La décennie 90 peut-être considérée comme celle où le plus grand nombre des musiciens bantous nous ont quittés (12 au total). Des plus jeunes aux plus âgés, plusieurs musiciens des Bantous ont disparu, en nous laissant un héritage de chansons et des danses.
01) – L’année 1990, s’ouvre d’ailleurs avec la disparition d’un grand chanteur. Théophile Bitsikou « Théo ».
C’est le 05 Mai 1990, que le chanteur de grand renom Théophile Bitsikou « Théo » a quitté ce monde à un moment où il se trouvait au sommet de sa gloire avec l’orchestre Les Bantous de la capitale.
La venue de Bitsikou dans l’orchestre Bantous en 1969 lui ouvre des nouveaux horizons, notamment le Premier Festival Culturel Panafricain d’Alger du 21 au 5 Août 1969, à l’issu duquel il sort chez Pathé Marconi son plus grand succès « Congo Velita ».
Grand idéaliste, comme musicien, Bitsikou « Théo » était doué et intelligent. Il a siégé comme député de l’UNEAC (Union Nationale des Ecrivains et Artiste Congolais) à l’Assemblée Nationale dans les années 70, avant de quitter Les Bantous et de créer en Septembre 1972, avec Passy « Mermans »; Edo Ganga; Ange Linaud Ndjendo l’orchestre « Les Nzoys ». Il compose en 1973 avec ce groupe plusieurs chansons dont le célèbre « ALuizi ».
02) – 1990 – Un nouveau coup dur : Didier Kabala monte au créneau avec la création de « Bantous Monument »
1990 – Le grand nombre de musiciens (23) que l’orchestre a continué à gérer depuis ses dernières retrouvailles avec Jean-Jules Okabando (Maire de Brazzaville) et surtout à une période de vaches maigres, et de dissension de quelques musiciens avec le président Nino Malapet (depuis la nomination de Pamélo comme chef d’orchestre) l’a naturellement exposé à des pressions exercées sur un bon nombre de musiciens dans le seul but d’obtenir leur adhésion dans une nouvelle formation.
Un mécène, et un grand ami des Bantous ; Didier Kabala, officier de l’armée congolaise, réussi à gagner la confiance de cinq musiciens de premier plan pour mettre en place une formation concurrente.
C’est donc un nouveau départ des musiciens Edo Ganga, Kouka Célio, Taloulou Alphonso, Samba Mascott, Alphonse Mpassy « Mermans », Pamelo Mounk’A, Gerry Gérard Biyela et José Missamou pour donner naissance à un nouvel orchestre dirigé par Pamélo et qui opte pour une appellation on ne peu mémorable : « BantousMonument« .
Se joignent à ses anciens des Bantous, d’autres musiciens venus de divers orchestres de Brazzaville. Tout comme Jean-Serge Essous, qui depuis Paris est intervenu à un des enregistrements du groupe. Ainsi, on peut affirmer que c’était le plus grand désastre qu’avait connu l’orchestre Les Bantous après celui de 1972, lequel avait donné lieu à la création des orchestres « Le Peuple » et « Les Nzoys »
Pour les détracteurs des Bantous, c’était la fin d’un rêve. Mais c’est sans compter sur l’audace et la forte personnalité de Nino Malapet et le dévouement de Saturnin Pandi (deux des six cofondateurs restés fidèles). Quelques jours suffiront à Nino Malapet de remplacer les partants et de remettre l’orchestre au travail.
03) – 1990 – Kinshasa – Premier anniversaire de la mort de Luambo-Makiadi Franco
12 Octobre 1990 – Les Bantous de la capitale sont à Kinshasa où ils ont été conviés par la Fondation Luambo-Makiadi et la Famille OK Jazz à se produire au Palais du Peuple de Kinshasa pour commémorer le premier anniversaire de la mort de Luambo-Makiadi Franco. Une initiative louable et appréciée par les kinois grands admirateurs des Bantous de la capitale.
Sous la direction de Nino Malapet et en dépit de l’absence des vedettes biens connues des kinois : Essous, Ganga Edo, Kouka « Celio », Mountouari « Kosmos » et Pamelo Mounk’A, Les Bantous ont causé une très grande sensation en imposant leur astucieux mélange de rythmes, composé de rumba, salsa, boléro… et de tempos brisés hérités du son cubain.
