
TRIBUNE. La révolte est un sentiment d’indignation et de réprobation face à une situation donnée. La révolte est aussi, dans un sens plus précis, le refus actif d’obéir à une autorité. Elle correspond donc à une large gamme de comportements : non-respect des normes sociales établies, désobéissance, grèves, tentatives d’insurrection, mutineries, rébellions…
La révolte a pour objectif de réduire une inégalité sociale, économique, politique, religieuse, nationale en obtenant de nouveaux droits ou des nouvelles normes sociétales. Elle se fait dans une perspective réformiste, la révolte a un objectif révolutionnaire et cherche à promouvoir de nouveaux dirigeants, mieux à même de représenter le groupe en révolte.
La révolte de Mai 1968 reste le plus important mouvement social de l’Histoire de la France. Enclenchée par une révolte de la jeunesse étudiante parisienne, puis gagnant le monde ouvrier et pratiquement toutes les catégories de la population sur l’ensemble du territoire, elle avait été un accélérateur formidable des mœurs, des normes sociales, des us et des coutumes en France et même au-delà.
Tous les jeunes dont le futur est contrarié ne peuvent avoir de salut que dans la remise en cause du système établit ; la jeunesse doit être aux avant-postes de toutes les revendications pour mettre à mal « les conservatismes » des aînés (car passer un certain âge tout individu devient plus ou moins conservateur).
En Palestine, dans les Territoires occupées, ce sont les jeunes qui sont aux avant-postes de la lutte. Inlassablement, les jeunes palestiniens se révoltent et se battent avec pour seules armes des cailloux contre la puissante armée israélienne : c’est l’Intifada ou la guerre des cailloux. Les jeunes palestiniens sont conscients qu’ils ont beaucoup à perdre dans le statut quo et tout à gagner dans le changement.
La jeunesse irakienne, qui a subi des guerres terribles, ouverte comme elle le peut sur le monde, riche de sa culture ancestrale, se fatigue de voir ses espoirs étouffés par l’obscurantisme. Plus de 50 ans après la guerre Iran-Irak et après avoir été écrasé par l’armée américaine, la jeunesse irakienne se bat vaillamment pour ses droits fondamentaux.
En Tunisie, au Liban, au Soudan, au Burkina et partout dans le monde, avec ou sans leaders, les jeunes sont aux avant-postes de toutes les luttes. Car, le statu quo n’est jamais en leur faveur, chaque génération a le droit et le devoir de se trouver des leaders nouveaux et surtout d’accomplir sa mission disait l’autre pour vivre dans un environnement en phase avec leurs aspirations.
Quant à la jeunesse Congolaise, gangrenée par l’oisiveté, elle attend on ne sait trop quoi pour se faire une place au soleil. La seule ambition de la jeunesse congolaise est de remplacer leurs aînés pour faire aussi mal qu’eux.
Le traumatisme des guerres récentes, les allers-retours de certains leaders politiques entre la majorité et l’opposition, puis la militarisation excessive du pays ont quasiment éteint tout désir ou toute envie de vivre mieux que leurs aînés. La passivité indécente de cette jeunesse réduite à la mendicité ou à la débrouillardise de la plus petite enfance jusqu’à l’âge adulte est désespérante.
Les raisons de cette passivité sont à rechercher assurément dans le quotidien des Congolais qui ont beaucoup de peine à exister, dans l’éducation surement et aussi dans la résignation des adultes (il n’y a pas meilleure école que l’exemple). Comment alors construire un Congo prospère dans ces conditions ?
Les pays stagnants sont le produit de peuples stagnants, d’où émergent très logiquement des dirigeants médiocres. Année après année, les autorités actuelles ont réussi à faire des Congolais le peuple le plus médiocre d’Afrique. Un ami ouest-africain me demandait récemment comment les congolais peuvent être aussi passif alors que leur pays s’enfonce dans l’abîme. En clair, comment fait-on pour mourir de faim quand on a un frigo rempli de victuailles à portée de main.
Au Congo Brazzaville, l’école qui devrait éduquer et conscientiser les jeunes pour en faire des citoyens est une machine à fabriquer du rebut social, des « inadaptés » qui attendent leur tour pour être pistonnés et se fondre dans les méandres d’un système sclérosé où le mérite et la compétence ne veulent pas dire grand-chose.
Les intellectuels, les diplômés et les sommités qui sont en postes depuis des décennies n’arrivent pas à répondre aux attentes des populations, le pays se dégrade chaque année un peu plus. L’année prochaine sera pire que cette année, c’est la seule certitude que tous les Congolais ont en commun.
A l’heure de la mondialisation hurlante et triomphante, on est en droit de se demander si les jeunes congolais ont les mêmes rêves que les jeunes des autres pays ?
Résignée, sclérosée, abrutie par la débrouille, le verbe haut, sans ambition pour eux-mêmes, pour la société et pour leur pays par manque de courage, la jeunesse congolaise a confié son avenir aux églises de réveil qui pullulent au Congo Brazzaville, et dans la diaspora. Chacun sait pourtant que les prières n’ont jamais suffi à réformer un système politique ou à faire une révolution. Ne dit-on pas aides-toi et le ciel t’aidera ?
Grande gueule, donneurs de leçons et adeptes de l’indignation sans action, les Congolais, jeunes ou moins jeunes, aiment trouver des boucs émissaires; tout comme leurs dirigeants pour se donner le bon rôle et se dédouaner de leurs responsabilités. C’est la faute à l’impérialisme, la rhétorique des années 70 a évolué, aujourd’hui on vous démontre allègrement comment la FrançAfrique est responsable de nos carences éducatives.
Jeunesse Congolaise, ne vous faites aucune illusion, les autres ne vous émanciperont jamais, votre souffrance durera aussi longtemps que durera votre passivité.
Le 14 juillet 1789, le peuple de Paris affamé et misérable avait pris la Bastille, décapité le roi et instauré la république; au Congo Brazzaville tout semble se passer comme si le pire, le point de non-retour n’était pas encore atteint, alors allons seulement sans destination aucune.
60 ans après l’indépendance, le Congo Brazzaville est devenu un concentré de tous les maux de la planète et de l’humanité. Niveau de vie très faible; manque d’eau potable; corruption chronique et difficultés d’accès aux soins de santé, à l’éducation, misère sociale indicible. Chaque jour le nombre de misérables et de pauvres augmente.
S’il est vrai qu’avant d’acquérir une conscience politique, il faut d’abord se nourrir, se soigner et surtout s’éduquer, pour la jeunesse congolaise cela ne semble pas suffisant (le Congo Brazzaville est le seul pays en Afrique qui n’a pas de radio libre ou de radio d’opposition).
Les tyrans ne cèdent que si le rapport de force est en leur défaveur et, seul la jeunesse détient la capacité de pouvoir renverser le rapport de force parce que la jeunesse est inconsciente et qu’elle n’a rien à perdre. Les meilleurs leaders du monde ne peuvent rien s’ils ne sentent pas le souffle de la jeunesse et du peuple leur demander d’avancer encore et encore.
S’ils ne veulent pas être à leur tour des laisser-pour-compte alors les jeunes congolais devront enfin se prendre en main au lieu de chercher des coupables et des responsables à leur situation, « la valeur d’un individu n’a rien à voir avec son âge », dit-on.
Les Congolais sont capables de tout et surtout du pire, ils le prouvent tous les jours.
Patrick Eric Mampouya