Le Droit et l’Héritage culturel (1)

Le Droit et l’Héritage culturel (1)

Yvon Laurier Ngombé, avocat à la Cour d’Appel de Paris, Président de l’Association pour la promotion de la Propriété Intellectuelle en Afrique, a écrit cet article, éminemment clair et concis, pour intéresser celles et ceux qui sont concernés de près ou de loin par le droit des successions. Il lève le voile sur ce droit réputé complexe, pour que chacun y trouve alors la réponse claire et précise. Bon à savoir  « El manisero », « Tres lindas cubanas », « Summertime », « El Guateque de Ciprian », « Petite Fleur », « Summertime », « Around Midnight », autant de standards qui ont contribué à la notoriété et à l’aura de la salsa et du Jazz. La transmission du patrimoine culturel contribue donc à l’essor et à la promotion de l’art.  Le titre « Mokitani ya Wendo » de Tabu Ley évoque l’idée de transmission, l’idée d’héritage. Le Seigneur Rochereau Tabu Ley revendique dans cette chanson celui de Wendo, pionnier de la Rumba congolaise. A l’heure où l’écrit et les nouvelles technologies de la communication viennent efficacement compléter l’oral comme moyen de conservation du patrimoine, une politique de promotion de la rumba en tant qu’expression de la culture congolaise mérite d’être pensée et mise en œuvre. Cette promotion de la rumba des deux Congo passe notamment par l’encouragement des adaptations des standards. Nombreux sont les musiciens qui ont largement repris des classiques de la rumba congolaise. Hélas, certaines reprises portent atteinte aux droits des créateurs de ces classiques. Ainsi, parmi les nombreuses reprises de «Dit Moninga» deLucie Eyenga, certaines ne sont pas déclarées comme telles.  Par respect pour l’auteur, les reprises devraient mentionner le nom de Lucie Eyenga pour respecter son droit d’auteur. Une stricte application du droit pourrait conduire les héritiers de la chanteuse à réclamer en justice un dédommagement contre l’ensemble des plagiaires qui ont pillé l’héritage laissé par cette grande dame de la chanson congolaise. En effet, certains artistes ont repris le refrain de la célèbre chanson de Lucie Eyenga : « iyoléli ya ngai na yo Bissengo ya bisso mibale Ata ba fingi ba finga Ata baluli balula ». D’autres succès de l’aube de l’indépendance ont connu le même sort. C’est par exemple le cas de l’une des chansons initialement interprétées par Marie Kitoto et passée à la postérité alors que le nom de l’artiste s’est perdu dans le gouffre de l’oubli : « Ba bangu Baléka Banoki Bakima Ya biso se Malembe » La question de l’héritage culturel implique celle de l’accès à ce trésor légué aux générations futures. Cette transmission suppose une conservation des œuvres et des phonogrammes. Pendant longtemps, les producteurs et éditeurs de musique respectaient la formalité du dépôt légal. Il convient de veiller afin de garantir la conservation puis l’accès à la production musicale des Congo. Il devient impératif que les pouvoirs publics prennent à bras le corps la question de l’héritage culturel.Il est par exemple, aujourd’hui, quasi impossible aux mélomanes de se procurer les rares enregistrements de Paul Kamba, pionnier de la Rumba. Une campagne pourrait être menée pour reconstituer la « Rumbathèque ». Il s’agit d’un devoir à l’égard des générations futures. Dans un premier temps il sera utile de dresser un inventaire, puis il conviendra de (re)constituer les archives. Les services du ministère de la culture pourraient, par exemple, faire appel aux collectionneurs afin d’obtenir des copies Avec cette question, le droit, la culture et la politique (culturelle) se conjuguent. L’encouragement de l’adaptation et de la réinterprétation des standards peut faire partie d’une stratégie de promotion de la Rumba, à condition que les droits des créateurs des classiques soient strictement respectés. Interpréter et réinterpréter « Ntima Luaka », « Bomoto », « Congo na Bisso », « Makambo Mibale », « Soulard »… contribuera certainement au rayonnement de la Rumba. Il ne faudra cependant pas oublier la part due aux héritiers de Loubelo, de Boukaka ou Pamelo, ou à des auteurs vivants tels que Kosmos Moutouari ou Zao. Droit d’auteur oblige. La tâche ne sera sans doute pas aisée mais le chantier mérite d’être ouvert.  Clément Ossinondé (glané pour vous) [1] Cet article est inspiré du chapitre « Mokitani Ya Wendo » du livre Rumba, droit et Business, BOD, 2013