04) – 1991 – Les Bantous et la Conférence Nationale Souveraine
Du 25 Février au 10 Juin 1991, s’est tenue à Brazzaville la Conférence Nationale Souveraine, prélude à l’avènement de la démocratie suivie des élections qui porteront Mr. Pascal Lissouba à la présidence de la république du Congo.
En tout cas Les Bantous, eux sont encore loin de se faire une idée des changements qui seront opérés sur le plan artistique. Il n’en demeure pas moins que l’orchestre qui considère la musique comme un instrument qui sert à vulgariser la culture d’un pays fonde ses espoirs sur la production phonographique.
La conjoncture économique difficile que traverse le pays ne permettant pas aux musiciens de vivre exclusivement des concerts, l’accent est donc mis sur les répétitions qui ont abouti par la sortie d’une K7 audio enregistrée dans le studio de Freddy Kebano.
05) – 1991 – Lancement d’un Nouvel album sous la marque « Music Press » – Réaménagement de l’orchestre.
1991 – Pour encourager les jeunes musiciens récemment recrutés, une cassette audio éditée par « Music Press » est placée sur le marché avec des chansons signées Ngolo, Alhaji, Pambou, Pouela « Dupool », Ngoualali et Boyibanda. Mais la promotion de celle-ci ne sera pas bien assurée, au point où elle ne sera pas suffisamment distribuée.
06) – L’obstination de Nino Malapet à vouloir obtenir une meilleure structure rythmique, le contraint régulièrement à procéder à des périodes d’essais pour des nouvelles recrues et à les disqualifier chaque fois que le rendement n’était pas satisfaisant.
C’est ainsi qu’au cours du premier semestre 1991, il fera appel à Jean Miekoutima « Ketchel » (guitare accompagnement), Edith Massengo (chant), Paul Maïtaizo « Porquito » (saxo), Francis Livoro « Sam » ( guitare basse) et Elenga « Elyngton » (guitare basse venu de Télé Music), pendant que Michel Boyibanda (chant) et Michel Moumpala (guitare), suivis peu de temps après par Paul Maitaizo (saxo) s’en iront à leur tour.
07) – 1991 – Edith Massengo
Elle est considérée comme la première chanteuse congolaise de l’orchestre Bantous. On lui prédisait le plus brillant succès, mais elle a décroché au moment où pourtant, elle commençait à s’affirmer.
08) – 1991 Décès de Joseph Samba Mayanguila « Sammy-Mascott »
Le 10 Avril 1991, est arrivé la nouvelle qui a frappé tous les mélomanes congolais et particulièrement les sympathisants des Bantous : le décès de Joseph Samba-Mayanguila « Sammy-Mascott ».
Avec lui, disparaissait celui qui de tous les guitaristes accompagnateurs congolais depuis 1963 est tenu pour avoir été le plus loin, dans sa création personnelle. Il a su fixer le style de la rumba « bantoue », le dégageant des influences de Jacques Mambau « Jacky », l’accompagnateur d’Antoine Nedule « Papa Noël ».
Très doué, Samba « Mascott« , cet ancien de l’orchestre Novelty, s’enthousiasme pour des tournures rythmiques classiques et recherche l’union intime de la poésie et de la musique. Il crée un langage musical nouveau qui se révèle impressionnant, par la rigueur, l’élégance et la sérénité de son style.
Esprit ouvert à toute la musique de son temps, il sait en assimiler le meilleur des compositions saisissantes par leur grandeur, leur noblesse, leur sérénité. Les plus célèbres : « Marie Jeanne », « Henriette Bouzitou » « Femme nouvelle », « Chérie Amouzoud »…
09) – 1991 – le guitariste Emmanuel Boukaka « Ansco » s’en est allé lui aussi
1991, continue avec la série noire. En effet, encore une autre disparition, aussi douloureuse que celles connues auparavant; le décès du guitariste soliste Emmanuel Boukaka « Ansco« . Membre de l’orchestre depuis seulement 1986, il réunissait déjà toutes les qualités de bon mi-solo ou soliste et s’était inspiré du style de la lignée des guitaristes qu’a connus Les Bantous, particulièrement du style « Gerry Gérard » avec qui il a su créer un climat d’active complicité à la mi-solo. Sa mort a été profondément ressentie par tous ses amis.
