Russie. Les trois pièges stratégiques de Vladimir Poutine

Russie. Les trois pièges stratégiques de Vladimir Poutine

TRIBUNE. Pendant que l’actualité du week-end dernier bruissait autour de la chute programmée de Vladimir Poutine et de son régime grâce à la rébellion du groupe paramilitaire Wagner, les choses ne sont pas passées comme annoncées par la presse internationale et deux jours après, une analyse plus serrée nous fait comprendre que la prise de la ville de Rostov et la fameuse marche de Wagner vers Moscou constituent plutôt une stratégie militaire de Poutine consistant à tendre des guet-apens à ses adversaires. 1. Premier piège: Révéler les deux poids deux mesures du camp otanien L’on se souviendra qu’à la veille de la signature des accords de Minsk, le régiment Azov avait été déclaré par le gouvernement américain comme un groupe terroriste et il était retenu que l’aide américaine donnée à l’Ukraine ne devrait pas s’étendre à ce groupe. Tout cela c’est désormais du passé. La brigade Azov a été réhabilitée et retirée de la liste des organisations terroristes. Ce changement inédit de règles transgresse les lois de justice internationale et sera entériné par un autre événement. L’on revivra en effet le même scénario avec le groupe Wagner. Lundi 13 décembre 2021, tous les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE, réunis à Bruxelles, levaient un train de sanction contre Wagner, cette société privée, qui a recours principalement à d’anciens militaires russes, et accusée des violations des droits humains et des opérations clandestines menées au bénéfice du Kremlin. Dans le Journal officiel de l’Union européenne on pouvait lire la condamnation du Groupe Wagner accuse d’avoir « recruté, formé et envoyé des agents militaires privés dans des zones de conflit du monde entier afin d’alimenter la violence, de piller les ressources naturelles et d’intimider les civils en violation du droit international, notamment du droit international des droits humains » Lorsque ce même groupe paramilitaire a annoncé être passé à l’offensive pour prendre le contrôle du cœur du pouvoir militaire de Moscou, les mêmes signataires de ces sanctions ont subitement fait volte-face. Prigojine était brusquement devenu un sauveur des peuples slaves. Des dépêches fusaient de partout, qui pour louer la bravoure et l’héroïsme de Prougijine, qui pour réfléchir déjà sur l’ère post-Poutine. C’est dans ce contexte que nous avons observé la requalification du groupe passé du mouvement terroriste avec la tête de son chef mise à prix à un mouvement révolutionnaire capable de sauver le peuple russe. Certains médias parlaient déjà de la possibilité de lever les sanctions contre Wagner et contre son chef Prigojine. En l’espace de quelques heures, l’ennemi public juré de l’Occident est passé au statut d’un sauveur et d’un héros. Poutine qui est à la manœuvre de ce montage militaire jubile d’avoir mis à nu les contradictions internes de la justice internationale dont les sentences sur les susnommés coupables sont strictement liées aux intérêts privés d’un bloc. Le chef du Kremlin a tendu un piège pour maître en relief ces deux poids deux mesures qui rongent la crédibilité même de la justice internationale. Désormais l’opinion internationale (du moins dans sa partie avertie) regardera deux fois avant de suivre la CPI dans son obsession à poursuivre Poutine devant les juridictions internationales. 2. Deuxième piège : Leurrer l’ennemi par la méthode « maskirovka » Toujours à propos de cette rébellion qui a parcouru de centaines de kilomètres sans résistance et sans coup férir, on aura remarqué que juste un jour après l’ouverture de l’enquête criminelle par Moscou contre Evgueni Prigojine pour « appel à l’insurrection armée », ladite enquête a été subitement abandonnée et l’annonce en a été faite par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Même le ministère de la défense paraît considérer l’épisode comme clos. Sur ses réseaux sociaux, samedi soir, le ministère publiait une photo proclamant « cohésion et unité ». Et une autre curiosité non de moindre, le pays où Prigojine part en exil avec tout son état-major n’est rien d’autre qu’un État vassal de la Russie où cette dernière a transféré quelques-unes de ses têtes nucléaires il y a deux mois. Indubitablement la prétendue révolution de Wagner s’inscrit clairement dans la stratégie militaire russe appelée « La maskirovka (traduit du russe : маскировка) pour vouloir dire littéralement : camouflage en français. La maskirovka se veut une puissante arme utilisée dans l’art de la désinformation militaire. Elle implique un comportement de dissimulation en matière militaire. Elle comprend l’art du camouflage à l’échelon individuel jusqu’au niveau stratégique tel que l’Armée rouge s’en était illustrée durant la seconde guerre mondiale dans les grandes batailles de Rjev-Vyazma, de Stalingrad, de Koursk et de l’opération Bagration. L’Encyclopédie militaire soviétique de 1944 en donne de détails plus précis sur « les procédés russes pour tromper l’ennemi comprennent la dissimulation, l’utilisation de leurres ou de faux équipements, les fausses manoeuvres militaires, le déni et la désinformation. » La première apparition publique ce lundi matin, depuis les incidents, du ministre russe de La Défense, Serguei Choigou, en visite d’inspection des troupes en Ukraine vise à projeter un sentiment d’ordre dans l’armée russe et comme pour dire :”circulez, tout est revenu à l’ordre ». Pour me faire bref, ce qui est arrivé le week-end dernier est l’illustration claire de la stratégie russe maskirovka, visant à manipuler les « faits », à brouiller la perception de la situation militaire et politique en place pour influencer les médias et l’opinion du monde entier, afin d’atteindre ou de faciliter l’atteinte des objectifs tactiques, stratégiques, nationaux et internationaux. Et à ce propos, l’attention de tout analyste sérieux doit être tournée moins vers ce qui s’est passé que vers lesdits objectifs stratégiques et tactiques auxquels cette simple mascarade militaire est destinée. 3. Troisième piège : Sortir les loups du bosquet La maskirovka mise en application le week-end dernier n’est pas qu’une simple opération de camouflage. Elle se veut aussi celle de debuscage. Elle fait donc partie du nombre de stratagèmes de bataille offensive comme le pratique l’art de guerre chinois dans son 13e stratagème (battre l’herbe pour réveiller le serpent) et son 15 e stratagème (amener le tigre à

République Centrafricaine. Martin Ziguélé et Nicolas Tiengaye à Brazzaville

République Centrafricaine. Martin Ziguélé et Nicolas Tiengaye à Brazzaville

INDISCRETION. Lundi 15 octobre. Aéroport international de Douala. L’avion, de type Boeing, propriété de la compagnie Rwandair, fait vrombir ses réacteurs pour un decollage imminent à destination de Kigali via Brazzaville. Deux hommes. L’un est grand, fort et caustaud. L’autre, visage rond, taille moyenne. Les deux hommes font leur entrée dans l’avion. Je n’ai aucune peine à reconnaître Martin Ziguélé, ancien Premier ministre centrafricain (2001-2003) et président du Mouvement de Libération du Peuple centrafricain. Tout comme Nicolas Tiangaye, également ancien Premier ministre de la RCA(2013-2014), ancien avocat de Jean Bedel Bokassa et de François Bozizé. Quelle aubaine pour moi d’être voisin de siège d’un ancien Premier ministre centrafricain. S’établit tout de suite une sympathie entre lui et moi. Comment va la RCA ?  » Le pays va mal. Nous éprouvons des difficultés de trésorerie. Je ne sais pas si nous allons tenir jusqu’en janvier… », s’inquiète t-il, le cou perclus d’humilité. Et Touadéra dans tout ça ?  » Il devient une tête de mule en politique, d’autant qu’il s’est emmuré dans ses certitudes de troisième mandat… », rencherit-il, l’air grave.  » Savez-vous que les mercenaires de Wagner sont tout sauf des russes. Il s’agit des mercenaires syriens, iraniens, afghans…souvent ivres, qui jouent au fou du roi à Bangui en se faisant payer sur le dos de la bête… », conclut-il, le regard perdu dans le hublot. Par A.Ndongo Journaliste économique et financier