Algérie. Abdelkader Djamai, un grand romancier

TRIBUNE. J’ai écouté avec délice l’entretien qu’a donné Abdlekader Djemai au quotidien en ligne Médiapart. Il se révèle aussi naturel que le méditerranéen Emmanuel Roblès qu’il admirait.

Djemai a écrit quelque 28 romans dans la langue française que peu d’écrivains maîtrisent comme lui. Il n’a pourtant pas connu le succès médiatique qu’ont eu d’autres écrivains venus d’outre-méditerranée ces dernières années.

La raison est peut-être à rechercher dans son authenticité. Il ne se renie pas, et tous ses romans montrent que la société algérienne, dans laquelle il est né et a grandi, est tout simplement un des différents visages de l’humanité, cette humanité qui est italienne, indienne, brésilienne, et aussi française.

Il élève l’ethnocentrisme de son milieu d’origine vers l’universel comme ont su le faire les grands écrivains français et russes du 19èm siècle. Il dit: « je suis heureux quand je parle l’arabe dialectal, et c’est cet arabe dialectal qui me permet d’écrire en français avec précision et sans fioriture ». Il construit un pont au-dessus de la méditerranée pour dessiner le flux d’intersubjectivité que les vicissitudes de l’histoire ont obstrué.

C’était Jacques Berque qui disait que la France était passée à côté d’une chance historique en ignorant la dimension universelle du maghrébin, dimension qui existe chez tout être humain. La colonisation réduit le colonisé à sa seule dimension ethnique. Mais l’histoire arrive toujours à démentir l’imaginaire ethnocentriste, du dominant et du dominé, et Abdelkader Djemai en est la preuve vivante.

Son dernier roman « Mokhtar et le figuier » (ed. Le Pommier) est une œuvre littéraire qui montre que le jeune Mokhtar, qui vivait dans un monde étroit, très étroit, était porteur d’un imaginaire très vaste dont les frontières étaient celles de l’univers. Merci Abdelkader pour ce beau roman, sobre où la sincérité des personnages est décrite avec une langue poétique que seul possède un orfèvre des mots.

Par Lahouari Addi

Sociologue et politologue

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