10) – 1992 – Jean-Serge Essous de nouveau au Congo, et nommé conseiller culturel au cabinet du président de la république
Vers la fin de l’année 1992, l’enfant prodigue Jean-Serge Essous est de nouveau à Brazzaville, après un séjour forcé de plus d’un an en France. Il est rentré convalescent. Néanmoins et malgré son mauvais état de santé Essous à pu réaliser un 33 cm dans lequel on compte plusieurs titres, dont « Mbote »… et surtout « Nzobi » dédié au président gabonais Omar Bango, et qui lui a valu une invitation du président à Libreville.
Essous, hélas ! n’accordera par la suite que très peu de temps à l’orchestre, pour la simple raison qu’il aura le mérite et le privilège d’être nommé conseiller culturel au cabinet du président de la république, Pascal Lissouba. C’est sans doute un des titres les plus honorables attribués à un musicien congolais.
Les Bantous sous la direction de Nino Malapet continuent la recherche de climats et l’utilisation habile de toutes les possibilités d’enrichir rapidement leur musique à travers d’intenses séances de répétitions. Les productions publiques sont repoussées aux calendres grecques en raison des conséquences dramatiques de la guerre civile que traverse le pays depuis 1991.
L’année 1992 s’achève dans la douleur pour Les Bantous, tout comme pour l’ensemble des groupes musicaux du Congo.
11) – 1993 – La traversée du désert continue – Décoration Présidentielle.
Les musiciens de Brazzaville qui éprouvent un réel intérêt à ce que les concerts de musique aient lieu pour favoriser le mouvement de paix, de démocratie et de progrès social, se trouvent toujours confrontés au climat d’insécurité né de l’imbroglio politique que connait le pays. Ainsi, ils seront sacrifiés à vivre durement leur traversée du désert.
Cependant, 1993 apportera néanmoins une satisfaction morale, voire financière à quelques artistes pris individuellement et qui se verront décorés dans l’ordre du mérite congolais, par le Président de la République Pascal Lissouba le 15 Août à l’occasion de la célébration de l’an 34 de l’indépendance du Congo. Il leur sera reconnu d’avoir apporté dans le domaine artistique une contribution particulièrement marquant. Ce sont les musiciens : Jean-Serge Essous, Ange Linaud Djendo, Antoine Moundanda et Loussialala.
Si l’initiative de décorer les artistes a été une bonne chose, elle a été tout de même sévèrement critiquée par plusieurs autres musiciens, la presse et les chroniqueurs de musique quant aux critères discriminatoires retenus pour le choix des musiciens.
L’absence des éminents musiciens comme Nino Malapet (que l’on ne pouvait dissocier de Essous), Guy Léon Fylla, Ganga Edo, Célestin Kouka, Saturnin Pandi, Marie-Isidore Diaboua… pour ne citer que les plus anciens, a suscité un mécontentement et une indignation dans la grande famille des musiciens congolais.
1993 s’achève sans surprise dans un climat d’insécurité à Brazzaville. En effet, les fêtes de Noël et de Nouvel an qui ont toujours constitué les plus grandes manifestations populaires au Congo n’ont pas connu leurs traditions joyeuses. Pour la première fois, depuis la naissance de l’orchestre en 1959, il sera privé de concert à Noël et à la Saint Sylvestre, simplement parce que personne n’ose sortir , de peur de recevoir une balle perdue.
12) – 1994 – Toujours aucune voie nouvelle dans la reprise des activités musicales à Brazzaville
1994 s’ouvre pourtant avec une lueur d’espoir pour tous ceux qui aspirent à la paix, à la sécurité pour les meilleures conditions de travail, notamment pour Les Bantous et tous les autres orchestres de la capitale, mais il faut attendre.
C’est donc, dans cette crise que Les Bantous se trouvent plongé dans un environnement qui naturellement ne peut assurer la stabilité du groupe. Il reste impuissant de voir partir des musiciens à tout moment, la ville n’offrant aucun signe de vie culturelle.
13) – 1994 – Encore la défection de trois musiciens
Eu égard à la situation difficile que traverse l’orchestre, rien d’étonnant d’assister à la défection des musiciens ci-après : Raphaël Ngolo (chant), Sam Livoro (guitare basse), Miekoutima « Ketchel » (guitare lead). Ils se retirent sans difficultés, et il faut les comprendre.
