
TRIBUNE. Ces derniers jours, les FARDC et les Wazalendo ont lancé plusieurs offensives simultanées contre le M23 sur plusieurs fronts au Sud-Kivu. Sur les réseaux sociaux, les soutiens du régime et de Félix Tshisekedi exultent. Personnellement, j’étais un peu surpris en apprenant la nouvelle. Pourquoi les FARDC attaquent-elles les positions du M23, alors que des efforts diplomatiques sont entrepris au niveau continental et international pour mettre fin à cette guerre injuste imposée à la RDC par le Rwanda et ses supplétifs ? Quel intérêt la RDC a-t-elle à relancer les hostilités alors que le rapport de force sur le terrain ne lui est pas favorable ?
Des deux choses l’une : soit les responsables politiques et militaires congolais sont inconscients ou trop sûrs d’eux, soit ils n’ont aucun contrôle sur les milices Wazalendo qui attaquent les positions du M23. Dans tous les cas, ils font le jeu du Rwanda et du M23. Pourquoi?
Tout simplement parce que le Rwanda et ses domestiques du M23, contrairement à leurs déclarations, ne sont pas vraiment disposés à négocier. En position de force, ils ont été obligés de stopper leur avancée et de se retirer de Walikale à la demande des États-Unis, qui ne veulent pas que leur présence dans cette localité perturbe les activités de la minière canado-américaine Alphamine. Freinés dans leur élan, ils ont donc besoin d’un prétexte pour rompre le cessez-le-feu et reprendre les hostilités afin d’étendre leur aire d’influence. Le développement des derniers jours à Kabare et Walungu semble accréditer cette hypothèse.
En effet, quand on analyse les derniers communiqués du M23, qui accuse la coalition FARDC/Wazalendo de violer le cessez-le-feu et de s’en prendre aux civils, tout en donnant l’impression d’être sur la défensive, on ne peut s’empêcher d’y voir une tactique de distraction, pour ne pas dire de la manipulation tout court. D’ailleurs, ce dimanche, le porte-parole des FARDC, le général Sylvain Ekenge, a démenti les accusations proférées par le M23, soulignant que l’armée congolaise est en position défensive à Walikale et est établie à des centaines de kilomètres de Bukavu, dans les territoires de Mwenga, Uvira, Fizi et shabunda.
Selon le général Ekenge, on a affaire à un « scénario monté » par l’AFC/M23 pour « camoufler les tueries de civils à Goma, manipuler l’opinion publique et compromettre les efforts de paix en cours ». On peut même se demander si le M23 n’a-t-il pas « piégé » la coalition FARDC/Wazalendo en les provoquant de sorte à les obliger à rompre le cessez-le-feu dans les zones où se déroulent présentement les combats ? Le pari est risqué, d’autant que la coalition semble déterminée à en découdre…
Ce qui est aussi certain, c’est que la tactique de l’AFC/M23, qui combine le «talk and fight» et la manipulation de l’adversaire et de l’opinion, a été à l’œuvre au Rwanda durant la conquête du pouvoir par Kagame; elle a également été à l’œuvre juste avant la première guerre du Congo en 1996. À l’époque, Paul Kagame, profitant des incursions menées par les Ex-FAR et les Interahamwe au Rwanda, avait entrepris de massacrer les populations rwandaises habitant la zone frontalière avec le Zaïre, tout en accusant les ex-FAR d’en être responsables. C’était la seule façon pour lui de justifier le fameux «droit de poursuite» sur lequel son régime pérorait depuis que l’opération turquoise l’en avait empêché. On connaît la suite.
Dans son fameux « L’art de la guerre », le légendaire stratège chinois Sun Tzu écrit : « Celui qui sait quand il peut combattre et quand il ne peut pas, celui-là sera victorieux ». Autrement dit, il faut savoir déterminer le temps de l’action et de l’engagement. Mieux, nous enseigne Sun Tzu, il est important de connaître son ennemi et se connaître soi-même. Car, souligne-t-il, « si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites. »
Des conseils gratuits auxquels les responsables militaires, Félix Tshisekedi et ses militants devraient accorder une attention particulière.
Je bois mon lait nsambarisé…
Par Patrick Mbéko