Kasola (Francisco) la première figure connue de la résistance et de la conscience nationale Koòngo*

KASOLA prénommé Francisco est un jeune Mukoòngo né dans les années 1600. Son action de résistance et d’édification de la conscience nationale Koòngo apparaît durant l’année 1632, l’année durant laquelle, il crée une église kongolaise et indépendante vis-à-vis de l’église chrétienne vaticane installée sur le sol de ses ancêtres depuis 1488.

L’action de Mbuùta KASOLA intervient à une période où l’église chrétienne vaticane connaît un succès retentissant à Mbaànza Koòngo, la cité royale et dans certaines provinces et ce, sous l’impulsion des missionnaires comme le père Pero Tavares.

Mais qui est ce père Pero Tavares venu au Koòngo et dont l’action d’évangélisation connaît un succès retentissant ?

Le père Pero Tavares est originaire du Portugal, pays dans lequel, il naît en 1591 à Taveiro. Il étudie à l’université de Coïmbre au Portugal, entre au noviciat des Jésuites en 1621et, est ordonné prêtre en 1628. Il atterrit au Koòngo plus précisément dans la province de Bengo en 1629.

Dès que le père Pero avares arrive en 1629 à Mbaànza Koòngo, il se fait aider pour son action d’évangélisation par des élèves du collège de Luanda qui, outre les sciences de l’humanité, subissent, entre autres, la formation de catéchistes.

Préparé à la hâte et baptisé dans la religion catholique, Mbuùta KASOLA suit assidûment les réunions d’instruction religieuse du père Tavares qui porte essentiellement sur le christianisme.

A son propos, l’éminent koòngologue, le doyen Martial Sinda rapporte :

« Francisco Kassola était profondément religieux comme tous les autres Congolais. Tirant parti des connaissances nouvelles acquises au cours des réunions de fidèles, Francisco Kassola se proclama prophète avant de prendre son bâton de pèlerin pour apporter et prêcher la bonne nouvelle à ses frères de race…Alliant ses dons de magicien à sa connaissance du milieu, Francisco Kassola réussit à mettre sur pied un mouvement qui exerça sur ses compatriotes une extraordinaire fascination.

Prophète noir s’adressant à des Noirs dans un langage simple et adapté, Francisco Kassola remporta un réel succès lorsqu’il déclara sur les rives de Dande et de la Lufine qu’il était fils de Dieu. Serviable, imbu d’une forte culture religieuse, Kassola avait souvent accompagné le père Tavares dans ses tournées pastorales ». [ Sinda (M) in « Le Messianisme Congolais et ses incidences politiques » Payot 1972 P.22.]

Mbuùta KASOLA est d’une part, défini comme un jeune Mukoòngo presque surdoué, intelligent, habile, fin connaisseur des plantes et d’autre part, il apparaît comme une sorte de « gardien du temple » des savoirs et connaissances de ses ancêtres sur lesquels, il entend bâtir une voie de libération et d’indépendance pour le Koòngo qu’il estime être sous le joug des étrangers.

Pour Mbuùta KASOLA, si le Christ est le Sauveur, le Libérateur, l’Ami des Hommes sur terre, tolérant, respectueux des valeurs des peuples comme le prétendent les missionnaires chrétiens, alors pourquoi ceux-ci s’en prennent-ils à des valeurs spirituelles des Koòngo et à leur Dieu lequel, est aussi défini comme un Dieu d’amour, de tolérance, de liberté et de respect, c’est-à-dire Nzaàmbi ya Lutoòndo Na Mpungu Lulendo.

Mbuùta KASOLA est tout simplement, ce qu’on appelle dans le jargon Koòngo, un véritable Nguùnza, c’est-à-dire, un homme des lumières, un prophète, un intellectuel, un sage absolument pétri de savoirs et connaissances de ses ancêtres qu’il estime, avant tout, être l’unique voie d’authenticité, d’autonomie et de libération du peuple Koòngo.

Mbuùta KASOLA était, rapporte le père Tavares, un féticheur de renom dans le pays et un excellent connaisseur des plantes médicinales, et que son intelligence était aussi vive que celle d’un Portugais…Ce jeune Mukongo était, observe-t-il, un garçon dynamique qui savait tirer profit de ses dons. Cherchant à frapper l’imagination de ses compatriotes et voulant consolider par là-même le mouvement qu’il venait de fonder, Kassola suçait les plaies infectées et les guérissait d’ailleurs complètement, ce qui ne manqua pas de décupler son prestige lorsqu’il s’imposa comme fondateur d’une nouvelle religion qui apporterait l’âge d’or aux Noirs.

