Edo Ganga un artiste populaire connu à travers le monde et aimé de millions de fans de toutes générations, ses centaines de chansons composées, aux dizaines d’albums vendus dans le monde entier, est curieusement oublié par les ordres nationaux du mérite de son pays. N’est ce pas le moment qu’il faut pour lui accorder des marques symboliques d’honneur et d’estime en reconnaissance de services rendus à la culture congolaise ?
Sur qui compter, au bout d’une si satisfaisante carrière, pour que l’œuvre de cette icône reçoive bientôt et de son vivant un incroyable honneur?
A 85 ans (le 27 octobre 2018) et écartant toute idée de retraite, Edo continue à chanter momentanément avec son orchestre « Les Bantous de capitale » qui totalisera 60 ans le 15 Août 2019.
La famille musicale congolaise sur les deux rives du fleuve Congo aimerait fêter cette année, avec beaucoup d’éclat les 85 ans de l’inamovible chanteur Edo Ganga, l’un des meilleurs de la musique congolaise de tous les temps… Edo le mérite bien amplement, pour avoir animé avec beaucoup de brio plusieurs organisations culturelles et syndicales de son pays (chef de quartier « Mpiéré-Mpiéré » à l’arrondissement 7 Mfilou – Brazzaville).
Edouard Ganga « Edo », un géant de la rumba venu du Negro Jazz de Brazzaville
Le grand « Edo » est bien ce chanteur ténor d’une originalité exceptionnelle, qui est parvenu à créer un univers extraordinairement lyrique, où comme dans les grandes œuvres superbement structurées se sont mêlés avec beaucoup d’harmonies des arrangements constamment inspirés.
Dans sa recherche un peu folle d’une musique universelle et d’un art qui parle à tous. Edo avait intégré à son chant les musiques populaires qui lui semblaient le mieux opérer au premier degré : celles qui font danser. Ses chefs d’œuvres enregistrées aux éditions Loningisa entre 1956-1958 sont aujourd’hui des véritables classiques.
Edo Ganga Successeur de Lando « Rossignol » dans l’OK Jazz
Dès sa présence dans l’OK Jazz le 27 Décembre 1956, Edo Ganga s’est attiré une réputation de chanteur de charme, par son élégante tenue sur scène et surtout par son timbre vocal, qui se révèle d’une grande ferveur pour le successeur de Philippe Lando « Rossignol » qui depuis la création de l’OK Jazz, le 6 Juin 1956 a chanté en duo avec Vicky Longomba.
Qui est Ganga Edo ?
Né sous le signe du scorpion, le 27 octobre 1933 à Léopoldville (alors Congo Belge), il fait des brillantes études à la célèbre école professionnelle de Brazzaville (aujourd’hui Lycée du 1er Mai) où il en sort en 1953 avec un CAP de menuiserie industrielle.
Edo, il faut le noter côtoyait déjà à cette époque des grands musiciens kinois dont il en était fervent admirateur, notamment Joseph Kabaselle. En effet, Edo qui savait si bien jouer à la percussion, va participer comme percussionniste à l’enregistrement en 1953 au studio Opika de la célèbre chanson « Para Fifi ». Un concours de circonstance, car Antoine Kaya « De Puissant » percussionniste titulaire était absent.
En 1954, Edo Ganga rentre dans le monde du travail, comme dessinateur-traceur dans une industrie de bois au port de Mpila. à Brazzaville. Parallèlement, il donne le meilleur de lui-même dans la pratique du Football au Racing Club de Brazzaville sous la licence de la FIFA. Mais, c’est en musique qu’Edo Ganga manifeste le plus grand goût. Il s’essaie déjà à la composition et se confirme à la chanson dans laquelle on retiendra surtout le lyrisme chaleureux et plein d’élégance.
1954 – Année des grands enjeux – Naissance du Negro Jazz.
L’année 1954 est très déterminante et riche en évènements. Edo manifeste peu d’enthousiasme pour son premier emploi industriel, au point où il le quitte pour accepter un travail de bureau à la Société pétrolière SHELL de Brazzaville. C’est à ce moment qu’il rencontre les guitaristes Joseph Kaba et Nino Malapet (qui n’embauche pas encore le saxo).
Une rencontre extrêmement fructueuse, car les trois musiciens plus le chanteur Bienvenu Beniamino (journaliste) vont effectuer le déplacement aux éditions Ngoma à Léopoldville (Kinshasa) pour l’enregistrement de deux disques sous l’appellation d’Atomic Jazz, dont les chansons «Vivita» d’Edo Ganga, « Wapi Gigi » et « Atomic Jazz » de Nino Malapet et « Vergina mabé » de Joseph Kaba obtiennent un succès mérité.
Cette petite formation a constitué en son temps, l’embryon de l’orchestre Negro Jazz de Brazzaville qui voit le jour dans la même année. C’est-à-dire en 1954 au dancing-bar « Chez Faignond ».
La navette Brazzaville – Kinshasa.
