Congo. « Motema », le nouveau single de l’artiste Aly Moulady, est disponible

Avec le titre « Motema », le cœur en lingala (une des langues nationales du Congo), sorti le vendredi 10 février, Aly Moulady marque son retour après une longue absence. A l’occasion de la sortie officielle de ce nouveau single, le chanteur et auteur-compositeur-interprète d’origine congolaise s’est confié à Pagesafrik.com

PAGESAFRIK.COM : Avant tout propos, comment allez-vous ?

Aly Moulady : Je me porte à merveille, merci !

PAGESAFRIK.COM : Vous êtes cet artiste qui a fait rêver la jeunesse africaine en général et congolaise en particulier dans les années 1996-1997. Pour ceux qui vous découvrent, qui êtes-vous et quel est votre style musical ?

Je suis Aly Moulady, chanteur et auteur-compositeur-interprète. Dans la famille Moulady, nous sommes deux qui avions choisi d’évoluer dans la musique. Mon grand frère Fofana Moulady, que l’on ne présente plus aux mélomanes congolais, a commencé la musique quelques années avant.

Quant à moi, c’est bien plus tard que j’ai été révélé au grand public. C’était en 1996, lorsque je suis revenu des vacances d’été de France, où j’étais étudiant dans une école d’ingénieur de Compiègne. J’étais arrivé avec dans ma gibecière l’album « Sérénade » de dix titres. Et je pense que c’est à partir de cet opus que la musique congolaise n’était plus ce qu’elle avait été. C’est-à-dire qu’après j’y ai apporté une touche toute particulière au point que d’aucuns diront que c’était de la world music tandis que d’autres y verront plutôt de la Rumba N&B comme on le voit aujourd’hui. Toujours est-il que c’est à partir de cet album qu’un nouveau courant musical a été ouvert, une nouvelle brèche qui a donné lieu à ce qu’on appelle la musique urbaine, l’Afropop ou l’Afro urbaine.

Ceux qui connaissent ma discographie, savent qu’il y a eu pas mal de titres marquants depuis mon premier album. A part « Sérénade », qui a une place privilégiée, d’autres titres comme « Mama », « A tous les potes du monde », « Hymne à la vie » et tout récemment « Petit cœur » qui a aussi marqué le public.

PAGESAFRIK.COM : « Sérénade », votre premier album paru en 1996, demeure ce chef d’œuvre qui vous a révélé auprès du grand public. Peut-on s’attendre à une nouvelle œuvre aussi accomplie ?

Chaque fois qu’on se met à travailler sur un album, on se remet en cause dans l’espoir que le nouvel opus soit meilleur que le précédent. Le travail se fait dans le même état d’esprit, avec le même amour, le même savoir-faire et les mêmes dispositions pour qu’il soit porté haut. De ce point de vue, on peut donc s’attendre un jour à un autre chef d’œuvre tout aussi excellent, voire meilleur, que « Sérénade ». Mais dans tout cela, c’est le public qui aura le dernier mot.

PAGESAFRIK.COM : Vous revenez sur scène avec un nouveau single intitulé « Motema ». Pourquoi le choix d’un tel titre ? Que nous révèle-t-il ?

Le cœur, c’est ce qu’il y a de plus profond en nous. C’est le sanctuaire de toutes nos émotions : la joie, la peine, la peur, l’inquiétude, l’amour… bref toutes celles que nous ressentons. Il s’apparente à une carte mère, chargée de distiller les différents mouvements émotionnels que nous ressentons au niveau du cœur.

Pour moi, il est le sanctuaire de l’amour. C’est là que toutes les émotions positives se concentrent et cette nouvelle chanson illustre encore une fois ce que le cœur est capable d’exprimer à travers la voix.

PAGESAFRIK.COM : En tant qu’artiste musicien congolais, que représente pour vous l’inscription de la Rumba au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO ?

