Pages factuelles de Winner Dimixson Perfection, est un recueil de 88 poèmes, ayant pour toile de fond, une poétique entièrement vivante, relativement préoccupée par les problématiques bien réelles, des faits d’actualité.
Après avoir publié Les bambous de l’Orient (2009), Les Douceurs éphémères (2009) et Lumière stellaire (2017), elle nous peint là, tout un monde auquel nous nous identifions aisément, à partir des sujets qui font majoritairement la une des journaux. Dans un dévoilement sur fond journalistique, allant à la quête de l’information, elle nous engage à une analyse rationnelle de cette actualité mondiale, en se focalisant spécifiquement sur les problèmes les plus cruciaux des sociétés africaines ou des africains actuellement, et sur des points divers.
C’est d’une poétique de la vraisemblance qu’il s’agit ici, une sorte de reportage poétique qui rend la lecture des textes lisibles, dans un but précis : communiquer avec le lecteur. La mimesis ainsi édulcorée, permet à juste titre, de juger le côté réaliste de la poétesse, sa volonté de dire sans ambages le monde, de dénoncer les méfaits de certains régimes politiques africains, la crise diplomatique intercontinentale, entre les différents pays sur la base des intérêts unilatéraux ; en rebandant surtout sur la question des immigrés, cette illusion-désillusion des jeunes africains de l’Ailleurs.
Dire le monde ici, se comprend comme cet engagement sans faille de faire de l’œuvre littéraire, le miroir de la société ou des sociétés. Car il s’agit là de présenter notre quotidien, de fustiger les crises politiques et économiques, disons tout simplement qu’elle est demeurée proche de la réalité.
La pertinence des sujets dans leur lien logique avec les réalités du monde actuel, illustre la conjonction de deux instances : l’auteure et le lecteur. Ce qui d’ailleurs nous permet de voir en l’œuvre, dans son entièreté, une sorte de vitrine qui a fortiori, nous interpelle, nous convie à la réflexion essentiellement prospective de l’Afrique principalement. Et la porte grandement ouverte, que nous retrouvons comme illustration sur la page de couverture, devient plus que l’expression de l’ouverture, de l’acuité mais aussi de la vacuité, du vide ou de l’éphémère.
La porte laissée ouverte, expressément ou bien après le passage d’un vent violent, se traduit sans nul doute comme l’invite au voyage, à la découverte, la quête du monde étranger dans une dynamique comparative, ou encore la convergence des mondes ou des univers.
S’ouvrir en soi, pour mieux instituer et légitimer les rapports humains, s’ouvrir au monde, en percevant logiquement la problématique relative au développement, tel est l’enseignement ou le rappel qu’elle tente de nous faire ici. Le statut journalistique et pédagogique de l’auteure, transparaît indéniablement dans le texte, à partir des enjeux qui semblent se dégager des thèmes développés.
A la limite, il est bel bien question des thèmes qui, comme nous l’avons dit supra, sur le plan économique, politique, culturel et diplomatique, défraient actuellement la chronique. C’est pour cette raison qu’il y a lieu de penser là, qu’il est question bien évidemment d’un livre-journal.
Nous remarquons une forte récurrence du thème de la guerre dans les textes. La guerre décrite avec sa cohorte d’éléments : les causes et les conséquences des guerres dans le monde, fragilisant la paix sociale et freinant les avancées des pays: (« Les guerres fratricides/ Téléguidées et consenties/ Arrosent d’angoisse/ Les sillons morcelés/ De la terre exsangues » (« La guerre semble aimer l’Afrique II », p.24.)
En réalité , l’évocation de la guerre ou de ses conséquences, devient pour la poétesse, une manière d’appeler à la responsabilité de tous, et surtout qu’elle dénonce avec force les manigances politiques et stratégiques sournoises de certains occidentaux sur les pays africains dits « faibles », à vouloir toujours tirer les ficelles dans les différents conflits internes, à créer des troubles en Afrique pour leurs intérêts bien définis et même connus de tous: (« Derrière nombre de guerres/ Se cache l’attrait pour le pétrole/ L’Afrique a mal ») « Derrière les guerres », (p.22).
L’évocation de cette politique de l’exploitation illégale et illicite des ressources naturelles de l’Afrique, revient à penser le développement de l’Afrique par elle-même, la responsabilité des africains devant les enjeux économiques de leurs pays respectifs.
La poétesse dénonce également les guerres qui se produisent dans certains pays d’Afrique, en ayant pour causes les africains eux-mêmes. C’est le cas par exemple du manque de transparence lors des échéances électorales, les démocraties paralytiques, etc. Les poèmes comme « derrière les guerres », « la guerre semble aimer l’Afrique I », « la guerre semble aimer l’Afrique II », « Si l’Afrique savait » et « l’Afrique se consume » sont évidemment la peinture de ces réalités bouleversantes et déstabilisatrices.
Les réalités ineffables et suicidaires de l’Afrique, poussent certains fils africains à s’immigrer en Occident, dans la recherche d’une condition sociale stable. La traversée de la Méditerranée devient plus que contraignante et périlleuse. L’auteure décrit avec véhémence cette question de l’immigration qui aujourd’hui est d’une actualité incontestable :
« Les innocents regardent vers l’Orient
Pour mourir pieusement
Les navires trop étroits se désorientent
Sous le pas d’espoir
D’une multitude de migrants
Certains passeurs s’érigent en dictateurs
Ils abusent
Des hommes à leur merci…
Ecorchures, piqûres, brûlures
La Traite négrière renait des cendres »
« Les innocents regardent vers l’Orient I », p.30.
Tel est le sort réservé à ces migrants qui, malgré une telle tragédie, ne cessent de se multiplier, l’auteure en dit mieux dans les deux vers ci-après: « la mer fait des moissons d’hommes/ Comme une gerbe de désespoir » (p.31). Il convient de souligner également que ce thème est très présent dans ce recueil.
En définitive, Pages factuelles nous sert de miroir qui, mieux nous aide à percevoir de façon critique, les défis d’un développement intégral du continent africain. Cependant, bien qu’étant axé sur des thématiques bien précises et très actuelles, ce recueil souffre quelquefois de l’absence d’une poéticité, une donnée à la lisière entre l’implicite et l’explicite.
Rosin LOEMBA
Ecrivain et critique littéraire.
[1] Winner Dimixson Perfection, Pages factuelles, Brazzaville, L’Harmattan-Congo, 2018, 108p.