TRIBUNE. Pour peu que je m’en souvienne, la cohérence avec sa propre ligne idéologique n’a jamais été le fort des acteurs politiques de mon pays. Je prends pour preuve le grand théâtre de mauvais goût qui se déroule devant nos yeux dans la plate-forme de Lamuka en l’espace de quelques années.
Tenez !
-11 novembre 2018 : naissance de Lamuka autour de Katumbi, Bemba, Muzito et Fayulu contre la coalition FCC-Cach Tshisekedi -Kabila
– 21 Mars 2019 : Fayulu dans une interview : “Félix Tshisekedi est une marionnette de Joseph Kabila… Moi je n’envisage aucune compromission… « Je ne veux pas donner des béquilles à Kabila ou à Tshisekedi », a-t-il encore déclaré en dénonçant : « Kabila a paupérisé les Congolais et a ridiculisé le Congo. Nous devons sortir de ce trou ».
– 27 janvier 2021 : Ralliement de Katumbi et de Bemba avec Tshisekedi au sein de l’USN en place au pouvoir sans avoir au préalable démissionné de Lamuka
– 28 octobre 2021 : Rapprochement Lamuka/Aile Fayulu-Muzito avec Kabila dans un soi-disant “bloc patriotique” contre Tshisekedi
– 10 mai 2022: Brusque Ralliement de Muzito à Tshisekedi dont il loue …les “performances économiques”
– 22 mai 2022 : Derrière le label de réconciliation Katangaise, s’est concrétisée une nouvelle Alliance de Katumbi main dans la main avec Kabila à Lubumbashi sans pourtant avoir auparavant rompu ni avec Lamuka de 2018 ni avec l’USN de 2021
Cinq constats donc s’imposent:
1. Les agissements quasi contemporains et en ordre dispersé de Fayulu, Muzito et Katumbi durant la même semaine ont signé l’acte de décès de Lamuka. Cette plateforme n’a plus aucune crédibilité pour servir de contrepouvoir car elle fricote désormais avec les tenants du pouvoir. Désormais l’on sait que tous appartiennent au même camp politique.
2. Dans ce meli melo politique, les élections de 2023 s’avèrent INUTILES car elles seraient destinées à remplacer les mêmes par les mêmes. Et quand bien même le peuple se décidait à chercher une TROISIÈME VOIE en vue de remettre de l’ordre dans l’arène politique congolaise et de faire remettre debout un pays “déclaré mort” par … les tenants du pouvoir eux-mêmes, il lui faudra trouver des mécanismes hors normes pour imposer sa volonté souveraine face à une classe politique dévoyée et liguée contre son propre peuple.
3) Pour revenir à l’imbroglio politique en cours en RDC, retenons que le désordre auquel je faisais allusion plus haut obéit en réalité à un ordre. C’est en quelque sorte un ordre dans le désordre d’Edgar Morin. Un désordre qui obéirait à un un dessein intelligent.
Pour le comprendre, de fil en aiguille, il suffit de remonter en amont de ce chaos et de prendre le courage d’identifier qui est l’auteur intellectuel de ce meli melo politique en cours qui tend à rassembler des forces jadis contraires dans une union politique indigeste, versant dans le ridicule l’ensemble de ces acteurs politiques qui se retrouvent au même moment et au pouvoir et dans l’opposition.
Savoir nommer le DÉMIURGE de ce désordre politique, c’est à la fois se donner le pouvoir de rassembler les morceaux du puzzle pour percer l’horizon des enjeux politiques actuels et la direction, hélas la très mauvaise direction que la RDC est en train de prendre.
4. Je reste personnellement convaincu qu’il y a un lien logique entre le décès inopiné de Lamuka et la messe noire de Lubumbashi. À ce sujet, l’organisation du protocole d’accueil de Joseph Kabila hier dimanche en dit long sur une préséance visiblement accordée à Joseph Kabila que ce soit à l’entrée de l’église où il a été accueilli en messie que ce soit à l’intérieur de l’église où sa place de chef du clan et de leader provincial a été remarquablement affirmée sans ambages et avec l’accord tacite de Katumbi assis parmi les autres et qui a pris l’initiative de se déplacer pour le saluer.
Est-ce là par calcul stratégique d’un politicien qui sait que ce chef du clan ayant déjà tiré deux penalties ne se permettra plus d’en tirer un troisième? Est-ce en sourdine une manœuvre politique de feindre élever Kabila pour qu’il serve de soutien et de rampe de lancement à la prochaine candidature de Moïse Katumbi? Difficile à dire à l’étape actuelle mais un début de vérité a été lâché par un des organisateurs du forum à savoir organiser la réconciliation des fils de la province Katangaise pour les grandes ambitions “NATIONALES”. Et le scénario du hier dimanche 22 mai a mis en exergue celui qui incarne le porte-étendard de ces ambitions à l’échelle nationale.
5. Cependant il sied de souligner que toute lecture strictement électorale dans le cas échéant peut ou ne pas être crédible. Il suffit pour cela de lire les conclusions du forum de Lubumbashi avec deux points significatifs à savoir l’avènement du FEDERALISME et l’UNIFORMISATION en une seule et unique dénomination “KATANGA” de toutes les provinces démembrées du grand Katanga. Ce qui en termes clairs nous permet de saisir les deux bouts de l’énigme du chaos politique congolais actuel.
L’inutilité des élections ( dont même les analphabètes congolais ont compris le processus structurel de fraude) a fait savoir aux maîtres du Congo que le scrutin n’est plus un instrument efficace pour faire main basse sur la RDC. Une énième “nomination” électorale d’un nouveau président n’intéresserait plus les pouvoirs profonds qui ont pu trouver dans le DÉMEMBREMENT du Congo par scissiparité de ses provinces, l’arme redoutable qui leur manquait. Connaissant les tendances tribalistes et régionalistes de la plupart des congolais, les ennemis du Congo sont en train de remuer le couteau dans ce qui a toujours été depuis les heures des indépendances, la plaie puante de la vie politique en RDC.
Au cas où les forces centrifuges réussissent à prendre le dessus sur le pouvoir central, ne nous étonnons donc plus que cette “vague de réconciliation régionale” devienne la nouvelle marque déposée de la DÉSUNION NATIONALE et s’étende tel un raz-de-marée un peu partout dans les autres provinces avec des conséquences politiques désastreuses. À ce stade, la balkanisation sera cette fois-ci assurée par les congolais eux-mêmes qui se seront laissés tomber dans le piège du démiurge.
Par Germain Nzinga