ECONOMIE. « Alors que notre continent regorge de richesses, de savoir-faire et d’opportunités, nous n’exploitons pas encore pleinement nos complémentarités économiques », a déploré Chakib ALJ, Président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), dans un discours prononcé à l’occasion du Forum de la PME Africaine tenu le mardi 3 décembre courant à Rabat. Ci-dessous l’intégralité dudit discours:
« Monsieur le Ministre,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Vice-Président de la Banque Africaine de Développement,
Monsieur le Vice-Président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement,
Mesdames et Messieurs, en vos titres tout protocole observé,
Honorable assistance,
Bienvenue à ce Forum de la PME Africaine.
J’aimerais tout d’abord remercier la Banque Africaine de Développement pour son soutien dans l’organisation de cet événement qui se tient en marge de l’Africa Investment Forum-Market Days, mais aussi et surtout pour le financement de l’étude sur “les complémentarités entre les chaînes de valeur africaines” réalisée par la CGEM.
Les résultats de cette étude riche et intéressante vous seront présentés dans quelques instants. Ils viendront rythmer les différentes séquences de ce Forum qui s’inscrit, je le rappelle, dans la continuité du Dialogue des Patronats Africains tenu à Casablanca en octobre 2022 et qui poursuit un objectif clair : exploiter les complémentarités économiques existantes entre les pays africains pour accélérer l’intégration économique de notre continent.
Nous sommes ici parce que nous aspirons tous à une Afrique prospère, souveraine et pleinement intégrée dans les chaînes de valeur mondiales. Une Afrique capable de transformer ses immenses ressources en leviers de développement durable.
Et pourtant, aujourd’hui, l’Afrique ne joue qu’un rôle mineur dans la production manufacturière mondiale, puisqu’elle y participe à hauteur de 1.9% selon un rapport de la BAD. Le commerce intra-africain, quant à lui, ne représente que près de 15 % des échanges commerciaux du continent, un chiffre bien en deçà de celui de l’Asie (58 %) ou de l’Europe (68 %).
Il existe donc un réel paradoxe. Alors que notre continent regorge de richesses, de savoir-faire et d’opportunités, nous n’exploitons pas encore pleinement nos complémentarités économiques.
Mesdames et Messieurs,
L’Afrique est une terre d’abondance :
Sur le plan humain, notre continent connaît une transition démographique unique : d’ici 2050, un Africain sur deux aura moins de 25 ans (pour rappel, actuellement la moyenne d’âge en Europe est de 42 ans), et la population du continent atteindra 2,5 milliards d’habitants.
Ce défi est aussi une opportunité. Mais il exige des investissements massifs dans l’éducation, la formation professionnelle et la création d’emplois pour que cette jeunesse devienne un moteur de transformation économique.
Aussi, l’Afrique possède 60 % des réserves mondiales d’énergies renouvelables, entre le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité. Nous avons donc tous les atouts pour devenir un modèle mondial en matière de transition énergétique et une plateforme manufacturière importante.
Par ailleurs, avec plus de 60 % des terres arables dans le monde, notre continent pourrait non seulement nourrir sa population mais également devenir un exportateur agricole mondial de premier plan.
Pourtant, l’essor du secteur agroalimentaire africain reste freiné par un manque d’infrastructures, de technologies, de financements adaptés et de mécanismes de valorisation des produits agricoles.
Enfin, il est inacceptable que l’Afrique, riche de plus de 30 % des réserves de ressources minérales de la planète, représente une part si faible de la transformation industrielle mondiale. Nous devons absolument inverser cette tendance. Qu’il s’agisse de minerais, de pétrole, de gaz, de produits agricoles, de pêche ou de coton, les ressources africaines doivent être valorisées localement, dans une logique d’intégration régionale, pour générer des emplois, développer des savoir-faire industriels et maximiser la croissance de nos économies respectives.
