Algérie, ce géant d’Afrique aux pieds d’argile
ZOOM. Ce grand pays africain, de part sa superficie, qu’est l’Algérie a basculé tête en avant dans le ravin de son histoire dès février 2019, date où les Algériens, étouffés par un système autoritaire et corrompu, manifestent continuellement pour changer de régime. Malgré la crise sanitaire, la révolte populaire continue de gronder en Algérie, ex-colonie française, indépendante depuis 1962, pays où manifester est pourtant passible au minimum d’un an de prison. Mais rien n’arrête ces jeunes qui ont décidé de prendre leur destin en main. La chaîne de télévision française M6 a diffusé le 20 septembre 2020 dans son émission « Enquête exclusive », un reportage intitulé « Algérie : Le pays de toutes les révoltes ». En plus d’un tour d’horizon du mouvement populaire, communément appelé Hirak, le reportage a suivi pendant plusieurs mois trois Algériens représentatifs de deux camps radicalement différents à savoir Noor, Nardjes et Ayoub. Noor est une célèbre youtubeuse algérienne qui a fait fortune en donnant aux femmes les conseils en maquillage qui rêve d’un état de droit. Son but : que ces manifestations leur donnent plus de liberté. Nardjes, danseuse comédienne, souhaite vivre comme une occidentale sans se soucier du regard des autres, un défi permanent pour une jeune fille dans ce pays ultraconservateur. Et, enfin, Ayoub qui veut que l’Algérie devienne un état islamique. Pour y parvenir, il s’est engagé en politique. Tous trois font face à la même réalité : celle d’un pays où 60% de la population a moins de 30 ans et 30% des 16-24 ans sont au chômage. C’est l’un des taux les plus élevés au monde. Et d’autres ont décidé de prendre la mer au péril de leur vie pour fuir leur pays. Pourtant l’Algérie possède pourtant d’immenses réserves de pétrole et de gaz, mais seules les élites en profitent. Un habitant sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté et tous souffrent de la crise du logement. Même avec un diplôme en main, les jeunes n’ont accès qu’à de petits boulots, comme vendeur à la sauvette, pendant que d’autres bâtissent des fortunes en un temps record. Pour survivre, seule solution : la débrouille et le travail au noir. Sans espoir, certains n’envisagent qu’une option : fuir le pays. Ils ont également rencontré ceux qui prennent la mer au péril de leur vie a tenu à rappeler le présentateur Bernard de la Villardière. Le déroulement du tournage d’« Algérie : Le pays de toutes les révoltes », a été décrit par le Rédacteur en Chef Patrick Spica et son présentateur Bernard de la Villardière malgré les contraintes politiques et la censure du régime algérien, comme difficile. Il aura fallu deux ans de travail pour faire ce reportage, dans un pays où il est quasiment impossible d’obtenir un visa pour les journalistes français. « Nous avons dû travailler avec des équipes de journalistes locales qui ont les autorisations », révèle Patrick Spica. « Nous avons aussi travaillé avec des équipes binationales qui peuvent voyager d’un pays à l’autre. Ce qui nous a permis de tourner ». Cette possibilité d’allers-retours entre l’Algérie et la France était crucial pour faire sortir du pays les images et les documents nécessaires à l’enquête. Mais, selon le Rédacteur en Chef, faire appel à des journalistes franco-algériens n’était pas suffisant pour travailler correctement. « Nous avons par moment dû filmer avec des caméras discrètes », explique-t-il. « Même avec des autorisations, quand vous partez en interview avec des caméras classiques, vous êtes régulièrement arrêté et vous passez la journée au poste de police ». Un documentaire de Dahmane Ziane présenté par Bernard de la Villardière présenté par la chaîne de télévision française M6 dans « Enquête Exclusive » au cours duquel il a fallu aller aux quatre coins de l’Algérie et pouvoir filmer en toute discrétion. Attendons-nous à assister une nouvelle fois à un rappel de l’Ambassadeur algérien, lui qui vient tout juste d’être nommé en France, et à un déferlement ordurier sur les journaux et sites à la solde du régime algérien. Farid Mnebhi.
