Est appelée tontine toute association de personnes qui versent de l’argent dans un fonds commun lequel, est reversé à tour de rôle à chacune d’elles.
Il s’agit là d’une institution qui, longtemps durant, a été pratiquée par les populations de l’aire bantoue. Ce type d’association est appelé Ki-teemo chez les Koòngo.
Le sociologue et koòngologue français Georges BALANDIER voit à travers le teemo, une sorte d’aménagement de relations pacifiques et commerciales entre éléments jusqu’alors antagonistes. C’était une manière de s’obliger réciproquement et de s’associer ; constituant selon lui, l’une des premières tentatives, peut être l’une des plus anciennes, faites pour rompre l’isolement des lignages et de donner aux relations avec l’extérieur un caractère autre qu’agressif ou occasionnel. (Balandier (G) in « Sociologie actuelle de l’Afrique noire. », changements sociaux chez les Bakongo du Congo P.U.F 2ième édition 1971. P.347.
Emile Cardinal BIAYENDA rapporte que :
« Le Kitemo, synonyme de « Nkulu » a désigné d’abord dans l’idiome ( la langue) du pays, des souches d’arbres durcies au soleil ; puis un genre de panier qu’on tressait avec une herbe appelée « Makaka ». Munis d’un couvercle, ces paniers servaient à garder des objets précieux. Par association d’idées, ce nom a par la suite désigné le nouveau système d’épargne et signifia : apport en retour. » (Biayenda (Abbé E.) in « Coutumes et développement chez les Bakongo du Congo Brazzaville » Thèse Lyon 1968 Deuxième partie P.36.
Cette définition que donne le Cardinal BIAYENDA est d’autant plus remarquable qu’elle permet aussi sur le plan de l’étymologie de mieux cerner la philosophie d’un teemo.
A dire vrai, l’expression Ki-teemo ou teemo dérive du verbe TA qui veut dire régler, parler, exprimer, manifester, trouver une réponse sous entendu aux problèmes qui se posent.
Vu sous cet angle l’objet d’un teemo paraît plus clair et va donc au-delà d’un simple versement de l’argent entre membres qui le composent pour le reverser à tour de rôle à chacun d’entre eux.
Ceci dit, l’objet d’un teemo consiste en un règlement des besoins divers et variés et plus ou moins immédiats des personnes qui en sont membres.
C’est pourquoi la signification du mot teemo exige qu’il soit associé à un autre terme à savoir : maàmbu
Maàmbu est un pluriel du mot diaàmbu qui veut dire différend, litige, affaire, problème, contentieux etc. Ainsi, de par son objet, le teemo aspire au règlement des affaires ou problèmes des membres qui le constituent.
En d’autres termes, l’expression « ki-teemo maàmbu » (sous une autre forme on dirait maàmbu mò ta mò) signifie du point de vue de son étude à la fois étymologique et sémantique, parler, traiter, régler les affaires et, plus extensivement résoudre les problèmes humains en leur apportant des solutions financières, économiques, fraternelles et affectives.
D’où la signification linguistique de l’expression « vuùka teemo », sous-entendu vuùka bantu, taà ou yidikaà maàmbu, c’est-à-dire, procéder à la constitution d’un groupe associatif (composé d’hommes et de femmes) à l’effet de les accompagner dans la gestion de leurs problèmes quotidiens.
C’est ainsi que le synonyme de teemo que rapporte Emile Cardinal BIAYENDA prend toute sa signification à savoir : le nkuùlu qui n’est autre qu’un dérivé du verbe kuùla qui veut dire grandir, germer, se développer, croître.
Autrement dit le teemo est chez les Koòngo, à la fois, sens et tradition consistant en un règlement à l’échelle associative des problèmes sociaux tout en aspirant avec force à l’harmonie des relations humaines et, somme toute, à la tranquillité et à la paix des personnes qui en sont membres.
En fait par principe, le teemo est une illustration de la science de NDU ou KU-NDU, qui a, entre autres, pour objet de rassembler des hommes et des femmes dans l’unique but d’une amélioration des conditions de leur existence.
Aspirant tous au bien être des uns et des autres, devenant ainsi des frères et sœurs bien aimés, c’est-à-dire des NDUKU par application du principe de Ki-yindula, les membres d’un ki-teemo véhiculent entre eux, le sens de l’amitié, de l’altérité et de l’amour fraternel. C’est dans cette optique qu’Emile Cardinal BIAYENDA relève à juste titre que :
« le kitemo favorise réellement l’épargne et procure à ceux qui le pratiquent des ressources sérieuses susceptibles de les mettre à l’abri des nécessités urgentes. Les adhérents relèvent presque tous d’un seul groupe ethnique…Des liens solides d’estime et d’amitié réciproques se créent entre les membres en même temps que chacun s’efforce de trouver sa quote-part durant l’intercession ; donc à travailler, à chercher à vendre pour se procurer l’argent. Chez les citadins ce système d’épargne qui est souvent de rythme mensuel leur permet d’améliorer notablement leur niveau de vie et de se procurer des biens que leur salaire ne leur permettait d’un seul coup. » (Biayenda deuxième partie P.35.)
Effectivement des liens solides d’estime et d’amitié réciproques se créent entre les membres d’un teemo si bien que ce qui les lie est, par principe fondé sur des valeurs sûres que sont : le respect d’autrui, l’engagement et celui de la parole donnée, la discipline, la volonté, le sens de la responsabilité et l’amour au sens propre du terme.
Enfin, l’organisation et le fonctionnement d’un teemo est assuré par un chef appelé ngudi teemo, c’est-à-dire la mère de cette institution. Elle est donc sous le signe, comme le relève à juste titre le koòngologue BALANDIER de la « féminité », qui est celui de la fécondité et la pacification.
Le ngudi teemo reste une pièce maîtresse dans la constitution et le fonctionnement du groupement. Ayant sous sa responsabilité les « Bana ba teemo », les enfants de teemo, de son sens de l’organisation dépend sérieusement la survie de celui-ci. C’est à ce titre qu’il doit être un fin juge et un conciliateur avéré dans les litiges ou conflits qui sont susceptibles de menacer la cohésion et l’harmonie de l’association.
La responsabilité de ngudi teemo est immense puisqu’il peut être amené, à titre personnel, à supporter les insuffisances des membres défaillants. Sa responsabilité est d’autant plus immense qu’il lui est reconnu toutefois la faculté d’infliger des amendes aux membres défaillants qui, par leurs actes, ont sérieusement porté atteinte à la tranquillité, l’harmonie et la paix au sein de l’institution.
On lui doit tellement pour la bonne marche de l’association que le membre qui touche, écrit le Cardinal BIAYENDA, le montant des versements lui remet une certaine somme. Il offre également une ou deux dames-jeannes de vin de palme aux membres du cercle.
Rudy MBEMBA alias TAÀTA N’DWENGA