TRIBUNE. Cité parmi les personnalités bénéficiaires des cartes Visa prépayées par l’argent du contribuable et dans son droit de réponse aux accusations, l’ex-ministre de finances José Sele a donné des explications abracadabrantes qui laissent à désirer et ce, sur les points suivants.
Primo, lorsqu’il argue que « au pays, c’est une tradition qui remonte à l’indépendance. Tous les ministres des Affaires étrangères, des Finances et les Gouverneurs de la Banque Centrale du Congo ont toujours bénéficié de ces cartes », il manque d’être conséquent dans les preuves qu’il fournit et qui ne remontent qu’à la primature d’Augustin Matata Ponyo qui est le symbole même du prolongement du même système Afdl au service duquel a oeuvré Jose Sele. Notons que cette pratique « dans sa version actuelle » ne date pas depuis l’ère de l’indépendance. Jules Alingete est très clair là-dessus. « Les cartes visa ne datent pas de l’indépendance. C’est une nouvelle technologie en vogue datant d’ il y a une quinzaine d’années dans notre pays ». Deux autres anciens gouverneurs de la banque centrale congolaise sont formels là-dessus et affirment n’avoir jamais utilisé ce système. Il faut donc trouver l’explication de ces pratiques douteuses dans le système de prédation mis en place par le PPRD et son autorité « morale » et qui a rendu exsangue toute l’économie congolaise.
Ceci dit, la question n’est pas que l’opinion soit scandalisée parce qu’un ministre des finances ait détenu une carte prépayée de décaissement à hauteur de 20.000 à 40.000$ durant l’exercice de ses fonctions. Le vrai problème est que lui et consorts continuent à s’en servir bien après leur mandat…
Au troisième grief contre la mise au point de José Sele, l’on retient qu’il a défini lui-même la catégorie des officiels de l’état qui ont droit à ces cartes. Il s’agit en ordre d’importance: « 1) Le ministre des Affaires étrangères; 2) Le ministre de la Coopération; 3) Le ministre des Finances et 4) Le Gouverneur de la BCC. »
Et c’est justement là où le bât blesse. Car comment nous expliquer qu’Emmanuel Shadary, Aubin Minaku, Kikaya Bin Karubi etc. aient eu droit aux nombreux détournements et avantages illégaux alors que ni l’un ni l’autre ne figuraient dans cette catégorie restreinte?
Selon le rapport des inspecteurs de l’IGF, plusieurs détenteurs indus de ces cartes des crédits dont des anciens ministres et des anciens dignitaires PPRD et quelques-uns de l’UDPS, mais aussi des hauts gradés de l’armée et même des individus qui n’ont rien à avoir avec les affaires de l’état. Comment se fait-il que tout ce beau monde ait pu avoir droit à ces avantages illégaux sans que l’ex ministre des finances n’ait pu lever son petit doigt pour dénoncer ces pratiques et remettre de l’ordre dans la boîte?
La vérité c’est que José Sele et compagnie ont accepté de travailler au profit d’un système qui a érigé la prédation comme mode de gouvernance. Quitte à laisser le pays sombrer dans l’état de déliquescence où il se trouve actuellement.
Pour tout dire, les explications du ministre de finances sont encore plus choquantes que les graves abus révélés par l’IGF … Il aurait mieux fait de se taire et de réparer les torts commis.
Et à propos de réparation justement, la solution de désactivation de cartes prise par l’actuel ministre des finances, je la trouve très incomplète. L’IGF a fait du travail admirable mais ses compétences se limitent à enquêter, à réunir des éléments de preuve et à les transmettre auprès du Ministère public ( Parquet) chargé, lui, de rendre justice. Cette liste des personnes sans titre ni qualité qui ont utilisé illégalement ces cartes prépayées dans plusieurs pays étrangers, mieux vaudra dans les tout prochains jours procéder aux traçages de toutes ces cartes en vue de répertorier les sommes d’argent retirées illégalement pour que l’Etat congolais rentre dans ses droits. Qu’on se le dise!
Par Germain Nzinga