Pour des raisons psychologiques, il faut abolir la loi de kaffala !

« En 2014, devant les membres de la Chambre des représentants, le ministre de la justice, Mustapha Ramid, dévoile un chiffre alarmant : durant l’année 2013, les juridictions marocaines ont statué sur 5377 affaires d’enfants abandonnés, contre 5274 en 2009 »*.

Autre chiffre alarmant, il concerne cette fois « l’année 2010, où chaque jour, naissent 153 bébés hors mariage, dont 24 enfants sont abandonnés à la naissance, indique une étude menée par le cabinet Amers, pour le compte de l’association Insaf ».*

Donc il ne s’agit pas d’un nombre insignifiant, mais plutôt d’un nombre très important sachant que nous ne contrôlons pas le nombre d’enfants abandonnés non enregistrés officiellement.

Sur le plan psychologique je trouve la loi de Kaffala très cruelle avec ces enfants abandonnés pour plusieurs raisons :1- L’interdiction de l’adoption par des non-musulmans

La loi impose aux parents adoptifs étrangers  d’être musulmans ou de se convertir à l’Islam. Ces parents étrangers sont prêts à donner à ces enfants un foyer chaleureux, un foyer d’amour, de les inscrire dans leur carnet d’état civil, de faire d’eux leurs propres enfants. Il arrive souvent, que des parents ont déjà des enfants biologiques et par amour pour ces bébés abandonnés, ils veulent faire d’eux leurs propres enfants et leurs donner des frères et des sœurs. Ils sont prêts à leur donner une éducation civilisée, de  les scolariser, les nourrir et les soigner. Ils sont prêts à leur donner leur parenté, leur nom et de faire d’eux leurs héritiers. Mais la loi de kaffala impose la conversion à l’Islam et ces enfants sont abandonnés une deuxième fois pour devenir quoi ? Des enfants de la rue ? Des ignorants ? Des victimes d’abus sexuel ? Des prostitués ? Des criminels ? Des toxicomanes ? Des être sans appartenance à la lignée parentale, des inconnus, des étrangers, des sans identités ? des sans familles ?

Pour le progrès du Maroc et la paix dans la société, avons-nous besoin de citoyens équilibrés, instruits, ou bien juste de citoyens musulmans ? Avons-nous besoin d’un marocain instruit, dans le service de son pays et cela quelle que soit sa croyance ou bien juste d’un marocain qui porte le titre de musulman ?2- La kaffala est une grande injustice

Un bébé abandonné, n’a pas choisi son  sort et tout ce dont il a besoin ce sont des parents affectueux et aimants. La kaffala déséquilibre cette relation d’amour et impose aux parents de ne jamais être des vrais parents pour ces enfants. De même elle empêche l’enfant d’appartenir à la lignée de ses parents adoptifs. 

En somme, la kaffala coupe le cordon d’amour qui aurait pu se nouer et se construire entre l’enfant abandonné et ses parents adoptifs. La kaffala fait de l’enfant adopté et de ses parents, des étrangers les uns vers les autres. Malgré ça, la loi de Kaffala continue d’ignorer la souffrance des parents adoptifs et celle de l’enfant adopté.

Aucune relation d’amour parents-enfant ne peut se construire en imposant que l’enfant adopté ne s’inscrive pas dans l’état civil des parents. Une déchirure et une douleur à tout jamais.

L’enfant abandonné, se trouve trahit la première fois par ses parents biologiques et encore une deuxième fois par ses parents adoptifs. Ainsi nous préparons très certainement un citoyen souffrant psychologiquement et qui ne pourra jamais avoir à son tour une relation saine et équilibrée avec ses propres enfants. Par conséquent, nous engendrons d’autres enfants présentant des troubles affectifs qui à leur tour vont reproduire la même pathologie familiale.

L’enfant adopté se sent aussi trahit une 3ème fois par l’état qui lui fait obstacle d’être un enfant à part entière comme tous les enfants inscrits dans l’état civil de leurs parents.3- L’enfant abandonné « fils du pêché »

La société marocaine est dure et cruelle avec les enfants abandonnés et adoptés en les stigmatisant  d’enfants du pêché. Est-ce que de leur faute d’être abandonnés ? Ont-ils commis des pêchés ? Ne sont-ils pas des victimes ? Non seulement ils souffrent d’être abandonnés et de ne pas pouvoir être inscrits dans l’état civil des parents adoptifs, mais de surcroit la société les stigmatise d’enfants du pêché ! Même s’ils n’ont jamais entendu ceci directement, ils entendent cette stigmatisation dans le discours social.4- Le paradoxe de la loi de la kaffala

La loi endurcit l’adoption pour les parents étrangers et aussi pour la kaffala pour le bien de ces enfants, afin qu’ils soient musulmans et bénéficient d’une éducation musulmane. Qu’en est-il alors des millions d’enfants marocains nés légalement dans des foyers musulmans alors qu’ils sont dans la rue avant l’âge de 7 ans sans aucune surveillance, ils sont violentés par leurs propres parents et ils manquent d’affection, d’amour, d’accompagnement, de scolarisation, de nourriture, de soins médicaux ?

Dans ce cas là, pourquoi la loi ne retire pas ces enfants battus de leurs propres parents et les place dans des institutions de l’état pour les protéger ?

Si la loi veille à appliquer les principes musulmans aux enfants abandonnés, pourquoi alors  ne les applique-t-elle pas à tous les enfants qu’ils soient abandonnés ou bien nés légalement dans des foyers musulmans ?

Docteur Jaouad MABROUKI

Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe

* https://www.medias24.com/MAROC/SOCIETE/166708-Une-tragedie-silencieuse-les-abandons-d-enfants-au-Maroc.html.

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