon très surprenante.
L’Ecriture insiste sur l’importance du cœur dans nos relations avec Dieu et avec les hommes. Plus d’une fois, dans l’Ancien Testament, Yahvé fustige les attitudes inacceptables de son peuple.

LE JOURNAL DU MUUNTU : Je vous prie de bien vouloir m’excuser de vous interrompre mon très cher et vénéré cardinal, une idée me vient à l’instant même sur les maux dont souffre le peuple Congolais, en est il en partie lui-même responsable ?

« Parce que ce peuple ne m’approche qu’en parole, qu’il ne me glorifie que des lèvres, tandis que son cœur reste loin de moi, et que sa religion envers moi n’est que commandements humains, leçons apprises ! Eh bien, je vais continuer à lui prodiguer mes prodiges. La sagesse de ses sages tournera court, l’intelligence de ses intelligents s’éclipsera » (Is 29, 13-14).
Par la bouche de Joël et d’Ezéchiel, Yahvé nous livre son plan : déchirer les cœurs des gens de son peuple ; arracher leurs « cœurs de pierre », leurs « cœurs endurcis », et leur donner des « cœurs de chair », capables d’aimer et de réagir comme le sien.
« Je leur donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en eux un esprit nouveau : j’extirperai de leur corps le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent selon mes lois et qu’ils observent mes coutumes et qu’ils les mettent en pratique. Alors, ils seront mon peuple, et moi je serai leur Dieu. Quant à ceux dont le cœur est attaché à leurs idoles et à leurs pratiques abominables, je leur demanderai compte de leur conduite. Oracle de Yahvé » (Ez 11, 19-21). [ Cardinal Emile Biayenda Extrait de son exposé au congrès international des prêtres Paray-le-Monial, 12-18 septembre 1974.]

LE JOURNAL DU MUUNTU : Mon très cher et vénéré père pensez-vous vraiment que la tradition juive est identique à la tradition congolaise ?

LE CARDINAL EMILE BIAYENDA : [ Bien évidemment mon enfant ! d’autant plus que], bon nombre d’expressions bibliques existaient, telles quelles dans nos langues avant que nous ayons eu quelque contact avec l’Evangile. Elles définissent le genre de relations que les hommes peuvent avoir entre eux, et déterminent les différents motifs et mobiles qui peuvent les promouvoir.
Signalons-en quelques-unes, en Kituba, Lari et Lingala, par exemple, que nous essayons de traduire assez fidèlement, bien qu’incomplètement, vu toute leur densité :
« Ku vuanda na m’tima » = « avoir du cœur », signifiera à la fois : être social, affable, accueillant, savoir réagir devant la misère et les soucis des autres, oublier le mal qu’on vous a fait, savoir pardonner, savoir partager, en un mot, vivre la loi de charité telle que la définit Saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens…Pour nous, Congolais, « avoir du cœur », c’est jouir d’une bonté et d’une largeur de cœur remarquables. « Avoir un bon cœur » (Ku vuanda na m’tima ya m’bote), c’est avoir ce « cœur nouveau habité par un esprit nouveau » et qui, par décision de Dieu Lui-même et avec son aide, prend la place du « cœur endurci » et insensible.
En revanche, « ne pas avoir du cœur » « lembo ba na m’tima), « un cœur mauvais » (= motema mabé) ou « un cœur dur » (= motema makasi), correspondra au « cœur de pierre » ou au « cœur endurci », pour reprendre les expressions du prophète ; c’est manquer de charité, de tout sentiment humain, de tout sens de l’homme et ignorer ses devoirs vis-à-vis des autres.
Pour nous, Congolais, la valeur d’un individu donné est fonction de la valeur de son cœur….[ Cardinal Emile Biayenda Extrait de son exposé au congrès international des prêtres Paray-le-Monial, 12-18 septembre 1974.]

LE JOURNAL DU MUUNTU : Merci beaucoup Mon très cher et vénéré cardinal pour votre éternelle intervention qui est pleine de bon sens, de sagesse et surtout d’espoir d’une véritable paix au Congo et par conséquent d’un « vivre ensemble » tant souhaité par les Congolais eux-mêmes.

Propos recueillis par Rudy MBEMBA-DYA-BÔ-BENAZO-MBANZULU alias TAATA N’DWENGA, Coordonnateur général du cercle KI-MBAANZA OU DES AMIS DE LA NATION CONGOLAISE ( A.N.C.)

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