La dictature algérienne poursuit inlassablement sa répression maladive contre la contestation populaire incarnée par le Hirak
TRIBUNE. Il est un fait indéniable en Algérie que le régime d’Alger poursuit sa course effrénée contre les opposants, journalistes et jeunes internautes et ce, en dépit de la pandémie du Coronavirus (COVID-19), qui avait contraint le mouvement de protestation contre anti-régime dit Hirak à suspendre provisoirement ses manifestations depuis mi-mars 2020. Le pouvoir algérien a bien entendu tiré profit de cette trêve décrétée par le Hirak pour procéder à l’arrestation d’un maximum d’activistes et à les faire condamner de lourdes peines de prison pour atteinte à l’intégrité du territoire national, incitation à attroupement, blocage de site d’information politique pour soi-disant diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public, publications sur les réseaux sociaux et acharnement contre les médias indépendants. Mais, depuis la levée partielle du confinement sanitaire, le 07 juin 2020, dans certaines Wilayas, les manifestants pro-Hirak ont pu reprendre, le 19 juin 2020, en masse leurs marches hebdomadaires dans plusieurs villes telles Bejaïa, Tizi-Ouzou, Bouira, Contantine et bien d’autres villes faisant la démonstration que ce mouvement reste toujours vivace Les manifestants ont brandi ou scandé des slogans appelant à la libération immédiate de dizaines de détenus d’opinion (journalistes, blogueurs, figures du Hirak), mais ils ont surtout scandé des messages très hostiles envers l’armée et l’homme qu’elle a imposé en tant que Président aux Algériens. « Tebboune Mzaouar, Jabouh El Askar » (Tebboune est falsifié, c’est l’armée qui l’a ramené), « El DjazairTeddi El istqlal, les généraux à la poubelle » (L’Algérie aura son indépendance, les généraux à la poubelle), « Dawla madaniya, machi askariya » (Etat civil, non militaire), « Y’en a marre, y’en a marre, y’en a marre des généraux », repris en chœur les manifestants. Prétextant l’interdiction de rassemblements pour cause de coronavirus, les forces anti-émeute algériennes ont réprimé la manifestation pacifique de Bejaïa à travers un usage massif de gaz lacrymogène et de tirs de balles en caoutchouc. Des arrestations et des blessés ont été dénombrés. La nouveauté de la deuxième vague du Hirak, c’est que l’armée est au cœur des revendications des marcheurs car il ne sert à rien de changer Abdelaziz par Abdelmadjid tant que les généraux interviennent dans la politique et sont les faiseurs des Chefs d’Etat en Algérie. Force est donc de constater que le climat de répression s’est fortement accru afin d’annihiler toute reprise du mouvement de contestation anti-régime, notamment avec la condamnation, le 21 juin 2020, de la célèbre militante Amira Bouraoui à une année de prison ferme et l’arrestation, le 19 juin 2020, de près de 500 manifestants dans 23 villes algériennes. Une vague de répression qui confirme que la situation des Droits de l’Homme en Algérie est la plus pire du Monde. C’est pourquoi, les responsables d’Alger devraient cirer leurs mocassins pour pouvoir danser un paso doble sous une musique martiale ; un agit-prop diligenté par le sieur T.Bone en personne. Les militants du Hirak ont bien compris que tout changement en Algérie passe par un repli des militaires dans leurs casernes au lieu de se sucrer sur le dos du peuple algérien. Farid Mnebhi
Une nouveauté ! Les autorités algériennes caquettent face à la France
Du jamais vu ! Deux reportages sur le Hirak algérien, diffusés le 26 mai 2020 par les chaînes publiques françaises France 5 et LCP, relayées par France 24, s’en sont pris contre les institutions algériennes et l’Armée Nationale Populaire (ANP). Les deux documentaires en question titrés « Algérie mon amour » et « Algérie, la révolution jusqu’au bout ? » ont été attaqués par l’agence de presse étatique, Algérie Presse Service (APS) quia pour habitude de faire les choses en grand. Aussi, dans un papier d’ouverture titré « Le documentaire sur le Hirak » diffusé par des chaînes françaises, largement décrié par les autorités algériennes, explique le 27 mai 2020 que les institutions et le peuple algérien ont été attaqués. Sur ce, le Ministère algérien des Affaires Etrangères s’est empressé de publier un communiqué courroucé dans lequel il dénonce le caractère récurrent des programmes diffusés par des chaînes de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et La Chaîne parlementaire, le 26 mai 2020. Mieux, les autorités algériennes ont pris la décision de rappeler immédiatement leur Ambassadeur à Paris pour consultations après la diffusion de ces reportages par des chaînes TV publiques françaises sur le Hirak. Pure gestuelle du régime algérien sans conséquence, puisqu’il est certain que l’Ambassadeur algérien sera de retour à son poste, sans avoir quitté la France, aussi vite qu’une