RD Congo. L’énigme derrière la présence de Kamerhe à Bunagana…

TRIBUNE. « Je suis un combattant de paix, donc je négocie toujours avec le danger et l’insécurité. Venir aujourd’hui ici, dans cette zone rouge, comme c’est pour rechercher la paix, je n’hésite pas. Vous y vivez donc nous pouvons aussi y vivre », s’est adressé Vital Kamerhe aux habitants de Bunagana.

Au regard de l’accueil délirant de Vital Kamerhe dans cette cité assiégée, je me suis posé des questions jusque là sans réponse.

1. Bunagana est une cité congolaise sous le contrôle militaire du Rwanda agresseur. Des militaires rwandais quadrillent toute la ville, faisant passer l’administration de la ville sous le personnel rwandais qui s’est déjà mis depuis deux mois à l’extraction de l’or congolais.

Un ville occupée??? Pourquoi à l’arrivée de Vital Kamerhe, les drapeaux de l’UNC flottent-ils partout comme si on était en situation politique normale? Et pourquoi ce politicien proche de la présidence congolaise ne se sent inquiété par personne dans ce camp ennemi de la République congolaise? Comment peut-il faire une entrée triomphale dans une ville comme Bunagana occupé illégalement par des forces militaires ennemies? Est-ce envisageable ce scénario du général Charles de Gaule animant son meeting politique en plein Paris occupé par les Nazis? C’est hallucinant…

2. « J’ai décidé de venir affronter ce danger dont les politiciens craignent. Moi j’ai dit au chef de l’État je vais y aller. Si vous vivez dans ce danger permanent pourquoi ne pas vouloir vous en sortir? Sachez que tout va commencer d’abord par vous-même. Sortez de groupes armés », a-t-il convié la population venue l’accueillir.

Ce discours veut-il insinuer que l’occupation de Bunagana est due aux rebelles congolais et qu’il suffirait de sécher cette rébellion pour y remettre la paix ? Ce qui est loin d’être exact. Car la guerre qui a abouti à l’occupation de Bunagana n’est pas un conflit congolo-congolais. C’est une guerre du Rwanda qui a décidé d’envahir le territoire souverain de la RD Congo. Des militaires rwandais capturés par les FARDC en ont donné des preuves irréfutables. Ceci dit, tout narratif qui évite de nommer le chat par son nom joue directement le jeu de l’ennemi du Congo.

3. Depuis l’acquittement judiciaire de Vital Kamerhe, une rumeur persistante court et qui l’annonce soit à la primature congolaise soit au poste important du Haut Commissaire chargé de questions de sécurité à l’Est congolais. Dans un cas comme dans un autre, les ambiguïtés idéologiques et les accointances politiques de Vital Kamerhe intriguent plus d’un. Personne n’a oublié sa présence au mariage du fils de James Kabarebe et des déclarations tonitruantes de ce politicien congolais qui appelait à un deal entre le Rwanda et le Kivu. Vous avez bien entendu? Entre le Rwanda et le Kivu, non point avec la RDC…

Comme interlocuteur congolais dans la recherche de la paix avec le Rwanda agresseur, la personnalité de Kamerhe dérange dans la mesure où, durant les négociations, il risque bien de concéder à la partie rwandaise, des concessions qui s’assimilent à la haute trahison dans l’exercice de ses charges d’état

4. En écoutant son speech de Goma adressé aux forces militaires occupant Bunagana, il y a cette petite phrase qui attire l’attention: “« Je sais que vous me suivez maintenant. Si vous êtes vraiment des Congolais comme vous le dites souvent, je vous demande de déposer les armes. Je vous demande de libérer Bunagana et de déposer les armes. Il est temps de prôner la paix, après plus d’une décennie de misère », déclare Vital Kamerhe, s’adressant aux terroristes du M23.

En appelant ces rebelles à déposer les armes avant de négocier et aboutir à l’aministie”, comment espère-t-il arracher la décision de déposer les armes à un ennemi qui est visiblement en position de force? Et lui qui se veut le numéro deux de l’actuel régime suivant l’Accord de Nairobi, comment peut-il contredire publiquement le Chef de l’Etat qui exige, avant toute reprise de relations normalisées avec le Rwanda, non pas de déposer les armes mais de QUITTER le sol congolais?

5. Les congolaises et les congolais ont peut-être déjà oublié que l’actuel président du M23, Jean Marie Runinga et le mouvement politico-militaire qu’il préside, sont membres à part entière de l’Union Sacrée Nationale depuis le 3 janvier 2021. Et pourquoi, nonobstant le déclenchement de la guerre d’invasion du M23, la hiérarchie de l’Union Sacrée Nationale n’a-t-elle jamais exclu publiquement ce membre encombrant qui a choisi de flirter avec un pays agresseur? Quel danger peuvent bien représenter ces belligérants atypiques de Kigali et de Kinshasa qui se disent ennemis le jour et collaborateurs la nuit?

