TRIBUNE. Que vont donc chercher les pays Africains en Russie? Si le pays reste la 11e économie mondiale, la structure de sa richesse reposant fortement sur les matières premières, la rend aussi vulnérable et rentière que les pays africains face auxquels il veut jouer au beau.
Ils n’ont pas que cela en commun: un taux de corruption très élevé, une croissance très en dessous des potentialités, une faible attractivité des investisseurs, un retard technologique, une insuffisante diversification industrielle… à quoi il faudrait ajouter un système politique ankylosé par des élections truquées, un pouvoir personnalisé, des libertés bafouées…
Bref, au lieu d’un sommet entre deux entités, on aurait pu faire une place à la Russie dans les instances de l’UA, qu’elle y serait comme un poisson dans l’eau.
Si la Russie garde de meilleurs indicateurs que la plupart des pays africains, elle n’est assurément plus la grande puissance qu’elle s’est rêvée d’être en succédant à l’URSS. Le sommet Russie-Afrique a été conçu dans l’objectif de poursuivre cette illusion, tout comme les récentes interventions en Syrie, mais la Russie sait aussi qu’elle a peu à gagner, sauf en image diplomatique, de ses relations avec ces pays qui sont les plus pauvres de la terre, avec des budgets d’armement – seule technologie qu’elle peut encore exporter – aussi faibles dans l’ensemble que l’équipement de quelques commissariats de police de Moscou, tant ils se limiteront à outiller quelques gardes présidentielles, cerbères dressés contre les velléités d’alternance.
Les Africains aussi ne voient en la Russie que la dissuasion de son droit de veto à l’ONU contre les démocraties donneuses de leçon, car ils sont bien conscients des limites de ce géant aux pieds d’argile tentant d’inventer une nouvelle vision géopolitique mais qui ne survivra certainement pas à la présidence d’un Poutine vieillissant et usé.
S’ils voulaient vraiment tous refonder le monde sur un nouvel axe, sans doute qu’un trio de coopération Afrique-Chine-Russie aurait été plus porteur que ce bal des dupes orchestrés à Sotchi qui indiffère le monde. Mais la Chine n’a besoin de personne (du moins veut-elle le faire croire), la Russie refuse de se voir dominer par quelqu’un d’autre dans un consortium, et l’Afrique se prostitue à qui mieux mieux sans dresser son propre schéma.
Aussi, tous les pays Africains à Sotchi y sont allés chacun avec sa vision, sans concertation commune particulière, portant individuellement des intérêts nationaux. Même l’UA y est allé avec une vision de l’UA, qui n’est pas la synthèse de celles de tous pays mais le simple rappel de grands principes de l’organisation ou des grands traités, comme l’agenda 2063. Ce qui en fait non une rencontre Russie-Afrique, mais « Russie et chacun des pays présents, rencontrés le même jour ».
Bonjour la vision!
Par Hervé Mahicka
C’est une bien piètre analyse de quelqu’un qui ne connaît pas grand chose de la Russie et qui a des lacunes dans le domaine économique.
D’abord, la Russie n’est pas la onzième économie du monde mais en réalité, la cinquième quasi à égalité avec l’Allemagne (qui entre en récession) quand on compare les PIB PPA. Pour rappel, le PIB est un indicateur utile pour mesurer l’évolution de l’économie d’un pays mais le PIB PPA est un plus juste indicateur pour comparer les économies de plusieurs pays.
Ensuite, la croissance industrielle russe est de plus de 3 %. La croissance économique reste faible (1,5%) mais cela indique que la priorité est donnée à l’industrialisation du pays plutôt qu’à la financiarisation de l’économie et à la consommation. Cela se traduit par la construction de nouvelles usines partout dans le pays, la construction de nouveaux ports (trois rien qu’en Baltique), de nouveaux aéroports, des chantiers navale etc. et tout cela sans aide internationale.
Il faut aussi rappeler que les recettes de l’exportation des hydrocarbures ne représentent que 10 % dans le budget russe et cela contrairement à ce que disent les « experts » occidentaux qui s’y connaissent mieux en propagande qu’en économie.
Pour le reste, les indicateurs économiques sont plutôt bons. 530 milliards de réserve de change, un budget avec des marges excédentaires, un des plus faible taux d’endettement mondial… comment pouvez-vous comparer cela aux pays africains ?
Dernier point. Il y a un relatif mécontentement populaire en Russie. C’est normal, quand on investit avec ses fonds propres, on ne peut pas satisfaire ses actionnaires en même temps en distribuant des dividendes.