souris et l’affaire sera empaquetée. Au fait, il n’y a pas de vol Paris-Alger en cette période de pandémie du Coronavirus (COVID-19) ! Et, au cas où un avion spécial est mis à sa disposition, qu’il embarque avec lui des algériens bloqués en France. Un beau coup de Pub ! Aussi, ce rappel de l’Ambassadeur d’Algérie en France n’est que gestuelle, une colère feinte et une simple algarade diplomatique orchestrée par les responsables algériens. Un travail d’orfèvre, de la porcelaine politique, un vase de Soissons qu’on casse avec un vrai sens de la mise scène.Un usage fort tactique de l’actualité par un régime algérien en grande difficulté politique et économique. Le pouvoir algérien tente de faire un excellent usage de certaines séquences des deux documentaires sans pour autant que cela puisse créer une crise diplomatique entre Paris et Alger. Quant à la réaction vipérine du Ministère des Affaires Etrangères, elle ne peut faire oublier les arrestations qui se multiplient depuis plusieurs mois en Algérie. Des journalistes, correspondants de médias étrangers, ont été arrêtés ou convoqués par les autorités. Il y a peu, El Manchar, l’équivalent du Gorafi, fermait son site, inquiet de la restriction croissante de la liberté d’opinion. Il suffit d’un statut Facebook pour finir au poste de police. Plus contesté que jamais, le pouvoir se braque. Il sait qu’après la fin du confinement lié au COVID-19 les manifestations reprendront de plus belle et que la crise économique, accentuée par des semaines d’inactivité, aggravera la colère à son égard. D’où cette diversion diplomatique. Le régime algérien a toujours dépeint le Hirak comme étant noyauté par des entités inconnues ayant des objectifs malveillants qui consacrent de l’argent sale afin d’amplifier le nombre de ces manifestations, en ramenant les citoyens des autres Wilayas en dehors de la capitale. Les autorités algériennes y ont même détecté, selon leurs dires, à de nombreuses reprises « la main de l’étranger » derrière les manifestants qui le contestaient. On devinait l’ombre de Paris dans le regard du militaire algérien. L’incident d’aujourd’hui n’est qu’une continuité de cet état d’esprit. Si les autorités algériennes ont réagi, ce n’est pas pour la politique extérieure, mais bien pour l’opinion intérieure. C’est du populisme et c’est pourquoi nul ne doit être surpris par cette réaction puérile des responsables algériens qui marque l’extrême fragilité du pouvoir algérien. Farid Mnebhi.
L’Ode du « Chant du Rossignol » entonnée par le régime algérien
TRIBUNE. Du jamais vu en Algérie, le peuple brave l’interdiction de manifester dans ce contexte de crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus (COVID-19) pendant la Fête de l’Aïd Fitr. Des marches de soutien aux détenus du mouvement populaire contre le régime algérien se sont déroulées, les 24 et 25 mai 2020, dans de nombreuses villes algériennes, notamment à Sétif, Kherrata à Bejaïa, Tizi Ouzou, Boumerdes. Ces manifestations étaient relayées par des vidéos et des photographies très largement diffusées sur les réseaux sociaux. Des cortèges au cours desquelles les marcheurs portaient des banderoles et chantaient en faveur des détenus et hostiles au pouvoir algérien tels « Pouvoir assassin », « Etat Civil », « Heureux Aïd à tous les détenus politiques ». Ces marches constituent un sévère avertissement du peuple algérien contre le pouvoir dAlger qui a été secoué fortement jusqu’à sa récente suspension provoquée par la crise sanitaire provoquée par la pandémie du Coronavirus (COVID-19). Pour la première fois, le peuple algérien voit leur pays et leurs habitants autrement, éclairé d’un espoir inédit de liberté. Un peu comme si les Algériens reprenaient enfin leur indépendance. Celle que l’on leur a volée en 1962. Tout est à refaire, car ils n’ont pas eu l’occasion de construire le pays qu’ils voulaient, que leurs grands-parents ont voulu. Le FLN a volé leurs rêves disent-ils, « Être jeune en Algérie, c’est avoir les larmes aux yeux ». J’invite les lecteurs à visionner cette vidéo sur youtube « Liberté » de Soolking devenue l’hymne des manifestants algériens en lutte contre le pouvoir en place. Dans les rues d’Alger, les manifestants entonnent la chanson du rappeur algérien et les réseaux sociaux relaient massivement ces images. En une semaine, la chanson de Soolking a atteint 15 millions de vues sur Youtube. Mais aussi « Libérez l’Algérie » sur Youtube. Deux chansons où tout est dit clairement ! Honte aux dirigeants algériens ! A rappeler que le Hirak, né d’un immense ras-le-bol des Algériens, réclame un changement du système en place depuis l’indépendance du pays en 1962 et que, selon le dernier comptage du Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD), près de cinquante détenus d’opinion et politiques croupissent toujours dans les geôles du pouvoir algérien. Farid Mnebhi.