Mesdames et Messieurs,
Face à ces défis et opportunités, nous avons la chance de disposer d’outils puissants pour changer la donne. La Zone de Libre-échange Continentale Africaine (ZLECAF) est l’un d’entre eux. Avec un marché commun de 1,4 milliard de consommateurs, elle offre une plateforme unique pour stimuler le commerce intra-africain, dynamiser nos chaînes de valeur régionales et attirer des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques.
Pour réussir l’implémentation de la ZLECAF et en faire un catalyseur de création de valeur ajoutée, nous devons agir en urgence sur plusieurs leviers fondamentaux qui seront développés tout au long de cette journée :
- D’abord, renforcer les chaînes de valeur africaines en intégrant les PME dans des écosystèmes régionaux.
- Ensuite, promouvoir un Made in Africa compétitif et innovant, capable de rivaliser sur les marchés internationaux tout en répondant aux besoins locaux.
- Développer des infrastructures logistiques et énergétiques modernes qui facilitent les échanges entre nos pays et soutiennent la compétitivité de nos entreprises est aussi un point primordial.
- Mettre en place des outils financiers innovants et accessibles pour répondre aux besoins des PME.
- Favoriser la formation des talents pour doter notre jeunesse des compétences nécessaires à l’économie de demain.
- Enfin, harmoniser la réglementation et faciliter l’accès à l’information pour offrir un cadre plus favorable aux échanges commerciaux et industriels.
Mesdames et Messieurs,
Le développement économique de l’Afrique est indissociable d’un engagement collectif et d’une vision partagée. Ce forum est une opportunité unique de mobiliser nos forces vives, de renforcer nos partenariats publics-privés et de promouvoir une Afrique non pas spectatrice du monde, mais actrice majeure de son propre destin.
Dans cette dynamique, le Maroc, grâce à sa position stratégique et à ses avancées exceptionnelles, se positionne comme une plateforme idéale. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, a d’ailleurs été précurseur à croire en le potentiel de l’Afrique. Les paroles de Sa Majesté ont résonné avec force lorsqu’il a déclaré : “L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique” lors du Forum économique maroco-ivoirien à Abidjan il y a 10 ans.
En alignement avec la vision de Sa Majesté, le secteur privé marocain est pleinement mobilisé dans cette démarche et souhaite être acteur, avec les autres secteurs privés africains, de l’intégration économique africaine.
Ainsi, le Maroc peut représenter une véritable plateforme de développement des PME du continent en mettant à profit sa connectivité maritime (avec les performances du port de Tanger Med et la construction en cours des ports de Dakhla Atlantique et de Nador West Med), sa connectivité aérienne (avec la Royal Air Maroc qui dessert une quarantaine de capitales africaines), sa connectivité routière (avec l’axe Tanger-Dakar) et sa connectivité financière (avec la présence des banques marocaines dans 28 pays).
À ces atouts importants s’ajoutent une Charte de l’Investissement des plus incitatives, encourageant l’entrepreneuriat dans des secteurs stratégiques, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, doté de 15 milliards de dirhams finançant des projets structurants, notamment dans l’industrie, des programmes de R&D mis à la disposition des industriels, et un capital humain compétitif et très bien formé qui fait parler de lui dans le monde entier.
Mesdames et Messieurs,
Comme je le disais, ce forum est une opportunité unique de consolider nos partenariats – Les partenariats entre secteurs privés, les partenariats public-privé et les partenariats entreprises-bailleurs de fonds – et d’avancer ensemble vers un avenir où l’intégration industrielle et logistique, le commerce intra-africain, l’innovation et la durabilité seront les moteurs de la prospérité de notre continent. Les choix que nous faisons aujourd’hui détermineront la place de notre continent dans le monde de demain.
Je remercie tous les représentants des patronats du continent qui ont fait le déplacement pour être parmi nous aujourd’hui, comme je remercie les PME et les bailleurs de fonds pour leur forte participation à ce forum. Merci également aux Présidents des Fédérations concernés par l’étude pour leur contribution.
Je vous souhaite des échanges riches et inspirants, et des rencontres fructueuses.
Je vous remercie pour votre attention ».