LIVRE. Rayane l’orphelin1 : Affirmation de la fécondité du roman congolais

A Dix-huit ans, le jeune Christ Kibeloh publiait son premier roman Rayane l’orphelin aux éditions France Libris en 2013, repris par les éditions Edilivre en 2017. Plongée dans ce roman qui confirme une promesse littéraire.

Comme l’indique le titre de l’ouvrage, le héros Rayane se voit déjà orphelin dès la naissance car sa mère meurt en couches. Et cette situation d’enfant orphelin va se concrétiser complètement quand son père meurt aussi à la suite d’un accident de circulation au cours d’un voyage, à la recherche d’un ailleurs pour son fils.

En compagnie de vieux Sam, un ancien conseiller du président assassiné en ville pendant un coup d’état et qui est venu trouver refuge au village, Rayane s’occupe, tant bien que mal, de l’épicerie laissée par son père. Et le séjour de vacances de la jeune Française Alicia avec se parents dans un village voisin, va changer le destin du jeune Rayane. Amoureux de cette belle fille qui a quitté le village sans laisser de traces, Rayane décide d’aller à sa recherche. Commence alors le voyage plus ou moins picaresque vers l’inconnu, voyage qui le fait connaitre une certaine Emilie dans la forêt des Ours, avant d’atteindre la mystérieuse Ile perdue.

Sur cette île, il arrive à ramener au village des voyageurs qui étaient condamnés à y vivre perpétuellement. Et c’est avant de quitter ce village qu’une certaine fille nommée Océane va lui donner les coordonnées d’Alicia qu’il va retrouver en France. « Heureux comme Ulysse a fait un beau voyage », Rayane sera bien accueilli par la famille d’Alicia qui sera par la suite sa femme avec laquelle il va avoir trois enfants. Ayant réussi dans sa carrière de footballeur professionnel en France, il revient définitivement au pays avec sa femme et ses enfants, plusieurs décennies après. Aussi, ce retour ouvre une nouvelle page de son destin quand il découvre sa famille africaine restée au village, surtout quand il constate le bel avenir dans son fils dans le foot.

Rayane l’orphelin, un roman atypique qui épouse plus la dimension d’une nouvelle, mais qui s’avère agréablement riche en thématiques dont quelques uns apparaissent pertinentes.

Rayane : un étrange destin on ne peut plus lugubre

Avec les aventures de Rayane, ce roman apparait comme un récit de la mort qui presque omniprésente dans le destin du héros. La mort est devant lui aux premiers instants de sa vie à travers l’absence de sa mère : « Je n’avais jamais connu ma mère qui avait perdu la vie lors de ma naissance » (p.12). Rayane est un enfant qui ne va jamais connaitre l’affection d’une femme. Enfant, son éducation est aux mains de son père, puis du vieux Sam qui n’est autre que son grand-père maternel sans qu’il le sache. Et c’est la mort de son père qui bouleverse de nouveau son destin, un drame qu’il apprend par une lettre adressée par une personne anonyme : « Je suis sincèrement désolée et triste de t’annoncer une mauvaise nouvelle (…) J’espère que tu pourras retenir ton émotion. Ton père a été victime d’un accident de voiture » (p.21).

Le drame dans tout cela, c’est que cette sale nouvelle lui tombe à 14 ans quand le vieux Sam, un grand passionné de foot, veut l’emmener pour la première fois au stade : « La seule fois que j’avais failli assister à une rencontre sportive, c’était le jour de mes quatorze ans (…). Je recevais la lettre qui annonçait la mort de papa » (p.65).

La mort dans ce roman apparait aussi à travers l’image du président assassiné avec certains de ses proches lors du coup d’état. La mort, c’est aussi l’une des raisons qui pousse le vieux Sam d’aller se refugier au village car ancien conseiller du président tué au cours des troubles politiques dans son pays. Aussi, le vieux Sam se considère au village comme un mort-vivant. Enfin l’idée de mort se découvre chez certains habitants de l’Ile perdue quand ils sont de justesse sauvés par Rayane qui empêche leur bateau de couler.

La part du merveilleux dans le roman

Dans le coulé narratif, le récit de Rayane l’orphelin est, à certains moments, traversé par des situations extraordinaires relevant du merveilleux et du fantastique. Aussi, pour l’acceptabilité du récit, le lecteur classe ces situations extraordinaires dans le domaine du conte. Dans la sixième partie du roman intitulée « L’Ile perdue et la devinette », le récit plonge le lecteur dans l’univers textuel du conte. Sur cette île, le héros se sent perdu quand il est interpelé par la voix d’une sirène qui l’appelle curieusement par son nom : « Rayane, si tu veux rentrer au village des voyageurs et aider les autres à rentrer à leur tour, je n’ai qu’une question à te poser » (p.48).

L’interpellation du héros par un personnage mythique et mythologique (la sirène) sur une île où une sorcière aurait jeté un sort qui fait que ses habitants ne peuvent se reproduire, confirme le merveilleux et le fantastique du roman de Christ Kibeloh. Comme on le peut le constater dans l’incipit de cette sixième partie : « La vie était très belle là-bas, mais il y avait un problème : les habitants ne pouvaient jamais se reproduire (…). Une sorcière avait jeté un sort dans cette île » (p.47).

Rayane l’orphelin : un réalisme fictionnel ou une fiction réaliste ?

Avec la présence du héros Rayane qui raconte ses propres aventures, le récit se veut subjectif car rapporté à la première personne « je » et épousant la technique du bio graphisme. Le récit se découvre comme un roman où tout n’est pas totalement vrai, où tout n’est pas totalement faux. S’y remarque un mélange de fiction et de réalité sur fond de ressemblance entre le destin du héros (instance abstraite) et quelques éléments biographiques de l’auteur (instance concrète). Aussi, dans la relation de l’auteur avec son héros, on remarque que les deux instances sont plus ou moins de la même génération et ils se déplacent dans leur existence de l’Afrique en France.

En conclusion, on peut dire que ce troisième roman de l’auteur apparait comme une grande promesse au niveau de la littérature congolaise. Par sa simplicité de l’écriture et par la génération des principaux personnages du récit, on pourrait affirmer sans ambages que Rayane l’orphelin est un livre écrit par un jeune pour les jeunes Et comme tout adulte est passé par la jeunesse, nous sommes aussi concernés.

Noël –Kodia-Ramata

1 Rayane l’orphelin, éd. France Libris, 2013 et Edilvre, 2017, Paris. L’auteur a aussi à son compte deux modestes romans : Marie aux éditions France Libris et Retour en arrière Issa aux éditions Edilivre, 2017.

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