Toujours en 1954, et après avoir démissionné de la société SHELL, Edo partage désormais son activité entre Léopoldville où il a obtenu un nouvel emploi à la société Métallo, et Brazzaville où il occupe une place éminente dans l’orchestre Negro Jazz qui en Janvier 1955 – sous la houlette du musicien et impresario Henri Bowane – quitte Brazzaville pour s’installer à Kinshasa où il a l’occasion de perpétuer sa forme de musique que nombre de mélomanes kinois aimaient déjà profondément.
L’Orchestre Negro Jazz s’impose à Kinshasa.
Depuis lors le Negro Jazz s’est imposé à Kinshasa où sa renommée est devenue grande et sa musique riche en intensité rythmique. Ce qui lui vaudra un contrat de production avec Samuel Ebongue, propriétaire camerounais du mythique bar-dancing kinois « Air France ».
A cette satisfaction pour Edo Ganga de voir le Negro Jazz installé à Kinshasa, s’ajoute celle d’un autre emploi obtenu à Sarma Congo Kinshasa au détriment de la Société Métallo. En fait, Edo Ganga est parvenu depuis 1953 à évoluer cumulativement dans les entreprises commerciales et dans la musique d’orchestre.
Dissolution du Negro Jazz – OK Jazz Nouvelle formule.
Au cours du deuxième semestre 1956, le Negro Jazz – qui a perdu Essous depuis 1955 au profit des éditions Loningisa, puis l’OK jazz – se disloque sous la direction de Guy Léon Fylla. Edo Ganga, Célestin Kouka, Nino Malapet et autres retournent à Brazzaville.
Le 27 décembre 1956, Essous, Pandi, Lando « Rossignol », claquent la porte à l’OK Jazz, pour rejoindre Henri Bowane aux éditions Esengo et former en Janvier 1957, l’orchestre Rock-A-Mambo. Le vide laissé par eux oblige le producteur grec de l’OK Jazz aux éditions Loningisa, (Papadimitriou) de faire appel à Edo Ganga, Célestin Kouka et Nino Malapet, pour renflouer la formation de l’OK Jazz qui présente sa nouvelle formation au cours du mémorable concert du 31 Décembre 1956 à Kinshasa.
Dans l’OK Jazz, Edo qui a la lourde responsabilité de remplacer le grand ténor Philippe Lando « Rossignol » formera fort heureusement avec Vicky Longomba, le meilleur duo chant de l’histoire de l’OK Jazz. Edo dont le style est d’une irréprochable clarté et d’une rare élégance se démarquera dans le célèbre chef d’œuvre « Aimée wa bolingo ».
En tout cas, l’essentiel de l’art de composer et de chanter d’Edo GANGA sera très grande entre 1957 et 1959, période qui désigne des compositions construites avec des lignes mélodiques étonnantes de mobilité.
L’Avènement de l’Orchestre Bantous – Retour dans l’OK Jazz.
Avril 1959, quatre ans après une carrière bien méritée au sein de l’OK Jazz, Edo GANGA retourne au bercail et avec lui les anciens musiciens du Rock-A-Mambo et de l’OK Jazz originaires du Congo-Brazzaville, pour former le 15 Août 1959, au bar-dancing « Chez Faignond », l’Orchestre Bantous.
Chantant en duo avec Célestin Kouka, tous les deux anciens de l’OK Jazz, Edo Ganga tient à une réelle volonté de recherche et de dépassement dans sa brillante discographie aux éditions Ndombe en 1961
Il faut attendre le 11 Août 1962, pour voir Edo Ganga et Daniel Loubelo « De la Lune » réintégrer l’OK Jazz. Une réintégration qui ne durera que deux ans, car en 1964, suite à l’expulsion des ressortissants du Congo Brazzaville, par Moïse Tchombe, premier ministre du Congo-Kinshasa, Edo et « De la Lune » sont de nouveau à Brazzaville.
Loubélo « De la Lune » crée l’orchestre Tembo, tandis qu’Edo rejoint Les Bantous de la capitale, où désormais il recherche dans ses œuvres des principes originaux, dont la virtuosité vocale est l’élément dominant.
Orchestres Les Nzoys et le Peuple (du Trio CEPAKOS)
Nonobstant l’instabilité manifeste, observée entre 1972 et 1999 en évoluant successivement dans les orchestres « Les Nzoys » et « Le Peuple », Edo a réintégrer Les Bantous de la capitale en 2006, à la suite de la grande réconciliation obtenue par Maitre Martin Mbemba, laquelle a permis à l’orchestre de redoré son blason.
A 79 ans d’âge et 58 ans de carrière musicale, Edo Ganga est demeuré toujours, une valeur sûre de la musique congolaise. Très dynamique, sa contribution à l’épanouissement de plusieurs organisations socio-culturelles, comme l’UNEAC (Union Nationale des Ecrivains et des artistes Congolais), l’U.M.C. (Union des Musiciens Congolais) et le CESYCA (Syndicat des artistes congolais) a longtemps été d’une efficacité extraordinaire.
Edo Ganga est actuellement, le dernier co-fondateur brazzavillois de l’orchestre Bantous, sur le nombre de six qu’ils étaient en 1959 (Essous, Malapet, Loubélo, Pandi, Kouka et Ganga). Dicky Nicolas Baroza est le dernier Kinois co-fondateur encore en vie.
Clément Ossinondé