L’écriture de l’écrivain congolais Pierre Ntsemou, est avant tout un hommage à la langue, la beauté des mots reflète celle de vivre pour ainsi créer une sorte de pulsion jubilatoire au lecteur.
Penser l’écrivain congolais Pierre Ntsémou et penser comme lui à travers son œuvre polymorphe et polygénérique, c’est repenser avant tout l’existence, et par elle, l’écriture à travers ses canons esthétiques tant défini par le classicisme. Écriture simple et complexe, portant sur le jeu et les enjeux des mots, l’écriture de Pierre Ntsemou s’appuie avant tout sur la métaphore, comme instance doublement articulée du langage ; partant de l’irréel ; du réel au surréel, de la conscience sociale à l’inconscient littéraire, bref, il s’agit d’une écriture à l’acmé. « Le mot juste » dont fait écho cette écriture trouve autant de force dans l’assertion de Nicolas Boileau, selon laquelle ; « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». À cet effet, puisqu’il s’agit là d’une Diction et fiction pour citer Gérard Genette, d’un Plaisir du texte, pour citer cette fois-ci Roland Barthes, alors, saisissons-en la portée dans ce que le roman Diélé : l’ange, l’homme et la bête donne à découvrir.
Roman dont la texture se rapproche de celle du Nom de la rose d’Umberto Eco, Diélé ; l’ange, l’homme et la bête, ne peut se lire qu’au degré zéro de l’écriture au sens barthésien. Car le titre comme appareil, perçu comme un micro-texte, mieux, un microcosme de ce macrocosme qui est le livre, est construit et fonctionne sur la base de l’éponymie, en raison de son rapport avec le héros du roman. Cette corrélation identitaire, conjonction du titre et du héros ; qui se lit parallèlement dans Madame de Bovary de Gustave Flaubert, Baudelino d’Umberto Eco, Makalamba de Yoka Mampunga , Johnny chien méchant d’Emmanuel Boundzéki Dongala et dans Verre cassé d’Alain Mabanckou ; donne au roman de l’écrivain Pierre Ntsemou, une dimension de narrativité plus complexe, d’autant plus complexe que l’agencement de l’histoire subit une segmentation du récit . Ce roman est donc un mensonge romantique et une vérité romanesque, pour citer René Girard dans un ouvrage homophone ; une fable-romanesque, mieux, l’écriture de la réécriture et la réécriture de l’écriture qui donne à l’histoire racontée une dimension mythique. Tel un coffre-fort à multiples parois, Diélé : l’ange, l’homme et la bête est composé d’une tripartition dont la chronologie historique apparait absconse pour le lecteur moins averti. À cela s’ajoute, le phénomène de transmodalisation intermodal tel que développé par Genette, qui situe le texte à la croisée des genres. De l’avant-propos à l’incipit, et de l’incipit à l’excipit, on assiste à une poétisation du genre romanesque. Le texte est de bout en bout ponctué d’une littérarité, laquelle non seulement émeut, mais aussi émet une certaine sensibilité, une prise de conscience au lecteur par rapport à l’histoire racontée. La fonction narrative semble plus importante à cause des séquences dialogiques qui sont insuffisamment explorées. Ainsi, tout un rythme temporel et toute une géographie organisent ce roman.
Et si « le style c’est l’homme » et l’ombre de toute écriture, il convient de souligner la particularité du style de Pierre Ntsemou dans le contexte congolais. La poéticité de son style se révèle très souvent à partir du titre. Qu’il s’agisse de sa Poésie (La Flute du cœur ; Mon cœur, Ma plume et ma muse s’amusent ), de son Théâtre ( Les Déboires de patrice likeur, Tremblement de terre au ministère des affaires alimentaire ), de sa Nouvelle ( Pétrins, festins et destins en ballade, Quête, enquêtes et conquêtes de plaisirs ) ou de son Roman (Diélé : l’ange, l’homme et la bête ), les marqueurs de titres de son œuvre sont l’expression d’un langage imagé : « une poétique de l’existence et l’existence d’une poétique » pour ainsi citer Antoine Yila.
Ce roman est perçu comme la réécriture de l’écriture et de l’histoire comme nous l’avons dit supra, à travers les perspectives narratives et l’image constante du mythe en présence. Autrement dit, ce roman de Pierre Ntsemou est une réécriture du mythe. Et c’est l’échec des mbulumbulu , en tant que porteur de civilisation en terre ‘’kongolaide’’ , qui explique l’arrivée de Diélé en tant que ange, source lumineuse du peuple longtemps plongé dans l’obscurantisme. La démission de Diélé du pouvoir, après avoir accompli sa mission, donne à ce roman une portée essentiellement humaniste et humanisante.
En définitive, il convient de noter que cette prose romanesque obéit à une pratique constante de la référencialité et du jeu référentiel à partir du champ proverbiale comme trace de l’oralité. La dimension christique de diélé à travers sa mission salvatrice imposée par Nzamb’Mpungu, est un régime allusif aux Saintes Ecritures. Ce roman est donc une réécriture biblique dans un contexte purement africain, d’où sa portée non seulement mystique mais aussi mythique.