La nomination de madame Judith Tuluka Suminwa fait la une de l’actualité sur la toile et c’est avec raison car c’est la première fois depuis l’indépendance du pays qu’une femme prend la tête du gouvernement. Un grand nombre y voit un message très fort de Tshisekedi II en faveur du leadership féminin congolais qui porte une grande partie du poids de la marche du pays depuis que la gent masculine dans sa majorité peine à trouver un travail rémunérateur ou quand elle l’a trouvé, fait preuve d’une culture de corruption et d’irresponsabilité hors pair dans la conduite des affaires de l’Etat. Un véritable pari est donc lancé à l’actuelle nominée pour relever le défi et prouver à la face du monde que la femme congolaise peut réussir là où l’homme congolais a lamentablement échoué durant 64 ans.
Ceci est le côté pile de cette nomination. Il en existe côté face qui motive mes appréhensions.
Primo, en considérant l’historique et le rôle de la primature depuis la deuxième et la troisième république, force est de constater que cette fonction reste une coquille vide dans la majorité des cas. Ceci est d’autant vrai que le régime semi-présidentiel en place dans ce pays a généré la triste habitude de chefs d’états successifs de vouloir créer un gouvernement parallèle à côté de celui officiel et de fonctionner de manière à ce que les décisions les plus importantes de la marche de l’Etat sont prises non point à l’hôtel du gouvernement mais plutôt par l’équipe occulte de ces nombreux conseillers à la présidence dont le rôle est plus déterminant que celui des ministres et du chef du gouvernement. J’ai difficile à penser que l’actuelle PM échappera à ce mécanisme solidement mis en place au Palais de la Nation.
Secundo, il faille observer à la loupe la trajectoire de celle qui vient d’être nommée à la primature. Cette femme née le 19 octobre 1967, est mariée à Monsieur Roger Tuluka et elle est mère de deux enfants dont un garçon (23 ans) et une fille (19 ans).
Après ses études à l’Université Libre de Bruxelles ( ULB), elle va travailler dans le secteur bancaire avant de rejoindre les agences des Nations unies dont le PNUD où elle a été experte nationale dans un projet d’appui communautaire dans l’Est du pays. Elle exercera ensuite comme conseillère au cabinet du ministère du Budget avant de devenir Ministre d’Etzt au Plan et coordonnatrice adjointe du Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS).
Vous l’aurez compris, ses accointances avec les organisations internationales peuvent s’avérer tout autant un atout qu’un handicap pour la sauvegarde et la promotion des intérêts vitaux de la RDC longtemps considérée comme la chasse gardée des puissances occidentales signataires de l’Acte de Berlin. L’efficacité ou l’inefficacité de sa primature dépendra donc énormément des réseaux transnationaux qui sont les siens et de quel côté de la balance se penchera son action gouvernementale.
Terzo, le 25 mars 2024 dernier, j’ai suivi avec grande attention le lancement officiel à l’hôtel Memling, des travaux de l’atelier de validation sectorielle du Plan national Stratégique de Développement “PNSD 2024-2028” présidé par l’alors ministre du plan nommée premier ministre congolaise aujourd’hui.
L’objectif de ces travaux a été de finaliser le nouveau cadre programmatique en vue de matérialiser les six engagements du Chef de l’état Félix-Antoine Tshisekedi. Lesquels ces six engagements? Il s’est agi de : l’engagement de créer les emplois; l’engagement de protéger le pouvoir d’achat; l’engagement d’assurer avec plus d’efficacité la sécurité pour tous; l’engagement de diversifier l’économie; l’engagement de garantir plus d’accès aux services de base et enfin l’engagement de renforcer l’efficacité des services publics.
La nouvelle PM prend les rênes du pouvoir exécutif dans un moment spécial de l’histoire congolaise où la guerre sévit partout et que le climat sécuritaire est au plus mal. Rien de ces six engagements ne
pourra être matérialisé si la paix durable n’est pas rétablie sur l’ensemble du territoire national.
Madame Judith Tuluka a-t-elle la poigne de résister contre la coalition USA-UE-RWANDA cachée derrière le M23? Dispose-t-elle des stratégies militaires appropriées pour bouter hors d’état de nuire les agresseurs de la RDC? Est-elle capable de neutraliser les forces négatives qui écument le territoire congolais? Elle et son président seront-ils fidèles au troisième engagement pris durant la campagne électorale de restructurer profondément l’appareil de sécurité et de défense? Je suis fort curieux de voir leur point d’honneur à leurs promesses de campagne…
Ses premières déclarations publiques après l’annonce officielle de sa nomination ont été : « Je suis consciente de cette grande responsabilité Nous travaillerons pour la paix et le développement du pays ». N’est-ce pas que c’est par ses fruits qu’on juge un arbre? Prenons tous rendez-vous pour le 7 juillet 2024, cette date commémorative de 100 premiers jours du Gouvernement Tuluka pour pouvoir prononcer objectivement notre première appréciation globale.
Entretemps je ne peux que lui souhaiter beaucoup de succès dans l’accomplissement de cette lourde responsabilité mise sur ses épaules!
Par Germain Nzinga