Cependant, on assiste au retour du chanteur Michel Boyibanda et au recrutement des nouveaux musiciens : Poaty (guitare rythmique, venu du groupe Kamikaze), Olivier Nkounkou (chanteur venu du groupe de Bounzeki), Ignace Makirimbia (percussionniste, ex-musicien de l’orchestre Continental deKinshasa) et Loboko (drummer)
13) – Avril 1994 – Concert de retour à la paix
Entre-temps, la paix, bien que précaire est revenue dans le pays après les affrontements inter-ethniques de Décembre 1993 à Janvier 1994. L’orchestre élabore un programme de relance des activités. Un programme choc qui concoure au maintien de la paix revenu à Brazzaville. Celui-ci commence le Samedi 2 Avril 1994 par un spectacle suivi d’un bal sur l’esplanade du Palais du Parlement sous la présidence du Ministre d’Etat chargé du développement, Mr. Stéphane Bongo-Nouara.
14) – Mai – Juin 1994 – Séjour de l’orchestre Les Bantous à Ouesso
Sans perdre de vue les mesures qu’il doit pouvoir adopter pour entreprendre un travail qui porte sur la vitalité et la richesse de la future expression d’une musique de grande qualité.
C’est donc une formation des Bantous rajeunie qui tient à s’éloigner de la capitale au cours d’un pittoresque voyage en bateau, pour se retrouver en région et continuer à mieux travailler son style pour pouvoir s’affirmer davantage comme un groupe de référence.
Développant ses qualités rythmiques et harmoniques peu communs, l’orchestre a su mettre en valeur ses inventions et soulevé l’enthousiasme de tous les mélomanes et sympathisants de la Sangha venus des centres de Sembe, Mokeko, Ngwala et Sembé, applaudir les 16 musiciens des Bantous ci-après :
Nino Malapet, Anatole Bokassa (saxo), Michel Ngoualali (saxo-flûte), Samuel Malonga et Mafouta (trompettes), Michel Boyibanda, Lambert Kabako, Célio Pambou et Olivier Nkounkou (chant), Aladji Litimbi, Poaty et Kodia Dinuka (guitares), Joseph Elenga « Elington » (guitare basse), Saturnin Pandi, Ignace Makirimbia (percussion), Loboko (drums). Absent du voyage : Siméon Malonga « Rikky » (drums)
15) – Juin 1994 – Retour à Brazzaville
A l’issu du vaste programme de travail et d’animation qui a duré deux mois, Les Bantous sont rentrés fin Juin 1994 très satisfaits d’avoir à la fois créer en leur sein un espace de travail exemplaire et surtout d’avoir stimuler l’activité musicale moderne, dans cette zone rurale par l’instrument, le chant et la danse. L’orchestre se donne deux mois de pause avant de renouer en Septembre 1994 avec un programme d’animation très fructueux.
15) – 1994 – Le temps du groupe « Bantous Monument »
Le silence des Bantous sur le marché du disque qui est relatif à un manque de dynamisme, place la formation « rebelle » de Bantous Monument à la tête des groupes congolais les plus en vogue. Il a su développer son talent qui lui a permis de sortir des albums très alléchants pour les adeptes de la bonne musique congolaise. Il est d’ailleurs largement plébiscité au Hit parade du disque africain. C’est donc le temps du groupe Bantous Monument, difficile donc pour ceux qui ont les tympans solides de ne pas écouter ses chansons.
Pas donc de solution miracle pour Les Bantous qui à l’instar de leurs rivaux « Bantous Monument » peinent à trouver le chemin des studios d’enregistrement. Pourtant suffisamment préparés, mais n’arrivent pas à décrocher un bon mécène pour un contrat de production.
16) – Août 1994 – Première Edition « Ngwomo Africa – Kinshasa
Le 15 Août 1994 s’ouvre à l’hôtel Continentale de Kinshasa, la première édition de « Ngwomo Africa », trophée destiné à récompenser les meilleurs artistes musiciens africains de l’année. Les musiciens Jean-Serge Essous, Pamélo Mounk’A et Casimir ZAO du Congo-Brazzaville marquent leur présence par une prestation spectaculaire, rivalisant avec les artistes de l’Afrique du sud, d’Algérie, du Benin, du Cameroun, de la Côte-d’Ivoire, du Gabon, du Mali, du Sénégal et du Zaïre.
17) – Octobre 1994 – Création du Comité de Redressement et de Soutien de l’Orchestre Bantous
L’inquiétude que provoque la situation précaire de l’orchestre, interpelle de nombreux sympathisants qui au cours du mois d’octobre 1994 créent en assemblée générale un « Comité de Redressement et de Soutien de l’orchestre Bantous de la capitale ».
