TRIBUNE. Comment expliquez la continuité du mandat du désormais ex- président de la Bdeac, Fortunato-Ofa Mbo Nchama, au-delà de la date de sa fin qui était prévue le 18 mars 2022? Quelle est alors la pertinence juridique des engagements qu’il continue à prendre au nom de la Banque?
L’effet contagion du mandat supplémentaire ou de « transition flexible », à la mode en Afrique, serait-il entrain de hanter la démarche silencieuse et malicieuse de l’ancien président de la Bdeac? Des questions qui méritent d’être posées, au risque d’assister à la dégradation de la qualité de la signature de la Banque que Fortunato-Ofa Mbo Nchama a pourtant merveilleusement soignée pendant ses 5 ans de gouvernance. Enquête.
En notre qualité d’envoyé spécial de Jeune Afrique Économie, nous avions pu nous rendre compte en 2005 que les grands équilibres financiers que sont la solvabilité, la liquidité et la rentabilité n’étaient plus en corrélation avec le financement du développement, la principale mission de la Bdeac.
La lecture du rapport confidentiel y relatif, auquel nous avions eu accès, commis par la Cobac (Commission bancaire d’Afrique centrale) donnait des crises d’urticaire. Bref, la qualité de la signature de la Bdeac s’était considérablement dégradée. Da honorem ubi honor est: l’Equato Guinéen Fortunato-Ofa Mbo Nchama a le mérite d’avoir pu rétablir les ratios de solvabilité en rendant surliquide la Banque. Qui joue désormais à merveille son rôle de financier du développement infrastructurel des pays de la sous-région Cemac, avec, en perspective, un rêve d’expansion vers le Burundi, Rdc, Rwanda…
Est-ce à cause de ce bilan élogieux que l’ancien président de la Bdeac, qui n’a pas voulu répondre à nos questions, use d’artifices politiques voire juridiques pour tenter de bénéficier d’une rallonge de mandat, une espèce de « transition flexible « , en voulant créer un précédent?
S’il est vrai, selon nos sources, que l’audit sur la gestion du président sortant, prévu 3 mois avant la fin de son mandat afin de marquer une rupture avec son successeur, n’a pas eu lieu, force est aussi de constater que Fortunato-Ofa Mbo Nchama continue à engager la signature de la Banque, au mépris du respect stricto sensu des statuts.
Il n’a plus qualité de président de la Banque depuis le 18 mars 2022. Qui plus est, son successeur, le camerounais Évou Mekou Dieudonné, obligé de se ronger les ongles à Yaoundé, a été nommé le 13 avril dernier par Paul Biya, le président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat de la Cemac, conformément au principe rotatif, par ordre alphabétique, de gestion des institutions de la sous-région Cemac.
Il n’en fallait pas plus pour que le Tchad (par pure coïncidence avec la présence, à Ndjamena, de Fortunato-Ofa Mbo Nchama?) revendique, à tort, son droit statutaire de gestion rotative de la Bdeac. Bien malicieuse astuce pour créer un précédent, étant donné que le Tchad ne peut à la fois, conformément aux textes communautaires, diriger au même moment 2 grandes institutions de la Cemac : Beac et Bdeac.
Par conséquent, le temps que le mandat du tchadien Abbas Tolli, à la tête du gouvernorat de la Beac, arrive à terme, et qu’un autre tchadien prenne les commandes de la Bdeac, peut-être, Fortunato-Ofa Mbo Nchama voudrait-il jouer les prolongations, sous forme de « transition flexible ».
Faut-il noter que Biya, champion des absences aux différents sommets cemac, avait été sanctionné par ses pairs lors du sommet de Malabo au cours duquel un camerounais devait logiquement prendre les commandes de la Bdeac. Obiang en a profité pour imposer son candidat devant le silence observé par le premier ministre camerounais, en sa qualité « petit frère face aux aînés ».
Yaoundé, qui avait momentanément boudé cette décision en jouant à la politique de la chaise vide à la Bdeac, avait fini par obtenir l’assurance corrective des autres États membres, juste après le mandat de l’Equato Guinéen. Ce qui est chose faite à travers la nomination de Evou Medou Dieudonné, précédemment vice-gouverneur de la Beac à Yaoundé. Pendant que l’ancien président de la Bdeac s’accroche, il y a lieu de se demander si
les dispositions statutaires de la BDEAC sont- elles si incomplètes qu’elles ne permettent pas de gérer les fins de mandat de ses dirigeants? Non. « Le Vice-Président seconde le Président, et en cas d’absence ou d’empêchement, le supplée », peut-on y lire dans les statuts de la Bdeac adoptés en 2019.
À dire vrai, Fortunato-Ofa Mbo Nchama a tant apporté à la Bdeac qu’il ne devrait pas en sortir par une porte dérobée. Dieu seul sait qu’il pourra rebondir dans une autre institution communautaire. Il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent.
Par Alphonse Ndongo
Journaliste économique et financier.