Le commerce d’armes illégales implique de hauts fonctionnaires à Djibouti, selon un rapport

Le commerce d’armes illégales implique de hauts fonctionnaires à Djibouti, ce qui suggère que le terminal portuaire de Doraleh, actuellement sous contrôle du gouvernement et souffrant de contrôles douaniers perméables, sera de plus en plus mis à profit en tant que plateforme pour le commerce des armes.

Toutefois, les flux les plus significatifs d’armes illégales continueront d’être déplacés vers des embarcations plus petites, via les communautés de pêcheurs sur la côte sud-est et via le projet de port de Garacad.

Au cours des dernières années, et jusqu’à aujourd’hui, le terminal de Doraleh exploité par DP World n’était pas utilisé pour le trafic d’armes. Cependant, des renseignements recueillis localement suggèrent que le terminal, qui est dorénavant sous le contrôle du gouvernement, pourrait à l’avenir être mis à profit comme centre de traitement pour le commerce illégal des armes.

Certains éléments laissent penser que le terminal de Doraleh sera de plus en plus utilisé pour le commerce des armes. Le président de l’Autorité portuaire et des zones franches de Djibouti (DPFZA), Aboubaker Omar Hadi, est un ami proche d’Ali Abdi Aware, un homme d’affaires très en vue qui a été à trois reprises candidat présidentiel dans la région du Puntland. Ils sont conjointement impliqués dans un projet dans lequel M. Aware est personnellement en charge de CAC International, la banque de l’ancien président du Yémen, Ali Abdallah Saleh. Cette banque a son siège social à Djibouti.

Des renseignements recueillis localement suggèrent qu’Omar Hade a aidé à l’enregistrement de la banque et détient des parts dans celle-ci (« une partie des composantes investissement »). De plus, Omar Hadi a établi une succursale bancaire à Bosaso en mesure de blanchir de l’argent pour des institutions clandestines touchant aux importations d’armes du Yémen, car la banque est originaire du Yémen.

M. Aware est également très bien implanté dans le gouvernement du président Guelleh, c’est lui qui a mis en place l’assistance de la région du Puntland à Djibouti, donnant 900 chameaux à Djibouti lorsque le pays a eu un conflit armé avec son rival érythréen concernant les îles Doumeira contestées. Il a par ailleurs aidé Djibouti à obtenir un engagement d’investissement pour la construction de routes auprès du gouvernement saoudien en 2009 lorsque le général Adde Muse Hersi, aujourd’hui décédé, était président de la région du Puntland.

Effectivement, le commerce d’armes illégales à Djibouti s’étend aux plus hauts échelons du gouvernement. Des renseignements recueillis localement confirment qu’une entreprise qui, dans la version publique de ce rapport sera désignée par la Société Z, appartient à la famille Guelleh et gère le commerce d’armes. La Société Z s’occupe uniquement d’importations d’armes en Somalie. Ces mêmes armes sont alors souvent distribuées à des factions politiques soutenues par le gouvernement.

Tout cela laisse penser que le terminal de Doraleh commencera à jouer un rôle plus important dans le trafic d’armes régional. Des renseignements recueillis localement suggèrent que le port principal de Djibouti n’est pas sûr et que les procédures douanières sont poreuses, ce qui facilite les transferts illicites. Néanmoins, comme ce terminal restera l’un des principaux centres d’import-export de Djibouti, la surveillance internationale des flux de marchandises est ici élevée, ce qui limitera l’utilisation du port comme centre pour le commerce des armes.

Toutefois, des sources indiquent qu’une bonne partie du commerce illégal d’armes n’a pas besoin de transiter par le port principal de Djibouti. Il est déplacé dans des embarcations plus petites via les communautés de pêcheurs sur la côte sud-est.

En outre, Djibouti est aussi dorénavant impliqué dans la construction du port de Garacad. Djibouti en est venu à suivre un désaccord politique avec le gouvernement somalien pour ce qui concerne le rapprochement Érythrée-Éthiopie-Somalie, à la suite de la réunion entre le président somalien et son homologue Afewerki à Asmara.

Djibouti tire profit du désaccord sur la région du Puntland avec le gouvernement somalien au sujet du port de Garacad. Le premier ministre Hassan a récemment visité la région et a été invité à la grande ouverture du projet Garacad, mais il a refusé de faire de même alors que le gouvernement somalien a récemment commencé le plan de construction du port de Hobyo, à seulement 90 km de là.

Les tensions sont palpables entre le gouvernement somalien et Djibouti concernant son implication dans ce projet. Des renseignements recueillis localement suggèrent que le gouvernement somalien craint, à juste titre, que Djibouti l’utilise comme base pour transférer des armes du golfe d’Aden vers la région du Puntland, puis vers la Somalie elle-même (voir les commentaires précédents sur le soutien aux factions déstabilisantes en Somalie, comme al-Shabaab).

À noter également que Garacad, ancien territoire pirate de 2008 à 2011, est une plaque tournante régionale pour le débarquement de cargaisons d’armes. Des bateaux aux allures de navires de pêche y débarquent toujours à des fins de contrebande.

C’est à Garacad que Djibouti joue son rôle le plus important dans le trafic d’armes régional. Les entreprises de logistique, de fret et de construction impliquées dans le projet de port de Garacad appartiennent souvent à de hauts fonctionnaires et officiers militaires de haut rang de Djibouti. La plupart des matériaux de construction pour le projet seront transportés par voie terrestre depuis Djibouti, ou expédiés via la côte au large de Garacad. Les occasions de contrebande d’armes y sont abondantes. Encore une fois, les rapports du Groupe de contrôle des Nations Unies pour cette région incluent les noms de certaines entités qui, selon des renseignements recueillis localement, sont toujours exacts.

APO

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