Ce Comité succède au grandClub Bantou qui a existé de 1965 aux années 80. On compte au sein secrétariat exécutif : Joseph Mpenaya, Rufin Mvindzou, François Ontsira, Michel Ntsourou et Eugène Dahoua. Le comité se met aussitôt au travail avec comme objectifs :- Restaurer la discipline, le travail et la cohésion – Contribuer à la promotion des œuvres musicales – Soutenir et appuyer les activités productives.
Quatre musiciens vont faire les frais de la nouvelle organisation, notamment le départ: du chanteur Olivier Nkounkou, desguitaristes : Alhadji Litimbi et Poaty, du drummer Siméon Malonga « Rikky », remplacés respectivement par Cyriaque Nkonda (chant), Joseph Ouannabo « Kalado », Jean-Louis Ndouboudi (guitares) et Gaudron Samba (drums)
18) – Mai 1995 – Triomphe des Bantous au Centre Culturel Français de Brazzaville
Le travail de redressement amorcé par le « Comité de Redressement et de Soutien », et validé par le chef d’orchestre Nino Malapet commence à porter ses fruits. La preuve, cette soirée de Gala du 20 Mai 1995 au Centre Culturel Français de Brazzaville, un show fort convaincant, devant une audience qui lui fait le triomphe après plus d’une heure de musique variée, appliquée et luxuriante.
La qualité première des Bantous tout au long de cette année 1995 va résider dans les arrangements habilement adaptés à la personnalité de chacun. La perfection dans l’exécution sera la marque également d’une maturité, d’une force tranquille qui formera un contraste heureux avec la fugue jamais démérité des cuivres.
19) – Janvier 1996 – Adieu Pamélo Mounk’A
Ceci étant, l’évènement le plus bouleversant en ce début d’année 1996 est sans nul doute le décès du célèbre chanteur Pamélo Mounk’A intervenu le 14 Janvier 1996 à l’âge de 51 ans, des suites d’une longue et pénible maladie.
La figure de Pamelo Mounk’A, est demeuré très présente, aussi bien auprès du public que des musiciens… Son apport fut énorme, notamment dans l’évolution vocale du style des Bantous de la Capitale. Il est une des figures les plus actives et populaires de la musique congolaise des années 80.
Harmoniciste au phrasé parcimonieux mais très expressif, c’est surtout un compositeur d’une dimension exceptionnelle. Il a su se servir des acquis du style de composer de Tabu Ley son inspirateur – soit dit en passant, on peut le considérer comme l’un des grands adeptes de l’école African – et renouveler la présentation de la rumba traditionnelle, (Rumba-soukous)
En 1981, fort de l’expérience vécue dans son parcours internationale, il décide pour une seconde fois de plus de se séparer des Bantous pour s’engager dans une carrière solo. C’est ainsi qu’il réalise à la Maison Edyson des œuvres fort impressionnantes qui font de lui l’un des artistes africains le plus écouté Citons : « L’argent appelle l’argent », « Amour de Nombakele », « Ce n’est que ma secrétaire »
20) – 1996 – Participation des Bantous en pleine forme à la Première édition du FESPAM (Festival Panafricain de Musique) qui s’est tenu à Brazzaville du 09 au 16 Août 1996, sous l’égide de l’OUA (l’organisation de l’Union Africaine) et sous le thème : « La musique africaine au service de la paix et du développement ».
21) le 14 Novembre 1996 disparition de Saturnin Pandi « Ben » –
Il était le plus grand percussionniste de la musique congolaise moderne
Il méritait bien son titre de « Meilleur batteur du Pool » . Sensible au timbre et à la texture des instruments, Saturnin Pandi se plaisait à « faire parler les percussions ». Fasciné depuis toujours par les tumbas, il a joué notamment auprès de son complice le flutiste Marie-Isidore Diaboua et le percussionniste Liberlin de Shoriba Diop. Toujours à la recherche de « l’acte de création », il a élaboré aux éditions Loningisa la technique de jouer aux 3 tam-tams cumulés (tumbas à la cubaine)
Parti à l’âge de 63 ans, Pandi a laissé une discographie très riche réalisée aussi bien avec le CDJ Diaboua (1952), Les éditions Loningisa (1954) l’OK Jazz (1956), le Rock’A-Mambo (1957-1959) qu’avec l’Orchestre Bantous de la capitale (1959-1976).