La protesta reprend de plus belle en Algérie
TRIBUNE. Les Algériens ont manifesté pacifiquement, le vendredi 30 août 2019 et ce, pour la 28ème fois pour réclamer le changement et le départ des figures du système en cours et dire non à des présidentielles organisées par des figures de la Issaba (gang) malfamée qui règne en Algérie. Les manifestations ont drainé des millions de protestataires à Alger, Constantine, Oran, Tlemcen, Annaba, Chlef, Bordj Bou Arreridj, Tizi Ouzou, Bejaia, Bouira, Mascara, Ain Temouchent, Mostaganem, Jijel, M’sila, Ain Defla, Mila, Saida, Relizane, Guelma, Relizane et bien d’autres villes du pays. Une mobilisation plus forte que les précédents vendredis qui annonce un retour en force du Hirak avant la rentrée sociale Ainsi, les manifestants ont scandé haut et fort à l’adresse d’Ahmed Gaïd Saleh des slogans hostiles tels : « Ecoute, Gaïd, nous voulons un État civil » et « Les Généraux à la poubelle » tout en réaffirmant leur détermination à finir avec la gouvernance du régime vert-kaki dirigé par Gaïd Saleh, triste symbole du régime-vautour légué par l’ex-colonel Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharrouba. Une affligeante réalité que Gaïd Saleh et ses seconds couteaux ne peuvent plus cacher au peuple algérien, après avoir entretenu depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, l’illusion que le pouvoir était civil alors exercé réellement par l’oligarchie militaire sans l’assumer publiquement. Les Présidents fantoches n’étaient là que pour cautionner leur jeu de massacre à l’encontre du peuple algérien, qui continue d’être privé de liberté, de démocratie et de ses richesses, très souvent détournées à l’étranger par des Généraux devenus étrangement de véritables hommes d’affaires. Aujourd’hui, il existe des signes qui prouvent que la dictature militaire est bien installée en Algérie car Ahmed Gaïd Saleh a posé les actes qui apportent la preuve qu’il a conclu son installation d’une véritable dictature militaire. Après sa purge arbitraire dans les milieux d’affaires, les médias et l’appareil sécuritaire, l’homme fort d’Alger s’attaque désormais à ceux qui en savent trop, comme le Général Mohamed Betchine, qui voulait faire des révélations sur l’implication de l’armée dans les massacres de la décennie noire des années 90 qui ont fait plus de 200 000 morts. C’est ainsi, et sans faire dans la dentelle, que Gaïd Salah entend, encore et toujours, faire régner sa loi, maintenir le régime et rester muet aux revendications de la rue, qui ne cesse de clamer haut et fort son aspiration à un changement radical et à ce que le système, l’ensemble du système, dégage. Les Présidents fantoches n’étaient là que pour cautionner leur jeu de massacre à l’encontre du peuple algérien, qui continue d’être privé de liberté, de démocratie et de ses richesses. Quoi qu’il en soit, le pouvoir de la rue lui étant soutirée, Ahmed Gaïd Saleh, cet inattendu larron, lui qui a toujours rêvé d’une stature de Chef d’Etat, multiplie ses discours staliniens lors de ses innombrables revues de troupes dans les régions militaires pour asseoir progressivement sa mainmise sur l’Algérie. Une chose est pourtant sûre, en préférant regarder ailleurs, le généralissime finira par s’encastrer dans le mur. Il est bien clair que le peuple algérien est sorti dans la rue pour y rester, du moins tant que la grande muette n’aura pas regagné ses casernes et laissé gouverner le pays par des civils, que des civils. Farid Mnebhi.