Je ne peux qu’éprouver un sentiment de satisfaction à l’idée de savoir que ce patrimoine commun aux deux Congo a été inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Cette reconnaissance mondiale est l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui n’ont ménagé aucun effort pour que ce genre musical ait une identité propre et rayonne à travers l’Afrique et le monde. Je pense notamment à Paul Kamba, Wendo Kolosoy, Grand Kallé, Tabu Ley Rochereau, Francklin Boukaka, Pamelo Mounka, Franco Luamba Makiadi, Papa Wemba, Edo Nganga, entre autres. Je suis sûr qu’ils doivent se retourner positivement dans leurs tombes.

Il faut cependant souligner qu’entre la symbolique de la reconnaissance et la situation des acteurs qui matérialisent la richesse de cette Rumba, les artistes n’ont toujours pas de statut. Ils ne bénéficient pas des droits d’auteur, encore moins d’un statut juridique leur permettant d’être protégés en cas de maladie ou d’avoir un minimum vieillesse.

J’estime donc que la Rumba congolaise sera véritablement un patrimoine de l’humanité lorsque les premiers bénéficiaires en tireront les fruits. Dans le cas contraire, ce sera juste qu’un symbole et rien de plus.

PAGESAFRIK.COM : Une année après cette reconnaissance, les initiatives liées à la promotion de la Rumba congolaise sont peu réjouissantes voire en berne. Partagez-vous constat ?

Je partage ce constat à bien des égards. C’est vrai qu’on est parti de la symbolique et qu’il y a eu des festivités. Cependant, elles ont été beaucoup plus officielles : c’est-à-dire, qu’elles ont été plus le fruit des autorités politiques et administratives qui ont entériné le fait que la Rumba soit inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Mais qu’en est-il des artistes et de toux ceux qui font que ce genre musical existe ?

Car, force est de constater qu’une réelle prise de conscience, à travers l’initiation de rencontres, échanges, conférences, et une véritable compagne de promotion peinent encore à s’enclencher.

A-t-on vraiment compris qu’à l’instar du pétrole, de l’or, du diamant et de bien d’autres richesses que regorgent notre pays, la Rumba est une richesse à part entière que nous sommes capables d’exporter.

On est beaucoup plus dans le paraitre et les symboles. Et il est vrai que depuis qu’on en parle, rien n’a été fait dans ce sens. On dit des choses qui peinent à se matérialiser. Il va donc falloir montrer qu’il y a une cohérence véritable entre l’importance que la Rumba congolaise a pris dans le monde et la situation des « enfants » de cette musique afin qu’ils y trouvent leur compte.

PAGESAFRIK.COM : Quel message souhaitiez-vous faire passer auprès des autorités et acteurs culturels des deux Congo ?

Je leur adresse un message de bon sens : on ne peut plus faire de l’art sans tenir compte de ce qui se passe autour de nous. Tout comme, on ne peut pas se dire acteur culturel sans s’imprégner de la situation actuelle de la culture dans le monde.

La culture est une denrée rare dans le sens que sa valeur est incommensurable. A partir de ce moment, c’est de leur devoir de mettre la main à la patte. Aussi, ils doivent la considérer comme un investissement à part entière d’autant plus qu’elle ne faiblit ni ne tarit.

Les acteurs culturels doivent ainsi s’y atteler tout en sachant que chacun y trouvera sans compte.

De nos jours le soft power devient quelque chose qu’on exporte. Par exemple, quand on parle de Coca- cola ou de Michael Jackson, on voit aussitôt les Etats-Unis. Chaque pays a développé son marqueur de soft power, il demeure malheureusement quasiment inexistant dans une grande partie des pays du Sud du Sahara.

Alors que la Rumba congolaise, qui est notre identité culturelle, a influencé plusieurs courants musicaux comme au Nigeria et en Côte d’Ivoire où elle a donné naissance au Naija music et au Coupé décalé. Ils ont su faire de ce qui est à nous un élément du soft power.

C’est dire que nos autorités et les acteurs culturels doivent s’y atteler et chacun trouvera son compte.

Propos recueillis par Fredrich Gunther M’Bemba.

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