Le Kivu et le prix de la compromission au sommet de la RDCongo

OPINION. L’offensive du M23 soutenu par le Rwanda semble prendre de l’ampleur. Aux dernières nouvelles, les terroristes de ce mouvement se sont emparés des communes rurales de Kiwanja et Rutshuru. Que n’avons pas dit à propos du Rwanda et de son président Paul Kagame ?

Aujourd’hui, les populations congolaises du Kivu payent le prix de l’irresponsabilité de la classe politique; elles payent le prix de la compromission et de la haute trahison au sommet de l’État. Et pourtant, nous n’avons cessé de mettre en garde le régime de Félix Tshisekedi contre tout rapprochement avec le Rwanda de Paul Kagame. Nous l’avons fait publiquement, mais aussi en privé. Certains responsables des services de sécurité et de l’armée savent de quoi je parle ici.

On nous reproche souvent d’être très critiques à l’égard du régime, mais peu de gens savent ce que nous avons tenté de faire pour aider ces gens, au nom de l’intérêt supérieur de la patrie. Dès le mois de mai 2019, j’ai transmis, via des intermédiaires à la présidence et à l’ANR, des messages sensibles au régime sur les réelles intentions du Rwanda en RDC; j’ai expliqué à mes interlocuteurs comment Paul Kagame comptait se servir de Félix Tshisekedi dans sa stratégie sous-régionale. Les informations que je leur ai transmises provenaient de sources de première main. Je vous épargne les détails.

Et vous savez quoi ? On m’a fait comprendre que ce n’était pas important. Si nous avons été écoutés par certains, d’autres, notamment les « djikains » proches de Félix Tshisekedi, n’ont pas voulu entendre raison. Inutilement arrogants, ils étaient persuadés de maîtriser la situation. Chaque fois qu’on abordait la question du Rwanda, quelqu’un te sortait : « Le chef maîtrise la situation… » et patati patata. Quelqu’un de très important m’a même dit : « Penses-tu mieux comprendre ce qui se passe au Kivu que le président ? »

Au Canada et dans les autres pays des 5eyes, les experts occupent une place importante dans le dispositif du système de renseignement. Jusqu’à présent, je peux affirmer sans prétention que toutes mes analyses sur les rapports entre la RDC de Tshilombo et le Rwanda de Kagame se sont confirmées.

Bref. Comment un « président » peut-il avoir le contrôle d’une situation dont il ne maîtrise les tenants et les aboutissants ? Comment peut-il s’assurer de comprendre les enjeux en présence quand il a autour de lui des personnes, qui comprennent à peine dans quel merdier se trouve le Congo ? Comment peut-il manoeuvrer de manière réfléchie et stratégique quand ses collaborateurs et lui ont une connaissance lacunaire de l’histoire politique, géopolitique et géoéconomique de la région des Grands Lacs ?

De deux choses l’une : soit Félix Tshisekedi est conscient de ce qui se passe et préfère jouer le jeu de Paul Kagame pour des raisons qui lui sont propres; soit il est conscient de la situation, mais a peur de bouger en raison des accords qu’il a tissés avec son homologue et «frère» rwandais. Dans tous les cas, c’est la RDC qui perd.

Depuis l’arrivée de Tshilombo au pouvoir, nombreux sont les compatriotes au sein des services, soucieux de la situation sécuritaire dans le Kivu, qui se méfient du régime : « Tozo comprendre mutu oyo te (allusion à Félix Tshisekedi) » affirmait, début 2020, un responsable de l’ANR. Une autre source, cette fois rwandaise, de me poser la question : « Qu’est-ce que Kagame a contre votre président pour qu’il se comporte de la sorte ? »

Nous sommes arrivés à un point où certains services de renseignement étrangers préfèrent passer par des canaux peu commodes pour transmettre certaines informations sensibles, parce que disent-ils, leurs homologues congolais ne sont pas du tout professionnels. Depuis la mise à l’écart de François Beya, c’est le bordel au sein du Conseil national de sécurité.

En vérité, la RDC n’est pas dirigée. Paul Kagame et ses hommes le savent, les « Kagame Boyz » infiltrés dans les institutions congolaises le savent également. Pour tout dire, le Congo et sa population sont en train de payer le prix de l’incompétence au sommet de l’État. Félix Tshisekedi et sa bande sont la preuve qu’on ne peut pas gérer un pays avec des « coopérants » et des jouisseurs…

Par Patrick Mbeko

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