22) – 1996 – Les Editions Anytha Ngapy au chevet des Bantous
Décembre 1996 – Les Bantous dont tous les amateurs de la rumba et de la salsa déploraient le manque d’albums sur le marché, trouvent en Anytha Ngapy , celui qui va rompre le silence dans lequel ils se trouvent depuis plusieurs années : La sortie d’une K7 audio de 8 titres signés Lambert Kabako (« Maou Vivi » et « Nayoki trop ») – Samba-Babela (« Dignité ») – Cyriaque Nkodia (« Nono ») – Gilbert Kodi-Dinuka (« Libala bosembo ») – Célestin Pambou (« Cathy ») – Eusèbe Nganga (« Nzolani ») – Ignace Makirimbia (« Ibe »).
Cette K7 constitue une exceptionnelle réussite et surtout une grande satisfaction, au moment où de nombreux mélomanes et sympathisants semblaient perdre un peu de l’enthousiasme qu’avaient suscité les derniers enregistrements qui datent de quelques années.
Fort du succès de cette cassette, les Editions Anitha Ngapy vont reproduire tous les meilleurs albums de la discographie des Bantous des années 60/70/80, certains dans leurs pochettes originales.. Ces albums constituent aujourd’hui d’étonnants documents de la sensibilité congolaise des années de gloire des Bantous.
23) – 31 Décembre 1996 – Concert du Réveillon de la Saint Sylvestre au dancing « La Détente »
Enfin, Les Bantous terminent en beauté l’année 1996 dans l’arrondissement (2) Bacongo. C’est davantage pour répondre à l’attente de son public que « La Détente » est retenu pour le concert de réveillon de la Saint Sylvestre. Le bar-dancing à la pointe à Bacongo, s’est empli des ouailles venus nombreux célébrer avec Nino Malapet la réussite de son groupe qui a su lutter courageusement contre les rigueurs de temps.
24) – 1997 – Perspectives.
L’année 1997 s’ouvre avec des perspectives ambitieuses que se fixe la direction de l’orchestre, notamment :
– Continuer la production musicale par des nouvelles sorties de disques / – Relancer le rythme régulier des concerts pour éviter toute dévalorisation, surtout en cette année des élections présidentielles qui accorde une place de choix aux animations populaires de la campagne électorale. / – Maintenir le climat propice au progrès artistique du groupe et la mise en œuvre d’une politique de gestion qui évite le départ inattendu des musiciens.
Mais, Brazzaville, où l’activité musicale n’avait jamais autant manqué, présente un vrai visage de parent pauvre. Les dancings et salles de spectacles qui animaient à une belle époque l’intense vie nocturne de la grande cité verte avaient fermé leurs portes, fautes d’animateurs.
25) – 8 Mars 1997 – Fête internationale des femmes
Au moment où l’on s’attendait le moins, intervient comme par enchantement la célébration solennelle de la fête du 8 mars, la fête internationale des femmes. Elle permet aux Bantous de renouer avec la scène en animant le 7 mars 1997 au Palais du Parlement de Brazzaville une grande soirée de gala sous les auspices de l’association « Femmes 2000″
Riche en couleurs cette soirée fait renaître Les Bantous des années 60 et 70 par les chansons, les danses, ainsi que la mode féminine de ces années à travers l’exhibition des anciennes vedettes issues des associations comme « La Violette », « La Pause », « La Rosette », « Le Club Bantous », etc…
Le succès remporté par Les Bantous au cours de cette soirée leur fait renaître l’espoir des lendemains meilleurs, car d’autres soirées similaires sont programmées dans les mois qui ont suivi.
26) – Suspension de 3 musiciens
Trois musiciens vont faire les frais de la fête des femmes du 8 mars 1997, pour avoir été absents au concert. Ils sont suspendus de toutes activités avec l’orchestre. Ce sont : le chanteur Lambert Kabako, le percussionniste Ignace Makirimbia et le guitariste Joseph Ouannabo. Ils se sont absentés sans permission pour aller renforcer un groupe musical de souche « Téké » retenu pour animer à Ngabé la fête d’intronisation du nouveau chef des Batékés ; Le Roi Makoko.
27) Juin 1997 – Déclanchement de la guerre civile à Brazzaville – Les dégâts subis par les artistes musiciens.
Le 8 juin 1997, alors que Les Bantous étaient suffisamment préparés pour aborder la période pré-électorale, propice à l’orchestre pour l’animation des meetings, suivie de la célébration de la fête de l’indépendance le 15 Août 1997. Hélas ! survient malheureusement la guerre civile qui va sombrer le pays pendant cinq mois ; de Juin à Octobre dans une dérive meurtrière jamais connu de mémoire des congolais.
