En maximisant les recettes tirées des ressources naturelles, les pays africains pourraient engranger d’importants bénéfices sur le plan des finances publiques et de l’environnement

Dans un contexte de transition énergétique et de hausse de la demande de métaux et de minéraux, les pays d’Afrique subsaharienne pourraient mieux tirer parti de leur richesse en ressources naturelles pour financer leurs programmes publics, diversifier leur économie et élargir l’accès à l’énergie.

Africa’s Resource Future, le nouveau rapport de la Banque mondiale publié aujourd’hui, révèle que les pays africains n’engrangent en moyenne que 40 % environ des recettes qu’ils pourraient potentiellement tirer de leurs ressources naturelles. En d’autres termes, alors que ces pays sont plombés par une croissance atone et une dette élevée, les gouvernements pourraient plus que doubler les recettes tirées des minerais, du pétrole ou du gaz en adoptant de meilleures politiques, en mettant en œuvre des réformes, en investissant pour améliorer l’administration des finances publiques et en favorisant une bonne gouvernance.

Par ailleurs, il est essentiel de mieux taxer l’exploitation des ressources naturelles pour faire supporter aux producteurs le coût total de leur impact environnemental et social, y compris pour l’extraction pétrolière. L’absence d’une telle taxation peut constituer une subvention implicite à la production et accroît donc les émissions de carbone.

« Maximiser les recettes publiques sous forme de redevances et d’impôts payés par les industries extractives privées, tout en attirant de nouveaux investissements, permettrait d’augmenter la marge de manœuvre budgétaire et de supprimer les subventions implicites à la production, avec à la clé un double dividende pour les populations et la planète », explique James Cust, économiste senior au sein de la Région Afrique de la Banque mondiale et codirecteur de la publication. La perspective d’une augmentation des recettes est particulièrement bienvenue dans des pays qui sont dans l’incapacité de réaliser des investissements de développement pourtant indispensables, en raison du coût élevé des emprunts et du service de la dette.

La transition mondiale vers l’abandon des combustibles fossiles crée une demande sans précédent pour différents métaux et minéraux comme le cobalt, le lithium, le cuivre, le nickel et les terres rares, nécessaires au déploiement des technologies vertes que sont les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries. Et si beaucoup de ces matières premières se trouvent en abondance en Afrique, l’expérience montre que la richesse en ressources naturelles ne se traduit pas automatiquement par une croissance et une prospérité inclusives.

Les minéraux, le pétrole et le gaz représentent au moins un tiers des exportations de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, mais ces derniers ont eu du mal par le passé à convertir cette richesse en croissance durable. La dépendance de la région aux cours mondiaux des matières premières a conduit à une gestion inadaptée des ressources publiques lorsque les prix sont élevés, et à des crises économiques et budgétaires quand ceux-ci chutent. Les pays riches en ressources ont globalement moins bien résisté aux chocs économiques que ceux qui en possèdent moins, ce qui rappelle les risques de la « malédiction des ressources ». Le ralentissement de la croissance dans certains pays dotés d’abondantes ressources naturelles a également été corrélé à des progrès insuffisants dans la réduction de la pauvreté. 

Le nouveau rapport sur l’avenir des ressources en Afrique fournit aux décideurs politiques des recommandations pratiques pour conjurer cette « malédiction ». Outre la nécessité de capter l’intégralité de la valeur des rentes tirées des ressources tout en continuant à attirer les investissements du secteur privé, les gouvernements devraient se préparer à la prochaine chute des prix des matières premières en investissant ces recettes dans le capital productif, c’est-à-dire dans la santé et l’éducation et dans les infrastructures qui sont à la base d’une économie plus diversifiée et résiliente.

Parmi les autres recommandations, le rapport souligne les opportunités liées à la mise en œuvre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui prévoit l’élimination progressive de 90 % des droits de douane au cours des cinq à dix prochaines années. Il serait également utile de stimuler l’intégration régionale et d’harmoniser les taxes et redevances minières dans l’ensemble de la région.

« Une approche régionale des industries extractives permettrait de constituer des chaînes de valeur qui, au-delà de la seule extraction, créeraient plus de richesses et d’emplois pour les habitants des pays disposant de ressources abondantes, souligne Albert Zeufack, directeur des opérations de la Banque mondiale pour l’Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe, et codirecteur de la publication. À cet égard, la ZLECAf et une plus grande intégration commerciale et économique régionale offrent une occasion sans précédent de développer la chaîne de valeur, de la mine au marché, sur le continent. En effet, le développement axé sur les ressources sera facilité par un meilleur accès à des marchés plus importants et par la capacité de mettre en commun les ressources, les compétences et les avantages compétitifs. »  

Pour parvenir à une transition juste pour l’Afrique, et pour le monde entier, les pays de la région devront réussir à tirer équitablement parti des retombées économiques associées à l’exploitation des ressources naturelles. Assurer une bonne gouvernance et une gestion macrobudgétaire saine des recettes tirées de ces ressources, tout en se préparant à un avenir sobre en carbone : ces enjeux sont au cœur de la transition et doivent jouer un rôle central dans la transformation économique de l’Afrique.

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