LIBRES PROPOS. C’est le genre d’évènement que je n’aime pas vraiment commenter en raison de son caractère superfétatoire. Mais le mal dans la société congolaise est si profond que je me sens obligé de me faire violence.
Comme on le sait, nombreux sont les compatriotes au pays et dans la diaspora qui se disent choqués par l’attitude d’Israël Mutombo, «journaliste d’investigation» version RDC et patron de la chaîne Bosolo Na Politik. On lui reproche d’avoir adopté un ton condescendant et injurieux à l’endroit de ses collègues, mais aussi des personnes qui l’ont critiqué suite à ce qu’il convient d’appeler « l’affaire Martin Bakole ».
Petite parenthèse non sans intérêt avant de donner mon avis à ce sujet : je ne suis que très rarement les émissions congolaises — celles du pays comme celles de la diaspora. La raison en est que le niveau est généralement bas. On n’apprend pas grand-chose. En tout cas pour les esprits bien rodés. Fermons la parenthèse.
S’agissant d’Israël Mutombo, je dois avouer que je suis assez surpris par la réaction des Congolais à son encontre. Ce compatriote est à l’image de la société congolaise : il est médiocre. Mais en RDC — comme dans la diaspora congolaise d’ailleurs — où l’on ne sait plus distinguer le bien du mal, l’excellent du médiocre, il passe pour un «grand journaliste». Et lui-même se décrit comme un « journaliste d’investigation » pour une raison qui échappe aux règles même de l’investigation journalistique au sens premier du terme.
Dans des pays normaux, des gens comme Israël Mutombo sont de petits détails de la société. Ils ne peuvent même pas s’approcher de la table réservée à la caste des élites journalistiques. En effet, ce pays a connu mieux dans le domaine du journalisme et le compatriote, qui est en réalité un parvenu de la dernière heure comme on en voit aujourd’hui en RDC, ne peut s’asseoir à la même table que les Kibambi Shintwa de ce monde. Monsieur Mutombo, c’est bon pour la populace…
Mais en RDC, où disais-je, l’on ne sait plus distinguer le vrai du faux, le beau du laid, la lumière de l’obscurité, n’importe quel énergumène peut briller de mille feux parce que le niveau de la majorité est extrêmement bas. Les Congolais de la génération des années 1990, qui ont plus ou moins 30 ans, n’ont rien connu d’autre que la médiocrité. Pire, leurs aînés, ceux-là mêmes qui ont eu à flirter un temps avec l’excellence des années Mobutu (1965-1989), ont succombé à cette médiocrité. Résultat : la médiocrité [et ses corollaires] s’est métastasée dans toute la société congolaise au point d’engloutir, sans coup férir, l’intelligence et la raison dans l’abîme de la dépravation.
On banalise et on prend des arrangements avec le mal; et comble de la bêtise, on fait passer un comique en soutane pour le plus illuminé des journalistes.
À y regarder de très près, Israël Mutumbo, ce « laborantin bras cassé recyclé dans la profession par effraction et de surcroît prébendier invétéré », pour reprendre une formule de l’aîné Charles Dimandja-Wembi, n’y est pour rien. Il n’est que le reflet d’une société malade de ses propres filles et fils. Une société perdue, sans modèle ni répère qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Une société, c’est comme la plus belle femme du quartier. Elle ne peut donner que ce qu’elle a, dit-on. Or en RDC et même dans une grande partie de la diaspora congolaise, les gens ont une perception tordue du beau et de l’excellence. Leur imaginaire a été façonné par trois décennies de médiocrité ambiante.
Israël Mutombo n’est pas différent de la majorité des Congolais. Comme la plupart de ses compatriotes, il est l’illustration parfaite de cette RDC de la déchéance morale, culturelle, intellectuelle et spirituelle dans laquelle baignent des millions de Congolais. Pour dire les choses très clairement, il n’est rien de moins que l’incarnation d’un mal congolais qui ne dit pas son nom…
Par Patrick Mbeko