Audrey Azoulay : La science a besoin de plus d’inclusivité et d’ une participation plus large des femmes

ACTUALITE. «Si la science a besoin de plus d’investissements, elle a aussi besoin de plus d’inclusivité et d’une participation plus large des femmes», selon la directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), Audrey Azoulay.

«La plupart des défis auxquels nous sommes confrontés appellent une réponse scientifique. C’est le cas du dérèglement climatique, de la perte de la biodiversité, ainsi que de l’impact éthique du Big Data, de la technologie dans nos sociétés», a déclaré la DG de l’Unesco estimant que tout cela exige d’importants investissements.
Cependant, les données à disposition de l’institution spécialisée des Nations unies montrent que les investissements sont encore insuffisants, a-t-elle fait remarquer en marge du Festival pour les femmes et la science. Un événement inédit qui a regroupé 40 intervenants venus du monde entier.

Organisé par l’Unesco et la Fondation L’Oréal, cet important rendez-vous entendait célébrer l’excellence scientifique au féminin et mettre en lumière d’éminentes chercheuses, parmi les plus inspirantes au monde.

L’occasion pour Audrey Azoulay, qui a été réélue à la tête de l’organisation internationale le 9 novembre dernier, de rappeler les chiffres «très décevants» sur la place et la représentation des femmes dans la science.

En effet, en dépit des efforts de l’institution internationale, la proportion des femmes dans la recherche demeure insignifiante. «Elles ne sont qu’un tiers environ, et ce chiffre n’augmente pas vraiment, en dépit de nos efforts», a-t-elle déclaré.

Selon la DG de l’Unesco, cette proportion ne serait que de 20 à 22% « parmi les scientifiques, les professionnels du domaine de l’IA ou du Big Data. En ce qui concerne les chercheurs des universités du monde entier, elle avoisine les 10%».

En effet, selon le dernier rapport de l’Unesco sur la science, les femmes restent sous-représentées aux plus hauts niveaux dans la recherche. Et quand bien même des progrès ont être constatés, seuls 33% des chercheurs dans le monde sont des femmes.

Pour l’organisation internationale, cette évolution est encore trop lente du fait que des barrières importantes persistent et le plafond de verre reste une réalité dans la recherche.

On peut le dire, l’accès des femmes aux plus hauts niveaux de responsabilité et de reconnaissance est encore rare et les chiffres sont très éloquents à ce sujet.

En effet, entre 2013 et 2016, seuls 2,4% des brevets en Europe ont été déposés par des femmes uniquement. En 2019, elles ne représentaient que 19% des inventeurs.

La situation n’est pas meilleure dans l’intelligence artificielle (IA) : les femmes ne représentent que 22% des professionnels dans ce qui est considéré comme l’un des domaines de la recherche les plus en pointe.

A cela s’ajoute une autre réalité. C’est qu’il n’y a aucune femme parmi les lauréats des prix Nobel scientifiques 2021 et que les femmes représentent moins de 4% des Nobel scientifiques depuis la création de ces Prix en 1901. Pour Audrey Azoulay, il est évident que «nous sommes face à un vrai déficit de femmes de science et nous nous efforçons de lever les obstacles qui empêchent encore les femmes de contribuer à la science».

Ce travail, l’Unesco le fait à travers l’éducation, dans divers programmes ou en aidant les jeunes filles à se lancer dans les STIM (programmes de sciences, de technologies, d’ingénierie et de mathématiques).

«Nous le faisons depuis 23 ans avec L’Oréal grâce à un formidable programme qui promeut l’accès des femmes à la science en braquant les projecteurs sur des femmes de science exceptionnelles, mais aussi en soutenant des femmes chercheuses dans leur domaine, partout dans le monde. Nous combinons donc nos forces et nos réseaux pour encourager les femmes à se lancer dans une carrière scientifique», a expliqué Audrey Azoulay.

«Dans toutes nos activités, nous essayons d’intégrer systématiquement cette dimension de l’égalité des genres. C’est nécessaire en science, mais aussi pour nos instruments normatifs en science», a-t-elle souligné, en ajoutant que l’agence onusienne discute actuellement une recommandation de science ouverte. Car «la dimension de genre est cruciale» pour l’Unesco.

A noter qu’une autre recommandation est envisagée sur l’éthique de l’IA. «Ici aussi, la situation est problématique. Mais ce programme avec L’Oréal est un succès, et bon nombre de nos lauréates le confirment, pour encourager et également donner de l’espoir et donner aux jeunes femmes la motivation de se consacrer à la science», a-t-elle conclu.

Saluant la qualité des échanges et le profil des femmes de science ayant pris part à ce festival, le président de la Fondation L’Oréal, Jean Paul Agon, a, pour sa part, déclaré que les femmes peuvent changer le monde. «On dit souvent que le monde a besoin de science et que la science a besoin de femmes. C’est plus vrai que jamais».

Abondant dans le même sens que la DG de l’Unesco, il a également noté que «les femmes sont sous-représentées en science et c’est tout simplement inacceptable. Quelles bonnes raisons aurions-nous de sacrifier les femmes ou de nous en passer dans le monde de la science ? Les femmes doivent contribuer à la science où leur apport peut être énorme».

Sur les mesures à prendre à l’avenir, «la première, comme l’a dit Audrey Azoulay, consiste à mettre en lumière ces femmes de science parce que nous devons inspirer les nouvelles générations. Nous devons veiller à ce que les jeunes filles soient attirées par la science et aient la conviction d’être à la hauteur d’une carrière scientifique».

Autre mesure consiste à libérer le potentiel des femmes de science dans d’autres domaines, a-t-il poursuivi. Jean Paul Agon a estimé que «nous avons fait des progrès, grâce au formidable programme que l’Unesco et la Fondation L’Oréal mènent depuis 23 ans. Nous avons désigné 122 lauréates et distribué 3.800 bourses dans 110 pays».

Pour lui, «nous avons donc fait de grands progrès et renforcé la présence des femmes dans les sciences. C’est surtout vrai pour certaines disciplines scientifiques, comme la biomédecine et la biologie notamment. Mais il reste beaucoup de travail à accomplir dans d’autres disciplines, comme les mathématiques, la physique, les nanotechnologies et l’intelligence artificielle», estimant que toutes les disciplines sont vitales pour notre futur».

Alain Bouithy

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *