Tendance accélérée à l’amenuisement des ressources en eau au Maroc
La disponibilité par habitant des ressources en eau renouvelables au Maroc est passée de 2.560 m3/habitant/an en 1960 à près de 650 m3/habitant/an en 2019, soit une réduction de 74,6%, selon la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) relevant du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration. « Cette dotation en eau pourrait chuter en dessous du seuil de pénurie situé à 500 m3 à l’horizon 2030 sous la pression démographique conjuguée à l’impact du changement climatique sur les ressources en eau », a-t-elle relevé dans un Policy Brief (décembre N°18) publié mercredi dernier. D’après l’étude intitulée «Le Maroc à l’épreuve du changement climatique : situation, impacts et politiques de réponse dans les secteurs de l’eau et de l’agriculture », outre la raréfaction des ressources hydriques, la situation du secteur de l’eau au Maroc est marquée par une surexploitation des ressources en eau souterraines à travers les prélèvements excessifs. Une surexploitation estimée à près d’un milliard de m3 par an d’eau non renouvelable, a-t-elle précisé dans un volet de l’étude consacré aux « Stratégies d’adaptation au changement climatique dans le secteur de l’eau ». Le document fait également ressortir d’autres insuffisances portant sur l’utilisation des ressources disponibles comme les pertes d’eau enregistrées dans les systèmes d’irrigation qui peuvent atteindre 40% et la faiblesse des rendements des réseaux de distribution de l’eau potable en milieu urbain. S’agissant de la valorisation des ressources disponibles, il fait état du retard enregistré dans l’équipement des superficies irrigables dominées par les barrages mis en service et pointe du doigt la gouvernance de ce secteur qui serait marquée par la multiplicité des intervenants, la faiblesse de la coordination ainsi que la modicité des moyens humains et financiers des agences de bassins hydrauliques. A noter que les projections à long terme de la situation hydrique au Maroc font état d’une recrudescence de la concurrence pour la ressource entre les différents secteurs usagers, selon le Policy Brief qui a été réalisé en collaboration avec l’Agence française de développement, la Direction générale de la météorologie (DGM), la Direction de la recherche et de la planification de l’eau (DRPE) et l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE). Si l’on en croit cette étude, «il est prévu que la demande en eau relative à l’alimentation en eau potable industrielle et touristique (AEPIT) enregistrerait une augmentation de près de 65% sur la période 2010-2030 contre seulement 3% pour la demande en eau à usage agricole». Il ressort également dudit document que l’augmentation future de la demande en eau au Maroc ferait passer le taux d’utilisation des ressources hydriques superficielles renouvelables (estimées en année moyenne à près de 18 milliards de m3) de 50% en 2010 à 59% en 2030. Estimées en année moyenne à près de 4 milliards de m3, les eaux souterraines renouvelables maintiendraient cette utilisation à un niveau élevé de près de 90%. Autre point important évoqué dans ce Policy Brief, les projections du bilan ressource-demande en eau au Maroc qui font ressortir un déficit de près de 2,3 milliards de m3/an à l’horizon 2030. Celuici « serait résorbé respectivement à hauteur de 1.751 millions de m3 par la mobilisation de ressources en eau de surface supplémentaires, de 510 millions de m3 issues de la désalinisation et de 325 millions de m3 provenant de la réutilisation des eaux usées épurées », a relevé l’étude. Abordant la question des actions menées pour réussir l’adaptation au changement climatique dans le secteur de l’eau, le Policy Brief a rappelé : pour faire face aux enjeux climatiques liés au secteur de l’eau, un large éventail de programmes a été engagé par le Maroc visant la sécurisation des approvisionnements en eau pour les différents secteurs usagers de la ressource. Tenant compte du caractère erratique des conditions climatiques du pays et des effets à long terme du changement climatique, ces programmes portent notamment sur l’atténuation de la variabilité interannuelle des précipitations par la réalisation des grands ouvrages hydrauliques ; la planification anticipative à long terme tenant compte du changement climatique ; la réduction de la vulnérabilité aux phénomènes extrêmes ; la diversification des sources d’approvisionnement en eau ainsi que la sécurisation à court et moyen termes des besoins en AEP et irrigation. Alain Bouithy