Au sortir de cette guerre, Les Bantous, comme l’ensemble des formations musicales de la capitale payeront un lourd tribu, dans la mesure où ils subiront le pillage systématique de leur outil de travail. Ils seront aussi durement éprouvés par la mort dans des conditions atroces des musiciens ci-après :
– Jean Saidou – saxophoniste des Bantous entre 1997-1979, décédé en juin 1997 dans son village natal (région des Plateaux) des suites de la déflagration d’une roquette reçue à Brazzaville.
– Jean-Marie Foussikou « Nezy », chanteur co-fondateur de l’orchestre Negro Band , surpris de plein fouet par une roquette en juillet 1997 alors qu’il se trouvait chez lui.
– Jean-Serge Monkoua « Tino » , chanteur des Bantous entre 1984-1996, mort à Kinshasa en septembre 1997 des suites d’une maladie qui a manqué des soins appropriés à cause de la guerre.
– Jules Daron Massika, chanteur du groupe « Ras Kebo » retrouvé mort dans sa maison à Bacongo.
Enfin, Nino Malapet dans son refuge au sud de Brazzaville (Bacongo) payera durement pour sa santé. Il sera contraint de gagner Kinshasa par pirogue pour subir des soins. Il est accueilli à Kinshasa par le saxophoniste Kiamuangana « Verckys » qui dans un grand élan de solidarité prendra en charge les soins et le séjour de Nino Malapet malade. Il lui sera rendu à jamais un vibrant hommage.
28) – 1997 Décès à Kinshasa du percussionniste et timbaliste Henri Weteto-Sasa « Micorason ». Rappelons également et quelques années auparavant le décès du guitariste-accompagnateur Jacques Dignos et du chanteur Joseph Bukasa « Jojo ». Avions appris également à la même époque, le décès à la Martinique de l’ancien drummer capverdien André Aribot.
29) – 1998 – Persistance de la situation difficile des musiciens
C’est le cœur dans l’âme que l’année 1998 commence pour tous les musiciens congolais qui ne trouvent toujours pas le bout du tunnel. La situation de grande précarité liée au manque de moyen de production persiste. Et comme le malheur n’arrive jamais seul, l’orchestre perd un de ses meilleurs saxophonistes, Anatole Bokassa.
30) 1998 – Disparition du saxophoniste Anatole Bokassa « Atos »
Le 19 Juin 1998, le saxophoniste des Bantous Anatole Bokassa « Atos » trouve la mort à Brazzaville, à la suite d’une courte maladie. Il était âgé de 53 ans.
Quand le saxophone est devenu son Instrument de Prédilection
Les partisans des cuivres dans la musique congolaise, ont trouvé en lui un des meilleurs saxophonistes soprano. L’énergie déployée par ses coups de becs lorsque ses doigts empoignent les touches pour se fondre à l’euphorie de ses ainés Nino-Essous, atteint son paroxysme dans les classiques : « Masua », « Rosalie Diop », « Alphonsine », etc…
Mais leur talent pour chauffer une salle n’est jamais aussi évident que lorsqu’ils reprennent les hymnes de la génération Salsa, tels les fameux : « Comité Bantou », « El Manicero ».
Ancien sociétaire des orchestres « Los Batchitcha » (1965-1967) et « Sinza Kotoko » (1967-1988), Anatole Bokassa s’est affirmé dans le saxo en 1963 aux côtés de Aaron M’Baki de l’orchestre VICLO Jazz, et de Raphaël Bongo (guitariste).
Après la dislocation de Sinza Kotoko en 1988, « Atos » a évolué successivement dans les orchestres Comega, Super Boboto (SBB), Mairie Music et Les Bantous de la capitale.
Le duo formé avec son ainé, Nino Malapet, lui a permis de confirmer son véritable talent de saxophoniste.
31) – 12 Juin 1999 – La musique au service de la paix : Heureuse initiative de Justin Koumba
Après deux années de violences chroniques qui ont endeuillées les familles congolaises, Les Bantous sont retenus pour être à la tête d’un mouvement qui doit ouvrir la voie pour dégager les lignes de force d’une musique qui doit s’inscrire comme un instrument indispensable au service de la paix , de l’unité et de la réconciliation nationale.
