Trois questions à Serge Aime Guemou : « Nous voulons implanter cette conscience collective dans nos pays d’origine »

Le président-fondateur du Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc est très apprécié dans le milieu associatif sur le territoire chérifien. Ce natif du Camerounais est rigoureusement engagé dans la défense des Droits de cette catégorie de population, venue de loin de l’autre partie du continent noir. Son histoire est inspirante à plus d’un titre. Interview express.

La genèse du Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc découle d’une histoire de faim, de justice et de solidarité. Pouvez-vous nous la raconter ?

Bien évidemment. En effet, c’est l’histoire d’un jeune garçon de quinze ans, arrêté pour avoir volé — non pas de l’or, ni de l’argent — mais du pain et un peu de fromage. Lorsqu’on lui demanda pourquoi, il répondit simplement : « C’était pour ma mère malade. Nous n’avions rien à manger ». Ce fut un silence assourdissant dans un tribunal. Le juge, ému, prononça des paroles qui résonnent encore aujourd’hui : « Si un enfant doit voler du pain pour nourrir sa mère malade, alors c’est nous, la société, qui avons échoué ». Il fit alors ce que peu de gens auraient eu le courage de faire. Il déclara que chaque personne présente dans la salle, lui y compris, devait payer une amende pour avoir permis que la faim et l’injustice persistent. Parce que la faim d’un seul être humain est une défaite pour l’humanité entière.

Ce fut donc votre source d’inspiration ?

Cette histoire, bien qu’ancienne, est toujours la nôtre. Elle parle de solidarité, de responsabilité collective et de dignité humaine. Il s’agit des valeurs fondamentales que le Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (C.M.S.M.) porte depuis 20 ans. Depuis deux décennies, notre association se bat pour que plus jamais un être humain ne soit contraint à l’injustice, à la faim ou à l’exclusion simplement parce qu’il est migrant, pauvre ou sans voix. Nous avons appris que la migration n’est pas un crime, mais une quête de vie, de dignité et d’avenir. Comme le rappelait Nelson Mandela : « Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une manière qui respecte et renforce la liberté des autres ». Au Conseil, notre engagement est de fournir un soutien aux migrants et réfugiés par le biais d’une série d’objectifs stratégiques soigneusement élaborés, visant à promouvoir leur intégration et leur développement durable.

Qu’en est-il vers des pays d’origine et de départ des migrants ?

Au Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc, nous croyons que la solution durable aux défis migratoires commence dans les communautés d’origine. Nos expériences, nos connaissances et notre expertise en matière de gouvernance associative, de protection sociale, de formation, et de dialogue interculturel doivent désormais servir de modèle et d’inspiration à d’autres initiatives locales en Afrique subsaharienne. Le C.M.S.M. veut ainsi devenir un pont humain et institutionnel entre le Nord et le Sud mais surtout entre les pays du Sud eux-mêmes, en renforçant la coopération, la co-construction et la transmission des savoirs. Pour finir, je paraphraserai Cheikh Anta Diop qui disait que le développement d’un peuple ne peut se concevoir qu’à partir de sa propre conscience et de sa propre humanité. Nous voulons implanter cette conscience collective dans nos pays d’origine.

Propos recueillis par Kankanbgè Wassoulou

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