Africa first aussi ?
TRIBUNE. Donald Trump est donc revenu au pouvoir aux Etats Unis. Et il a très vite affiché ses ambitions qui se résument en une seule formule : « America first ! » A savoir, « l’Amérique d’abord ! » Seuls comptent à ses yeux les intérêts des Etats Unis.
Alors, s’il le faut, il ira reprendre le Canal de Panama qui appartient à l’Etat de Panama, parce qu’il estime qu’il est de l’intérêt des Etats Unis de le reprendre. Il a dit qu’il veut prendre le Groenland, qui appartient au Danemark, un pays pourtant allié aux Etats Unis, parce qu’il estime que les richesses de cet immense territoire méritent d’aller vers son pays plutôt qu’ailleurs, plutôt que vers le pays auquel il appartient. Il veut aussi annexer le Canada, son voisin immédiat, son allié sûr. Et aussi Gaza qu’il veut occuper, après en avoir chassé tous les Palestiniens. C’est comme ça ! Avec Donald Trump, avec donc la nouvelle Amérique, c’est la loi du plus fort.
En Europe, en Asie, en Amérique latine, au Moyen-Orient, tout le monde se demande à quelle sauce ils seront mangés par Trump. Nous, nous n’avons pas ce problème. Lors de son premier passage à la Maison Blanche, il a dit ce qu’il pensait de nous. Pas besoin de le répéter ici. Ce n’est pas différent de ce que de nombreux autres leaders dans le monde pensent de nous. La différence est que lui, il l’a dit à voix haute. Nous savons, nous-mêmes, que si l’on s’intéresse à nous, c’est pour ce qui est dans notre sous-sol, à savoir, nos minerais. Pour le reste, nous avons quelques scientifiques et ingénieurs (si, si, nous ne sommes pas tous des abrutis), quelques artistes et sportifs qui peuvent les intéresser et qu’ils n’ont plus besoin de venir razzier dans nos brousses, puisqu’ils vont s’offrir eux-mêmes à eux.
Que faisons-nous, nous autres qui n’avons ni les cerveaux, ni les muscles suffisamment développés pour aller nous vendre sur les marchés internationaux, et qui croyons que quelque chose peut encore être fait pour ce continent ? J’ai entendu dire qu’il y aura en 2026 un sommet France-Afrique au Kenya. Les sommets de ce genre, il y en a eu beaucoup : Europe-Afrique, Chine- Afrique, Russie-Afrique, Japon- Afrique, Turquie-Afrique, etc. Qu’est-ce que tout cela nous apporté ? Rien du tout. Les pays qui avaient besoin de matières premières et de marchés sont venus se servir et avoir des parts de marché, c’est tout ! Donald Trump dit « America first » et il ne « calcule pas quelqu’un » comme on dit à Adjamé, à savoir qu’il se moque de ce que chacun pourra penser.
Ne serait-il pas temps, pour nous Africains, de penser « Africa first » nous aussi, dans notre petit coin ? Ne serait-il pas temps, que nous commencions à réfléchir ensemble, pour voir ensemble comment nous pourrions, ensemble, utiliser nos ressources que convoitent tant les autres, pour essayer, ensemble, de sortir de notre situation de pays de m… comme l’a dit Trump et « make Africa great again » ? Est-il vraiment impossible pour nous Africains, d’organiser une grande réflexion sur notre devenir, une sorte de sommet Afrique-Afrique ? Si chacun de nos petits pays croit qu’il peut, dans son petit coin, dire « moi first » et s’en sortir, je crois que nous sommes dans un mauvais rêve. Il serait vraiment temps que nous commencions à intégrer le fait que notre développement ne viendra que de nous seuls. Et que les incantations et rodomontades ne suffisent pas à faire avancer un pays.
Je crois qu’aujourd’hui, au moment où montent ici et là les extrémismes et nationalismes de toutes les couleurs, l’Afrique doit chercher sa propre voie. Je voudrais conclure cette chronique en vous proposant les dernières lignes de mon livre intitulé « si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande est de ne pas l’empêcher de se tenir debout » paru en 2018 : « Et pourtant ! Le Noir d’Afrique a tant à apporter à l’humanité, s’il acceptait simplement d’être lui-même. Sa contribution pourrait être énorme, parce qu’il est celui qui a su s’approprier les cultures de presque tous les autres peuples. Il a intégré en lui les cultures occidentales, arabes, et de nombreux éléments des cultures asiatiques. Pour peu qu’il assume son africanité avec son riche passé et sa riche culture, et en fasse le soubassement sur lequel reposeront les autres apports, pour peu qu’il se décide à se tenir debout sur ses jambes, il serait l’être le mieux armé pour faire face aux nombreux défis qui attendent l’espèce humaine. »
Par Venance Konan

Journaliste et écrivain ivoirien

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