Il était l’homme de la « Polka Piké », inoubliable danse bantoue qui s’inspire des références et influences Kongos. Plus qu’un chanteur ou guitariste, Manuel Mayungu s’était inscrit, de son vivant déjà, dans le patrimoine congolais.
Pour tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître ou de l’admirer sur scène, tous sont en mesure de fredonner l’un de ses tubes des années 50 aux éditions Ngoma : « Basi banso tapale », « Chérie Bondowe », »Elongi ya chérie » évidemment, ou « Mwasi kitoko kulala na nkuala », pour n’en citer que quatre.
Retour sur la vie d’un monstre sacré, à l’œuvre foisonnant, qui avec son groupe « San Salvador » a fortement marqué l’histoire de la musique congolaise moderne.
Né en 1915 à San Salvador (Mbanza Kongo) au nord de l’Angola et mort le 12 janvier 1988 à Luanda, dans la capitale angolaise Manuel Mayungu d’Oliveira est l’un des plus célèbres auteurs de la musique congolaise des années 50 et 60.
En 1921, alors que le jeune Manuel n’avait que six ans, ses parents s’installent à Matadi (Congo Belge) où très tôt Manuel Mayungu se spécialise en menuiserie après avoir enchainé des petits boulots au port de Matadi. Plusieurs années après c’est la musique qui l’attire.
Il découvre la guitare à 22 ans, et pour ses premiers pas c’est auprès d’un maître-guitariste belge, puis auprès des guitaristes « coast-men » (matelots ouest-africains en escale au port de Matadi) qu’il acquiert un solide bagage théorique et pratique, grâce à laquelle il développe son doigté guitaristique.
A partir de l’année 1937, Manuel d’Oliveira fréquente les jeunes originaires d’Angola passionnés de la musique comme lui, et se produisent en public. Il connait désormais une bienveillante audience et une réputation flatteuse à travers les milieux musicaux de Matadi et de Boma.
1944 – Création du groupe « San Salvador »
Excellent musicien, Manuel Mayungu d’Oliveira parvient à fonder en 1944 à Matadi son propre groupe musical qu’il nomme, « San-Salvador » (Mbanza Kongo) en souvenir de la capitale du Royaume du Kongo qui portait ce nom. (Lequel royaume regroupait les deux Congo et l’Angola)
Le groupe « San Salvador » était constitué par le quatuor Edouard Bila, Henri Freitas, Georges Edouard Dula et le chef du groupe Manuel Mayungu d’Oliveira. Tous ont particulièrement appris à jouer la guitare auprès des musiciens ouest-africains qui exerçaient le métier de « krou-boy » (matelots) dans les navires accostant à Matadi et à Luanda. C’est ainsi qu’ils sont parvenus à maitriser la technique de jouer la « Polka piqué », rythme qui en dehors de la Rumba, était la spécialité du groupe.
1947 – Le Groupe « San Salvador » s’installe à Léopoldville (Kinshasa)
Pour développer le savoir faire du groupe, Léopoldville la capitale demeure le lieu privilégier. Il approfondit l’apprentissage de la langue « Lingala », se produit tôt dans les bars et cabarets, où il rencontre ses premiers grands succès et surtout une préparation de l’accès au studio d’enregistrement.
1948 – Adhésion de Manuel D’Oliveira et son groupe San Salvador aux éditions « Ngoma »
En 1948, Manuel D’Oliveira accède au studio musical « Ngoma » de l’éditeur grec Nico Jeronimidis. Ses premières chansons en kikongo, en lingala et en portugais sont absolument remarquables. Comme : « Umbanzanga moyo », « No me digas no », « Yoka biso ban ‘Angola », « Maria Tchebo », « Mwasi kitoko kolala na nkuala », « Elongi ya chérie lokola mwinda », « Chérie Bondowe »… qui évoquent souvent la beauté de la femme congolaise. Dans certaines de leurs chansons la présence de l’organiste belge des éditions Ngoma ; Gilbert Warnant au Solovox est très marquante. Chef du groupe, et membre influent des éditions Ngoma, Manuel Mayungu D’Oliveira va composer sans relâche et obtient une large audience auprès du public.
Enfin, Manuel Mayungu d’Oliveira, c’est près de 44 ans de carrière, plus d’une centaine de chansons interprétées et enregistrées, des dizaines de succès populaires… Parmi eux nous en avons sélectionné 38 entre 1948/1952 aux éditions « Ngoma » qui ont contribué à faire du guitariste-chanteur un mythe, une figure de l’histoire de la musique congolaise :
110-« Muasi kitoko akolala na nkuala » / »Maria Tchebo »-111–« Basi banso tapale »/ »Mama abuti biso »-112–« Na Angola basi bazali mingi »/ »Ticketébungi »-113-« Meno nluta kwame »/ »Avo se mokema ya ndumba »-114-« Mbula ya sala kwame »/ »Umbanzanga » 115 -« Ozola yela »/ »Ndumba yadisompa kwame »116-« Omambu yavangwa »/ »Okuntadilanga ne kunzeyeko » 117–« Elisa muasi kitoko moyibi »/ »Basi na Kinshasa botiaki tembe » – 118 -« Mbamba solo olingi naboma »/ »Elongi ya chérie lokola mwinda »119-« Bana Boma »/ »Kifunga ntumbu ya mulenda » 131-« Bino banso yaka toyemba »/ »Obango Filomèhe » -132 « Edumbanga yabondela » / »Mono kwenda kwame nkwenda kwame » – 212-« Yo mobali ya tembe »/ » Ata nasali yo boni » 213-« Otoko mpene eblondia »/ » Omono i djoko » – 214-« Nutul’omwiwi« ; « Mu Léo kwenda » 241-« Biguini, biguini »/ » Ayi olele » 379–« Djibola Ngoma »/ » Gabi-Gabi eyamba » 380-« Djole nwaba »/ » Ngai na boyi » 1095-« Tin Tin »/« Boni boni muana oyo ».
1984 – Manuel D’Oliveira – Retour au pays natal : l’Angola
Manuel d’Oliveira qui éprouve une certaine nostalgie depuis l’accession à l’indépendance en 1975 de son pays l’Angola, décide d’aller passer ses vieux jours à Luanda. Il est accueilli avec beaucoup de dignité par les autorités angolaises qui le décore en 1987 de la médaille du mérite angolais pour avoir honoré plusieurs années durant la culture traditionnelle « Kongo » de Mbanza Kongo, (San Salvador ) voire de toute l’Angola durant son exil de 63 ans au Congo-Belge et en République Démocratique du Congo. Une de ses chansons célèbres exprime ce long exil : « Ticket ebunga » (perte du de retour).
Manuaku Pépé Felly (guitariste-solo), petit-fils de Manuel d’Oliveira.
Le célébrissime guitariste-solo Manuaku Pépé Felly n’a pas seulement hérité du talent de son grand-père, mais tout au long de sa carrière a enchainé des œuvres à succès, les uns derrière les autres. Il a véritablement l’ADN de la scène et il lui revient tout droit de son grand père Manuel d’Oliveira.
Manuel Mayungu d’Oliveira s’en est allé le 12 janvier 1988, après une mort suspecte dont on a attribué à un poison. Il est mort à Luanda en Angola, sans avoir connu les honneurs qu’auraient pu lui réserver ses nombreux fans de Kinshasa et de Brazzaville.
Clément Ossinondé