Contre la désobéissance civile (Algérie)
TRIBUNE. Ceux qui appellent à la désobéissance civile ne disent pas en quoi consisteraient les actions de la désobéissance civile. Grève à la poste? Les victimes seront les retraités qui retirent leurs maigres pensions du CCP. Grève des factures d’électricité? La sonelgaz est une entreprise nationale et aggraver son déficit est anti-économique car le déficit sera comblé par une subvention de l’Etat, ce qui fera diminuer le pouvoir d’achat des consommateurs. Grève des transport.s? Qu’en est-il de ceux qui n’ont pas de voiture? Je ne vois aucun domaine où l’action de désobéissance civile serait organisée sans faire mal aux usagers, c’est-à-dire au public. Par ailleurs, déclencher des actions de désobéissance civile pourrait rendre impopulaire le hirak et donner aux généraux l’occasion de se poser en défenseurs de l’intérêt national et de l’ordre public. Ils n’attendent que cela. Que s’est-il passé en janvier et février 1992? Le DRS a poussé les éléments les plus extrémistes du FIS vers la violence, malgré l’opposition de Hachani, en leur donnant des armes et en les encourageant à prendre le maquis. Résultat? 200 000 morts et le régime est encore là. Aujourd’hui, le néo-DRS ne manquera pas d’exploiter la situation pour pousser vers la violence et adieu le projet de changement de régime. Pour argumenter, les tenants de la désobéissance civile citent les noms de Gandhi, de Mandela et de Martin Luther King. Gandhi avait appelé au boycott des entreprises britanniques pour faire mal aux intérêts économiques de la puissance coloniale. Je rappelle que le FLN avait fait a même chose en interdisant de fumer des cigarettes pour porter atteinte à l’économie coloniale. Or aussi inique et autoritaire qu’il soit, le régime algérien n’est pas un régime colonial. Perturber l’économie nationale ne porte pas atteinte aux intérêts des dirigeants. Quant à Mandela et Luther King, ils ont combattu un apartheid qui n’utilisait les noirs que comme force de travail. La désobéissance civile était une stratégie opportune pour porter atteinte aux intérêts du système de l’apartheid. . Pour l’Algérie, et comparaison n’est pas raison, je pense que le hirak pacifique est la forme la plus appropriée pour venir à bout de ce régime. Les Algériens ont décidé de faire une révolution sans perturber l’économie et sans faire couler une goutte de sang, civil ou militaire, parce que c’est une stratégie du long terme. Ils sacrifient leur jour de repos hebdomadaire pour manifester contre ce régime illégitime. Cela dure six mois, et après? Cela pourra durer un an ou deux ans. Les travailleurs, les employés, les fonctionnaires… seront à leurs postes de travail pendant la semaine, et le vendredi ils manifestent. C’est ce que devraient faire les étudiants à partir de septembre. Suivre les cours, aller à la bibliothèque, se former et consacrer le mardi matin à la manifestation, et le mardi après-midi à débattre de la situation politique du pays. Les cours seront suspendus uniquement le mardi. Avec cette stratégie au long cours, l’EM finira par se rendre à l’évidence pour rendre l’Etat au peuple à travers une transition totale, sérieuse et sans coups bas dans l’intérêt du pays et des générations futures. Lahouari Addi
Ce qu’il faut négocier avec l’Etat-Major (Algérie)
TRIBUNE. S’exprimant au nom de l’Etat-Major, le général Gaid Salah a plusieurs fois appelé au dialogue pour mettre fin à la crise politique que traverse le pays. Cet appel est en soi positif et est un acquis du hirak qui a obligé les décideurs à écouter la population. Des partis politiques, des syndicats et des associations ont accueilli favorablement l’initiative du général Gaid Salah et ont fait des propositions dans ce sens. Ils ont exprimé une revendication de la majorité de la population qui veut un changement réel du régime devenu obsolète aux yeux des nouvelles générations. Cependant, les propositions pêchent par leur formalisme et ne tirent pas les leçons de l’échec de l’expérience du multipartisme introduit par la réforme de la constitution de Février 1989. La hiérarchie militaire de l’époque avait donné son feu vert pour l’abandon du système de parti unique, mais avait chargé le DRS de contrôler le champ politique et médiatique pour empêcher l’alternance électorale. Le même régime s’est reproduit avec une façade pluraliste parce que les militants démocrates de l’époque s’étaient satisfaits du formalisme institutionnel et avaient