Quant au doyen Martial Sinda, il relève que :

« Rompu au maniement des prêches de l’Eglise catholique, Kassola eut un grand succès parmi les Bakongo qui le considéraient déjà comme un libérateur de la race. Fort de ce consensus national, le prophète ambulant alla bientôt de village en village pour opérer ses miracles….Ce mouvement connut un succès extraordinaire : des foules composées tant de chrétiens que de personnes qui refusaient d’adhérer à l’Eglise catholique accouraient de partout vers le thaumaturge.
Le bruit selon lequel Kassola accomplissait des miracles se colportait de bouche à oreille et s’amplifiait ainsi démesurément dans les villages et sur les marchés. Des hommes, des femmes ou même des enfants ayant eu l’insigne honneur d’approcher, de toucher ou de serrer la main du prophète se disaient privilégiés, guéris, miraculés.
Le prophète opérait ses miracles selon les usages Bakongo : ainsi disait-on, il faisait apparaître toutes sortes de choses dans les maisons où il n’y avait rien (vin de palme, ignames, fruits, etc…). Ces miracles qui émerveillaient ses compatriotes renforçaient incontestablement la réputation de Kassola. » [ Sinda (M ) « LeMessianisme Congolais et ses incidences politiques » Ibidem.]

En fait Mbuùta KASOLA, ne s’en est jamais pris à la doctrine proprement dite du Christ sur laquelle d’ailleurs rien ne nous est rapporté sur le plan de son action. Par contre sa virulence afférente à son enseignement ou à son discours était tournée contre « le comportement dévoyé des missionnaires et leur autoritarisme au regard des coutumes africaines. Comment, prêchait-il, un peuple qui a ses croyances et ses modes de pensée propre, pouvait-il les annihiler au profit d’une culture étrangère ? » [ Sinda (M) « Le Messianisme Congolais et ses incidences politiques » Ibidem.]

KASOLA est, peut-on dire, le précurseur ou à l’avant-garde des doctrines autochtones comme le Kimpa-vitisme, le kimbanguisme ou le matsouanisme, c’est-à-dire de ces courants de pensée propres à la société Koòngolaise et qui consistent, d’une manière ou d’une autre, en une réhabilitation ou restauration des valeurs identitaires et qui, à ce titre sont la voie même d’autonomie et d’indépendance voire de libération.

Pour les leaders et les partisans de ces courants de pensée, les valeurs universelles ne doivent pas être un piège, une voie de perdition identitaire. L’ouverture de la société Koòngolaise vers le monde extérieur ne doit nullement être une cause de son affaiblissement mais plutôt celui de son enrichissement par le biais du principe d’intégration qui, au final doit faire ressortir l’Homme Intégral, le Muùntu, l’Homme équilibré ou renforcé parce qu’il est, à la fois, lui-même et en même temps ouvert et réceptif à l’évolution du monde tel qu’il est en perpétuel devenir.

Tout comme semble l’indiquer son nom, Mbuùta KASOLA« wasola nzila koòngo », c’est-à-dire, avait fait son choix sans aucune ambiguïté, celui du maintien identitaire en se positionnant pour la Cause et le Parti du Koòngo, cette Cause de restauration de toutes les valeurs sociales, morales, politiques et spirituelles qui définissent l’identité de la Nation-Koòngo. C’est ainsi que, de par son discours, il parvint à bâtir la conscience même de libération du peuple Koòngo qui, selon son entendement, passait, entre autres, par une réhabilitation et une profonde restauration des savoirs et connaissances de ses ancêtres.

En somme, par son action et, en dépit d’une redoutable campagne contre sa personne et son enseignement par les missionnaires européens, en l’occurrence Portugais qui, par ailleurs souhaitaient ou tenaient vivement à son arrestation, Mbuùta KASOLA avait réussi à poser les germes d’un patriotisme ardent qu’allait incarner un siècle plus tard KIMPA VITA ou Dona Béatrice et plus près de nous des fils Koòngo comme le prophète Simon KIMBANGU ou André Grenard MATSOUA.

Rudy MBEMBA-Dya-Bô-BENAZO-MBANZULU (TAÀTA N’DWENGA)
Koôngologue

*Ce texte est dédié à mon aîné, à l’apôtre de la non-violence, le poète de « la tendre nostalgie » Yves Nkodia Mantséka « Yaàya Nkodia » qui n’est plus depuis déjà un an (10/2013-/10/2014).

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