RD Congo. Que se cache-t-il derrière ces tirs croisés contre la CENCO et l’ECC???
PARLONS-EN. La semaine dernière s’était clôturée avec une note d’espoir dans la recherche de cohésion nationale en vue de constituer un front commun contre l’ennemi qui a envahi le territoire congolais. L’on a vu les évêques congolais et les représentants de l’ECC allant à la rencontre du chef de l’Etat pour se concerter et lui proposer un document de travail nommé UNICONGO ( Unité Nationale Immédiate pour le Congo-Kinshasa), une espèce de vade-mecum pour réconcilier les congolais entre-eux avec l’objectif de pouvoir tenir tête contre le complot international ourdi contré notre peuple.
Dans les jours qui ont suivi la rencontre avec le chef de l’Etat, nous avons vu une équipe de dignitaires de deux églises catholiques et protestantes sillonner des maisons des opposants ( Kabila, Fayulu, Katumbi, Sesanga etc.) en vue de matérialiser cette vision.
Une semaine seulement après ce marathon de la cohésion nationale, des voix s’élèvent pour porter contre les évêques, des accusations graves les unes après les autres de la part des barons du régime Tshisekedi.
D’abord Patrick Muyaya qui donne le ton dans une conférence de presse : “ Il y a eu 3000 morts à Goma et je n’ai pas entendu les évêques congolais condamner de manière claire cette barbarie. Il faut ici faire une démarcation entre la démarche d’un pacte social pour la paix et la condamnation de l’horreur de ce qui s’est passé à Goma. Lorsque vous êtes dans une maison qui brûle, l’urgence c’est d’abord d’éteindre le feu. Et aujourd’hui l’urgence dans la démarche qui est la leur, c’est d’abord de dénoncer ce mal généré par le voisin que nous connaissons.”
Puis le même Ministre de la Communication d’enchainer : “dans la démarche du pacte social pour la paix, le président de la République ne leur a pas donné un mandat quelconque. C’est une nuance de taille. Il ne faut pas faire l’amalgame et croire que les évêques ont reçu mandat du président de la République pour amorcer cette démarche.”
Un autre boulet rouge est venu de Peter Kazadi, l’ex-Ministre de l’intérieur qui a accusé les évêques de complicité avec l’ennemi rwandais. De passage sur le plateau de Télé 50, l’ancien VPM en charge de l’Intérieur affirme tout haut qu’il dispose des preuves. « (…) Nous disposons de preuves audibles où ils( les évêques) échangent avec les ennemis du pays », a-t-il déclaré abordant la question sur la guerre dans l’Est.
Mais c’est Florimond Muteba, le directeur de l’Office de Gestion de Dette Publique qui est venu enfoncer le clou : « Les évêques sont des traîtres, j’invite les fidèles à quitter l’Église. »
Tous ces tirs croisés endéans deux jours doivent cacher une vérité. Mais laquelle?
1. Hier mardi le président Tshisekedi a reçu les chefs des confessions religieuses. “L’ échange était essentiellement consacrée à la question de l’initiative de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) » a fait savoir l’Évêque Ejiba Yamapia, au sortir de l’audience.
Commentant cette démarche de la CENCO et de l’ECC, le numéro un de l’ERC a indiqué que « le Président Félix Tshisekedi est ouvert à l’initiative mais à condition qu’elle soit inclusive c’est-à-dire que les deux confessions qui ont été reçues avant, ensemble avec nous, nous trouvions un créneau pour faire un programme commun. Ce sera un exemple que nous allons donner à la nation pour l’unité ». Bref le président ne se dédit pas sur le mandat accordé à la CENCO pour la rencontre d’autres acteurs politiques congolais. Il n’a pas non plus accusé les évêques de complicité ou de traîtrise mais émet le souhait d’inclusivité de toutes forces religieuses en RDC.
2. Si les thuriféraires de Tshisekedi se sont mis à aboyer dans tous les sens, c’est à propos du danger que perçoit le président Tshisekedi de voir lui échapper la primeur de décision et le contrôle de direction à donner à la négociation avec les différenties parties en présence. Ces démarches extra-institutionnelles peuvent également lui être fatales comme ce fut le cas au maréchal Mobutu qui ouvrit les négociations qui aboutirent le 24 avril 1990 à sa capitulation via un un nouveau statut politique très ambigu d’un roi qui régnait sans plus gouverner.
3. Pour les proches collaborateurs du président, la démarche des prélats semble leur être périlleuse car l’intégration éventuelle des opposants dans un nouveau gouvernement sous un nouveau format restreint suppose leur perte de pouvoir et leur renvoi au chômage. Tout en faisant semblant de guerroyer avec zèle pour le chef de l’Etat, en réalité chacun a en tête le péril de perdre son propre poste, que ce soit celui officiel doccuper une fonction au gouvernement ou dans une entreprise de l’Etat ou celle de rester un conseiller privé.
4. Je suis aussi persuadé que les évêques ne pouvaient en aucun cas se permettre d’initier les contacts avec Kabila et consorts sans avoir reçu au préalable un feu vert du président Tshisekedi. Le fait qu’il n’y ait pas eu de démenti de la part du bureau de la présidence en vue de tempérer les déclarations de Muyaya, de Kazadi et de Muteba veut tout simplement dire que tout ce qui se dit contre les évêques congolais s’avère être une prise de position concertée du pouvoir en place. Cette nouvelle communication politique signifie que le Chef de l’Etat a reculé et a dû changer de position par rapport aux promesses faites aux évêques.
A mon avis, ces derniers doivent en tirer les conséquences qui s’imposent et arrêter derechef les contacts avec les acteurs politiques congolais. Leur seule bonne volonté et l’amour indiscutable qu’ils portent pour leur peuple ne suffisent plus à résorber la crise fort complexe de ce pays qui demande une combinaison de paliers politiques, sécuritaires et diplomatiques. Tout au moins l’histoire aura retenu qu’ils ne sont pas restés bras croisés, qu’ils ont essayé d’inventer de nouvelles pistes.
Plaise au ciel que les prelats se retirent le plus vite possible de cette mission pour ne pas servir de boucs-émissaires à une opinion chauffée à blanc ou encore à un ancien ministre de l’intérieur qui n’arrive même pas à relever la part de responsabilité du pouvoir actuel dans la débâcle de Goma. À présent la responsabilité historique d’un Congo pacifié ou vaincu incombera à la seule personne du Chef de l’Etat et de ses proches collaborateurs.
Germain Nzinga

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