
TRIBUNE. J’ai lu et relu le discours du président de la République, cherchant en vain les résolutions que le peuple consulté attendait de lui, mais je n’en trouve aucune. Un seul paragraphe donne un petit rayon d’espoir : «En conséquence, j’ai décidé de nommer un informateur, conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution. Il sera chargé d’identifier une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale. C’est avec cette nouvelle coalition que le Gouvernement qui sera mis en place au plus vite, conduira son action durant le reste du quinquennat, suivant ma vision, dans le but de répondre aux aspirations du peuple».
Mais en réalité ce mince espoir que devra susciter la nomination d’un informateur ne peut enchanter que les congolais naïfs. Car comment le président de la République peut-il prétendre nommer un informateur sans avoir démis officiellement le Premier Ministre ni dissous au préalable l’Assemblée Nationale?
A la confusion générale de la crise congolaise, le président est venu en rajouter une couche de flou qui n’aide pas le peuple à sortir du tunnel noir.
L’article 110 alinéa D vient encore réduire les chances d’identifier une nouvelle majorité parlementaire dans le format actuel de l’Assemblée Nationale car « tout député ou sénateur qui quitte délibérément son parti politique est réputé renoncer à son mandat parlementaire acquis dans le cadre dudit parti politique ». On a beau argumenter qu’en droit congolais, une plate-forme ne peut ester en justice mais alors les partis politiques à la couleur desquels ces députés ont été élus sont membres de la plate-forme et cela change tout. L’arme de débauchage politique pour ce faire peut devenir un couteau à double tranchant contre ceux qui en font usage.
En lisant entre les lignes le discours du président, on perçoit que ses consultations ont échoué pour n’avoir pas abouti à former une nouvelle majorité parlementaire tant souhaitée. Et à ce propos justement, l’article 78 alinéa b qu’il invoque dans son discours pose une CONDITIONNALITE significative d’après laquelle le Chef de l’Etat ne peut nommer un informateur que s’il n’existe plus de majorité parlementaire. Le couac ici, c’est que jusqu’à preuve du contraire, juridiquement la majorité parlementaire est encore détenue entre les mains de FCC. Cette condition de l’alinéa B de l’article 78 n’étant pas réunie, l’acte de nommer un informateur, s’il doit être posé par le Chef de l’Etat, sortira des dispositions des textes fondamentaux de l’état congolais et se fera selon une procédure extraconstitutionnelle qui va exacerber la crise et le chaos dans une RDC déjà très fragilisée et instable.
Si toutes les parties consultées au Palais de la Nation ont identifié le cœur de la crise congolaise, à savoir la coalition avec la kabilie et la légitimité du pouvoir en RDC, le président a pris la précaution de mettre ce vocabulaire dans la bouche de la majorité consultée sans jamais se prononcer expressément à décréter ce divorce. D’où nos interrogations: pourquoi aucun acte de RUPTURE n’a été prononcé expressément dans ce discours tant attendu? Pourquoi le président refuse-t-il de franchir le rubicon pour pouvoir enfin poser les bases d’un nouvel ordre politique de son quinquennat? Une fois de plus, puissions-nous en déduire que Tshisekedi et Kabila ont réussi à distraire massivement les congolais pendant un mois et demi pour les éloigner de leur forte détermination à la souveraineté qui commençait à prendre forme en octobre dernier?
Pour autant qu’elle n’est pas dissoute officiellement, leur coalition reste intacte même si pendant tout ce temps les coalisés ont servi et continueront à servir les congolais des querelles interminables et improductives pour leur donner l’impression qu’ils vivent à hue et à dia. Et en tout ceci le peuple est le grand perdant car il se sent une fois de plus floué dans ses aspirations les plus profondes à la liberté et à la prospérité. Les coalisés sont en train de réussir à nous endormir.
Et dans les heures ou jours qui vont suivre, les deux ont prévu un autre SOMNIFERE en nommant comme informateur, un gros poisson de l’opposition dont l’on tait encore le nom mais avec l’objectif principal de débaucher l’opposition pour mieux l’affaiblir aux échéances 2023. Et cette nomination rendra inévitablement la situation ingérable. Car nommer un informateur qui sera refusé par l’autre partie qui détient la majorité, puis viser à provoquer la crise qui manquait avec le Parlement pour espérer en arriver à dissoudre l’AN constituent là un jeu de ping pong politique très dangereux qui ne résoud pas la crise mais l’intensifie.
Quoi qu’il en soit, à l’étape actuelle des leçons tirées des consultations, disons que la montagne a accouché d’une souris.
Par Germain Nzinga (Chercheur indépendant)