Décidément la guerre de l’Est congolais restera pleine d’énigmes incompréhensibles par le commun de mortel congolais. Un guerre semblable à un CHAOS ORGANISÉ. Organisé de toute évidence dans une synergie de magouilles entre le régime rwandais et le pouvoir de Kinshasa pour consolider leur position en se nourrissant du sang de millions de victimes congolaises. Rien que de la nausée!!!

Par Germain Nzinga

Une réponse

  1. Cher Germain Nzinga, je viens de lire avec intérêt votre article intitulé « RD CONGO. L’ÉNIGME DERRIÈRE LA PRÉSENCE DE KAMERHE À BUNAGANA… ».

    D’abord deux petites questions :

    1. Est-ce que vous savez que notre gouvernement accuse également l’Ouganda de soutenir le M23. Tout récemment le patron de la diplomatie congolaise Christophe Lutundula disait à la VOA que Bunagana est occupé par deux armées conventionnelles.

    Question. Pourquoi épargnez-vous l’Ouganda de début jusqu’à la fin de votre analyse. Pourtant vous dites et je vous cite : « Ceci dit, tout narratif qui évite de nommer le chat par son nom joue directement le jeu de l’ennemi du Congo. »

    2. Comment expliquer que notre gouvernement poursuit ses opérations militaires et ses relations diplomatiques avec Kampala pourtant il les a rompues avec le Rwanda? L’Ouganda est-il un allié ou un ennemi dans sa guerre contre le M23. Question. Pourquoi vous ne questionnez pas ce paradoxe ou cette ambiguïté?

    Je ne sais pas s’il vous est arrivé de mettre votre pied à Bunagana depuis son occupation. Vital Kamerhe s’y est rendu et il y a bel et bien rencontré des rebelles congolais qui ont des revendications contre notre gouvernement, en l’occurrence la mise en œuvre des accords signés entre les deux parties.

    Question. Trouvez-vous normal que ces accords soient restés lettre morte pendant autant d’années ?

    Notre gouvernement ne pouvait pas signer des accords avec des étrangers. A moins de me dire qu’ils sont à la solde de l’ennemi mais leur refuser la nationalité c’est une façon de compromettre la paix.

    Deux choses sont centrales dans leur revendication : 1. Le retour au bercail de nos compatriotes rwandophones refugiés au Rwanda, en Ouganda, au Burundi et peut-être en Tanzanie depuis près de trente ans. Ils avaient fui des massacres génocidaires dont ils étaient victimes à cause de leur morphologie ou parce qu’ils parlent le Kinyarwanda. 2. La fin des discours de haine avec leur corolaire de violences génocidaires dont cette composante de la population congolaise est victime. Est-ce demander la lune.

    Autant je peux condamner l’invasion de notre pays d’où qu’elle vienne, autant je trouve cette double revendication légitime. Je suis originaire Congolais-pas rwandophone, burundophone ou ougandophone- (d’où mon nom Mungongo Déogratias) mais je suis humain et rien d’humain ne m’est étranger.

    Vous dites que le personnel rwandais s’est déjà mis depuis deux mois à l’extraction de l’or congolais à Bunagana. Il n’existe pas de l’or à Bunagana. Les gens vivent des activités champêtres et du commerce transfrontalier. Ce poste-frontière réalise en effet entre 500 et 700 mille dollars américains des recettes douanières mensuelles, d’après des sources de la DGDA. Comparez aux 14 milliards US $ que la RDC a collectés cette année.

    PS

    Ce groupe n’est pas composé uniquement des Rwandophones mais des Congolais des divers horizons. Contrairement à ce qui se raconte, ces rebelles qui sont politiquement dirigés par Bertrand Bisimwa( un mushi du Sud-Kivu) et militairement par Sultani Makenga(un Tutsi du Nord-Kivu et ancien FARDC) sont venus de l’Ouganda où ils étaient cantonnés dans un camp d’entraînement militaire depuis leur défaite en 2013. Ils étaient restés dans le territoire de Rutshuru pourtant sous état de siège pendant une année avant de relancer les hostilités. La frontière entre l’Ouganda et la RDC n’est pas fermée et ils font des va-et-vient entre les deux pays au point que tout observateur dirait que leur importante base arrière se trouve en Ouganda.

    A très bientôt, je l’espère

    Mungongo Déogratias

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