RETRO. Août 2011. Les négociations entre la Libye et l’OTAN semblent avancer, après un moment de tâtonnement. Pour la toute première fois, le départ du colonel Mouammar Kadhafi est évoqué par son propre camp et ne fait plus l’objet d’un doute. Le Guide quitterait non seulement le pouvoir, mais aussi le pays. Le président sud-africain Jacob Zuma aurait accepté d’accueillir le dirigeant libyen ainsi que sa famille, me confirma une source impliquée dans les négociations.
Fin août 2020, l’épouse du Guide, Safia, sa fille Aïcha et ses fils Hannibal et Mohamed quittent la Libye pour l’Algérie. Une semaine plus tard, un convoi d’une dizaine de véhicules dans lequel se trouvent de hauts responsables du régime et un fils du Guide, Saadi, traverse la frontière du Niger, sous escorte de l’armée nigérienne. Restent le colonel et ses deux fils, Mouatassim et Saïf al-Islam, qui sont toujours en Libye.
Courant octobre, un premier groupe d’une dizaine de mercenaires étrangers embauchés par une firme britannique non identifiée débarque en Libye, via Dubaï et Le Caire avec pour mission d’exfiltrer le colonel Kadhafi et ses proches du pays via le Niger. Ils sont rejoints peu de temps après par un autre groupe de dix-neuf mercenaires sud-africains blancs recrutés par une responsable de la même firme britannique résidant au Kenya. L’OTAN a donné son feu vert. Selon une source sud-africaine, le dernier contact entre le Guide libyen et l’Alliance a lieu quelques heures seulement avant le départ du dirigeant libyen. « Ils lui ont dit “vous pouvez vous en allez” » assure la source. Des avions sont positionnés à Johannesburg et à Sharjah, aux Émirats, pour aller chercher les mercenaires et leur « colis » libyen dès que la situation le permettra.
Mais lorsque le convoi dans lequel se trouve le colonel Kadhafi, hissant le drapeau blanc de la trêve et de la capitulation, tente de quitter Syrte, au matin du 20 octobre, il est attaqué par un drone Predator et un Mirage 2000-D de l’OTAN. L’intention de tuer le dirigeant libyen et ses proches ne fait aucun doute. Kadhafi et une poignée de fidèles sortent miraculeusement indemnes de la frappe aérienne. Mais ils ne sont pas au bout de leur peine. Assiégés à coups de mitrailleuses et de mortiers, ils sont obligés de se réfugier dans deux maisons, abrités derrière des murs en béton. Avec un groupe de douze combattants, Mouatassim, blessé, décide d’aller faire du repérage pour tirer son père épuisé de ce mauvais pas. « Je vais essayer de vous sortir de là », lance-t-il à celui-ci. Ils ne se reverront plus. Le général Mansour Dhao, le chef de sécurité de Kadhafi, propose à son tour d’atteindre une ferme située à une centaine de mètres de l’autre côté de la route, en passant par un conduit souterrain d’irrigation.
Avec sept gardes du corps, Kadhafi, Dhao et le ministre de la Défense Abou Bakr Younès Jaber ainsi que les deux fils de ce dernier tentent de gagner l’autre rive au pas de course, en passant par le gros tuyau de drainage agricole. Mais arrivés de l’autre côté, ils sont repérés presque immédiatement par les miliciens. Un des gardes du corps du Guide tente de les repousser en lançant plusieurs grenades, mais l’une d’elles rebondit sur un mur en béton et retombe au milieu du groupe et explose, blessant mortellement Abou Bakr Younès. Criblé d’éclats, Mansour Dhao perd connaissance tandis que Mouammar Kadhafi est blessé sur le côté gauche de la tête et saigne abondamment. Les miliciens de la katiba Tiger l’extirpent de sa cache, surpris de le trouver là, et se mettent à le lyncher.
Les images du Guide libyen se faisant passer à tabac par les domestiques de l’OTAN, ensanglanté et plus tard exposé dans une chambre froide de Misrata comme un chien galeux, font le tour du monde. Le corps dénudé et sans vie du Guide déchu est fièrement exhibé dans les médias occidentaux comme un trophée. À ses côté, le corps de Mouatassim qui a lui aussi été capturé et tué comme son père.
On apprit par la suite que le colonel Kadhafi avait été trahi puis « vendu » à l’OTAN par la firme britannique qui avait recruté les mercenaires censés le sortir de sa ville natale. Cette firme jouait en réalité le rôle d’agent double.
Depuis la mort du colonel Kadhafi, la Libye démocratisée par les bombes de l’OTAN vit dans l’anarchie, pour ne pas dire le chaos.
Par Patrick Mbeko