négligé la réalité des rapports d’autorité dans l’Etat. La même erreur risque de se reproduire si l’on suppose qu’il y a seulement des dysfonctionnements institutionnels qu’il faut corriger. Il n’y a pas de dysfonctionnement dans le régime algérien qui a sa propre rationalité et sa propre logique. Ce que la protestation populaire demande avec clarté, c’est une autre rationalité politique, c’est-à-dire le transfert effectif de la souveraineté populaire vers l’électorat pour toutes les fonctions électives. Toute proposition cherchant le changement doit tenir compte de la spécificité du régime algérien qui n’est pas une dictature militaire. C’est un régime populiste autoritaire qui prétend protéger la société des divisions politiques. Il n’utilise pas les unités militaires pour réprimer les libertés publiques et les opposants. Il utilise une police politique qui a soumis à sa volonté la gendarmerie, la DGSN et le ministère de la justice. Ces trois institutions, indispensables pour la protection des libertés publiques, échappent à l’autorité du président et du gouvernement en violation de la constitution. À travers ces trois institutions, le Commandement militaire étouffe la société civile et fausse la représentativité des assemblées élues. Si la transition de 1989 a échoué, c’est parce que le Commandement militaire, par le biais du DRS, a refusé toute autonomie aux partis et aux syndicats. C’est pour cette raison que les propositions pour une sortie de crise doivent être concrètes et porter sur les rapports réels d’autorité dans le champ de l’Etat afin que le Commandement militaire n’absorbe pas la transition comme il a avalé les partis après 1989. Pour le Commandement militaire, les partis doivent être une extension du pouvoir exécutif et non un contre-pouvoir institutionnel inscrit dans l’alternance électorale. Le mouvement populaire demande une rupture totale avec cette conception et non son réaménagement. C’est le sens du slogan Yetnahaw ga3 qui signifie que le Commandement militaire se comporte comme une institution de l’Etat et non comme le pilier d’un régime politique. Par conséquent, un dialogue serein et franc doit s’ouvrir avec l’Etat-Major pour trouver un compromis autour des demandes du hirak telles qu’elles s’expriment lors des manifestations populaires. Une lecture des pancartes des manifestants fait ressortir les demandes suivantes : 1. Dissolution de la police politique (DRS) et renforcement des capacités de l’espionnage et du contre-espionnage pour protéger le pays des velléités étrangères2. Mise à la retraite automatique de tous les officiers supérieurs âgés de plus de 65 ans3. Démission de tous les officiers possédant en leur nom ou sous prête-nom des affaires commerciales4. Acceptation du principe que le ministre des gouvernements futurs de la défense soit un civil ou un militaire à la retraite depuis au moins 3 ans5. Transfert de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur comme dans tous les Etats de droit6. Permettre aux policiers d’avoir un syndicat pour garantir l’autonomie institutionnelle de la DGSN7. Libération du champ médiatique privé et public8. Libération de tous les détenus politiques9. Nomination d’un journaliste respecté par l’opinion et ses pairs à la tête de l’Agence Nationale de Publicité10. Fermeture des chaînes de télévision privées qui incitent à la haine et à l’intolérance religieuse11. Dissolution du FLN avec une cérémonie symbolique où les responsables de ce parti demandent pardon pour avoir terni l’image du FLN de Larbi Ben M’Hidi12. Dissolution de l’UGTA avec la même cérémonie de pardon13. Dissolution du RND et enquêtes sur l’enrichissement de ses membres dirigeants14. Dissolution de l’APN et du Sénat et enquêtes judiciaires à l’encontre de députés et sénateurs qui se sont enrichis après leur « élection ». 15. Révocation de tous les magistrats et juges dont les noms sont cités dans des affaires de corruption Comme le montrent les slogans scandés lors des vendredis, les Algériens n’ont aucun problème avec leur armée qui continue de jouir d’un capital symbolique très grand. Le hirak ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que sa principale revendication soit satisfaite : l’annonce d’une transition sincère et réelle. C’est dans l’intérêt du pays, des générations futures et de l’armée, partie inséparable de la nation. Par Lahouari Addi Professeur de sociologie à l’Institut d’études politiques de Lyon et chercheur au CERIEP et au GREMMO.