L’initiative de la mise en œuvre de cet idéal est prise par Justin Koumba, président du CNT (Conseil National de Transition et de la Société Civile) qui en assure la paternité, l’organisation et la réalisation d’un vaste mouvement de retour à la paix, par la musique . Les Bantous vont constituer le socle d’une sélection des meilleurs musiciens de Brazzaville et créer un groupe homogène dénommé « Les Messagers de la Paix », sous la direction de Nino Malapet.
Le poids de la présidence de Justin Koumba, président du CNT , son influence dans le monde musical congolais, et mieux encore son étiquette de musicien, vont largement contribuer à la réussite de l’évènement qui aura attiré un public énorme.
A partir de l’expérience importante qu’a été la réussite de ce Méga concert sur la paix , le thème sur la paix prend un envol très profond qui couvrira la suite des évènements musicaux ci-après :
(I) – Juin 1999 – Célébration de la fête de la musique à l’école de peinture de Poto-poto.
Organisée par le Ministère de la culture et des arts, il sera nécessaire par la ministre Aimée Mambou Gnali d’avoir recours au groupe « Les Messagers de la paix » pour animer les cérémonies solennelles d’ouverture et de clôture avec en toile de fond le discours sur la paix retrouvée, mais qu’il faut développer, amplifier pour contribuer à faire de la musique un véritable instrument de lutte.
Le groupe « Les Messagers de la paix », sous la direction de Nino Malapet, a su donner le meilleur de lui-même pour soulever l’enthousiasme de tout le monde.
(2) – Août 1999 – 2ème édition du FESPAM (Festival Panafricain de Musique)
Du 1er au 8 Août 1999 se tient à Brazzaville la 2ème édition du FESPAM. Conçue pour jouer un rôle continental en réunissant les plus grandes vedettes de la musique africaine, cette rencontre fut un moment indispensable pour faire preuve d’une grande audace culturelle et technique. Ce fut aussi une occasion belle de démonstration à l’Afrique entière d’un retour effectif de la paix au Congo.
Au regard de la remarquable prestation de la formation « Les Messagers de la paix » elle est retenue d’office au programme « Off » du Festival. Les Bantous également, mais séparément et sous leur formation naturelle.
32) – Les Bantous : Retour à la case départ
Enfin aussitôt la fête finie, Les Bantous qui ont obtenus l’un des plus grands mérites du FESPAM vont retomber inexorablement dans le désarroi récurent faute d’instruments de musique.
Les concerts se feront rares, car il faut procéder absolument à la location du matériel, alors que l’orchestre traverse une situation financière difficile. C’est dans cette conjoncture des plus mauvaises qu’intervient un autre malheur : La disparition du chanteur « salsero » José Missamou.
Décembre 1999 : José Missamou, une fin douloureuse
Le mardi 21 Décembre 1999 s’éteint au CHU de Brazzaville, à l’âge de 57 ans, le grand salsero congolais et africain José Missamou. Son état de santé l’avait obligé, en effet de rentrer au bercail au mois d’octobre 1999 comme s’il savait sa fin proche. Il vivait depuis plusieurs années à Paris, accomplissant une carrière musicale élogieuse auprès des grands des grands de la salsa mondiale.
Mais, c’est surtout son passage dans Les Bantous entre 1972 et 1990 qui a été le point déterminant de sa véritable carrière de salsero, notamment sa prestation en 1978 à la Havane (Cuba) au 11ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants (sous l’égide de l’UJSC – Union de la jeunesse socialiste congolaise).
Un véritable triomphe pour celui que les cubains ont failli croire à la réincarnation du grand chanteur cubain Benny More « El Barbaro » des années 50, lequel incarne à lui seul la musique cubaine, et qui on le sait était issu d’un arrière grand-père esclave « Congo ».
José Missamou : Une grande précision d’exécution, des mélodies accrocheuses et dansantes, une sonorité vocale qui ne manquait pas d’originalité, autant de souvenir qui explique que le souvenir de José Missamou soit demeuré vif dans la mémoire populaire.
Clément Ossinondé
– A suivre : très prochainement Les Bantous de la capitale : Résumé chronologique des 60 ans – Chapitre VI – Années 2001 à 2019 (15 Août 2019).
Vraiment un article bien écrit ! une écriture technique et …. cinématographique ! Car on lit cette histoire des Bantous de la Capitale comme si on voyait un film § Bravo le grand Clément Ossinonde et Merci