Le Cameroun au bord du chaos
LIBRES PROPOS. Nous sommes à une virgule du Rwanda des années 90. Rappelez-vous : le génocide s’est construit à partir d’un discours stigmatisant diffusé dans un petit cercle. Petit à petit, le virus de la haine s’est propagé. Des médias, tels que la Radio Mille Collines, ont été mis à contribution jusqu’à ce que l’étincelle actionne le détonateur. Inutile de rappeler l’ignominie qui a suivi.
Le Cameroun est en train de suivre le même schéma : le repli identitaire et la stigmatisation d’une communauté s’enracinent. Au début, beaucoup pensaient qu’il ne s’agissait que d’une guerre verbale sur les réseaux sociaux. Mais entre le virtuel et la réalité, il n’y a qu’un pas. Depuis les élections de 2018, on assiste à une montée en flèche d’actes d’une barbarie sans nom, notamment dans le Sud, région d’origine du président de la République.
Hier encore, les commerces de ceux qu’ils appellent les “allogènes” ont été saccagés et détruits. Les populations des autres ethnies ont été prises à partie, pourchassées à coups de battes et de pierres. Soyons triviaux : c’est un Camerounais qui demande à un autre Camerounais de “rentrer chez lui”… au Cameroun. Je vous laisse le temps de mesurer cette incongruité.
Mais cette scène de violence n’est pas une exception. Il y a quelques années, c’était le même scénario, dans la même région. À l’époque, des militants d’autres partis politiques avaient même été interdits d’y entrer.
Cela nous apprend deux choses :
1. L’échec lamentable du régime de Paul Biya à construire un État-nation. Il a échoué à renforcer une identité camerounaise capable de transcender les ethnies. Il a échoué à trouver un socle commun qui puisse unir les Camerounais au-delà de leurs différences. Mais cet échec est-il vraiment involontaire ? Il ressemble plutôt à un calcul politique cynique : exacerber les divisions pour mieux asseoir son pouvoir. “Diviser pour mieux régner” — et sur ce point, il faut l’admettre, il a réussi.
2. Le fastidieux chantier qui attend le prochain président du Cameroun : la réconciliation nationale. Pardonner risque d’être difficile si la bonne formule n’est pas trouvée. Les blessures de la division sont profondes, la rancœur s’est installée et continue de grandir. Restaurer l’harmonie et réunifier le pays sera un défi colossal.
Teddy Patou
Journaliste et animateur radio.

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